C’est un communiqué rédigé sur un ton très sévère qui a remis les pendules à l’heure. La présidence algérienne a fait savoir hier lundi que les informations circulant ces derniers temps sur la reprise en juin des vols commerciaux algériens étaient des « rumeurs », soulignant que l’ouverture ou la fermeture de l’espace aérien relevait d’une « décision souveraine » du ressort exclusif des hautes autorités du pays.
Le communiqué de la Présidence de la République était laconique, mais il en dit long sur la colère qui anime en ce moment le président Tebboune et ses conseillers. D’abord, relisons ce communiqué dans sa version intégrale : « des rumeurs circulent ces derniers temps, selon lesquelles les vols commerciaux algériens reprendraient le mois prochain. Il s’agit, en effet, de rumeurs infondées émanant de milieux encore otages de pratiques n’ayant plus lieu d’être dans l’Algérie nouvelle ». « L’ouverture ou la fermeture de l’espace aérien aux vols relève d’une décision souveraine du ressort exclusif des hautes autorités du pays », ajoute ce communiqué.
A qui s’adresse donc cette mise au point ? En réalité, les informations propagées sur une potentielle reprise des vols d’Air Algérie ne sont pas des Fake News diffusées par des activistes sur les réseaux sociaux. Non, c’est le commandant Karim Seghouane, pilote et président du syndicat des pilotes de ligne (SPLA) à Air Algérie qui avait fait cette annonce au média arabophone Ennahar.
Le représentant des pilotes algériens a même fait savoir que les vols d’Air Algérie interviendraient à cette date « si les pays de l’Union européenne ouvraient leur espace aérien à la compagnie aérienne algérienne ». Le même interlocuteur est allé encore plus loin en affirmant que les pilotes de la compagnie aérienne « étaient prêts à reprendre le travail à partir du mois de juin ». Or, le SPLA est un syndicat entièrement acquis à la cause et intérêts de l’actuel PDG d’Air Algérie, Bakhouche Allèche. C’est, d’ailleurs, l’un des rares syndicats d’Air Algérie avec le syndicat UGTA de l’entreprise du controversé Said Tiouanine, qui soutient ouvertement et sans failles la politique du PDG d’Air Algérie.
Karim Seghouane est également un personnage sulfureux. Selon nos investigations, il était un élément très proche de l’entourage de deux personnalités impliquées jusqu’au cou dans les combines politiques et les pratiques scandaleuses ayant porté un énorme préjudice financier et moral aux institutions de l’Etat algérien. Il s’agit du député milliardaire Baha Eddine Tliba et de l’ex-ministre des Transports, Boujemaa Talai. Deux personnalités sulfureuses qui ont été incarcérées par la justice algérienne le 23 septembre et 17 octobre 2019.
Nous avons appris au cours de nos investigations que c’est le PDG d’Air Algérie, Bakouche Allèche, qui a demandé à Karim Seghouane, l’un de ses principaux alliés du moment, de partir à la rédaction d’Ennahar pour une interview au cours de laquelle il devait affirmer et expliquer que la compagnie aérienne nationale est prête à reprendre le travail. Le PDG d’Air Algérie a élaboré, en vérité, un plan machiavélique destiné à exercer des pressions sur le gouvernement à travers des syndicats pour autoriser Air Algérie à reprendre ses vols dans l’optique de réduire les pertes financières face auxquelles Bakhouche Allèche n’a trouvé aucune solution viable faute d’un plan de sortie de crise en bonne et due forme élaboré par ses collaborateurs.
L’actuel PDG d’Air Algérie croyait naivement que son lobbying secret finira par faire plier le gouvernement en lui autorisant de reprendre une partie des vols nationaux ou internationaux. Le pari de Bakouche Allèche a été perdu car la Présidence de la République est intervenue sévèrement pour le recadrer en rappelant qu’elle est la seule institution qui peut décider de la fin du confinement pour le secteur aérien. Grosse claque pour l’actuelle direction générale d’Air Algérie.
