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vendredi, mai 3, 2024

Pourquoi les tests de dépistage produits en Algérie n’ont pas été validés par l’Institut Pasteur ?

Grâce à l’entreprise productrice Vital Care, située dans la zone industrielle de Baba Ali à 30 KM de la capitale Alger, l’Algérie a commencé officiellement à produire des kits de dépistage du coronavirus COVID-19. Or, depuis l’annonce de cette bonne nouvelle le 12 mai dernier, plusieurs interrogations demeurent sans réponse concernant les tenants et aboutissants de ce processus de production. 

 

Selon les informations communiquées à la presse algérienne par le gérant de l’entreprise Vital Care, le test de dépistage produit en Algérie a été  utilisé dans le cadre d’essai et d’évaluation immuno-chromatographique au niveau du service d’immunologie du CHU de Beni Messous. Il s’agit, officiellement, d’un test sérologique rapide conditionné.

Dans les colonnes du quotidien francophone El Watan, c’est le Pr Réda Djidjik, chef de service d’immunologie au Chu de Beni Messous, qui a défendu l’efficacité de ce test de dépistage. Il dit ceci : « Depuis le début de l’épidémie, nous avons effectué dans notre établissement 6000 tests rapides dans le cadre d’un travail de comparaison entre les différents tests rapides, d’évaluation de la performance analytique et la validation avec l’Institut Pasteur d’Algérie. Ce kit de Vital Care est aussi performant que les autres tests rapides que nous avons utilisés dans notre laboratoire ». 

Or, il s’avère que le kit de dépistage produit dans l’usine de Baba Ali de la société Vital Care a été testé uniquement par le CHU de Béni Messous. Or, il s’agit d’un simple hôpital qui n’est nullement habilité à se prononcer sur la performance des médicaments ou des équipements médicaux. Il n’a aucune autorité scientifique ou morale pour se prononcer sur le bien-fondé d’un test de dépistage. A l’hôpital, on soigne des patients. On ne fait pas de la recherche scientifique et on teste pas l’efficacité des traitements médicaux. Le CHU de Béni Messous n’est pas un centre de recherche.

En Algérie, ce travail de recherche revient à l’Institut Pasteur d’Alger. C’est au niveau de cet institut que les essais du nouveau test de dépistage produit en Algérie aurait pu être menés d’autant plus que l’Institut Pasteur est le seul qui dispose des équipements ou laboratoires nécessaires pour mener les campagnes de dépistage du COVID-19. L’Institut Pasteur d’Alger a le savoir-faire nécessaire pour se prononcer sur la qualité de ce test de dépistage. Or, à la surprise générale, il n’a pas été associé à ce processus de vérification et l’entreprise produisant les kits de dépistage à Baba Ali s’est contentée du quitus du CHU de Béni Messous. Pourquoi ? Nul ne le sait pour le moment et le mystère demeure entier.

Pourquoi a-t-on choisi le CHU de BENI-MESSOUS et non pas le CHU de BLIDA qui a enregistré le plus de cas de contamination au COVID-19 ?

Là encore, personne n’a répondu à cette question. Le doute est permis car le plus influent des hauts responsables du ministère de la Santé s’appelle Omar Bouredjouane, actuellement chef de cabinet du ministère de la Santé et anciennement Inspecteur Général du ministère de la santé, est l’ancien directeur général du CHU Béni Messous. Nous avons jugé qu’il était souhaitable de tirer la sonnette d’alarme pour éviter des éventuelles intrigues  pouvant avoir des retombées néfastes majeurs sur le plan sanitaire et financière.

Il faut savoir, par ailleurs, que l’utilisation ou la commercialisation d’un test de dépistage au coronavirus COVID-19 est conditionnée d’abord par son homologation !

En effet,  le 17 mars, l’Organisation mondiale de la santé préconisait notamment d’intensifier les efforts de dépistage dans le monde. Pour autant, les tests sont nombreux et tous ne se valent pas. Et dans les pays développés, des cahiers de charges ont été édités et élaborés pour contrôler et vérifier l’efficacité de ces tests de dépistage. Ce sont, d’autre part, des organismes sanitaires publics spécialisés qui veillent sur le respect des dispositions de ces cahiers de charges. Cette mission ne revient pas à un hôpital public comme c’est le cas en Algérie.

En France, à titre d’exemple, les examens permettant de valider les performances de l’ensemble de ces tests sérologiques doivent être faits par les centres nationaux de référence (CNR) et à partir detoutes dernières données scientifiques et médicales disponibles. Parmi les critères d’évaluation, la Haute Autorité de Santé, une agence publique en France,  retient par exemple : la valeur seuil minimale de la sensibilité clinique (probabilité d’avoir un test positif si le sujet est malade, c’est-à-dire vérifier que le test détecte bien la présence des anticorps anti-SARS-CoV-2 dans le sang de patient COVID-19) estimée à 90% ou 95% en fonction de l’usage du test, ou encore la valeur seuil minimale de spécificité clinique (probabilité d’avoir un test négatif chez les non-malades, c’est-à-dire vérifier si le test est bien négatif en l’absence d’anticorps anti-SARS-CoV-2 dans le sang de donneurs non infectés) estimée à 98 %.  

Les autorités françaises ont publié un cahier des charges définissant les modalités d’évaluation des performances des tests sérologiques pour garantir le respect des exigences sanitaires. En Algérie, il n’y a aucune trace d’un quelconque cahier des charges. Il n’y aucune Haute autorité de la Santé publique qui contrôle et vérifie ces tests avant leur utilisation par des patients ou les hôpitaux.
Le fabricant Vital Care a déclaré qu’il produit ces tests de dépistage en partenariat avec une société Canadienne et une autre Jordanienne. Est-ce que le fabricant partenaire Canadien a validé son test au Canada ? Est-ce qu’il est accrédité par les autorités sanitaires au Canada ? Ni le ministère de la Santé algérien ni l’entreprise privée algérienne n’a répondu à ces questions.
Plusieurs questions doivent être enfin posées  : est-ce que l’usine de Baba Ali dispose de la ligne de production complète ou s’agit-il d’un simple découpage de plaques importées ? Est-ce que la matière première concernée est validée dans le pays d’origine ?  Est-ce que la procédure de montage en Algérie respecte les conditions d’asepsie et de contrôle requises ?
Algérie Part poursuit ses investigations et tentera d’obtenir des réponses à ces questions dans ses prochaines publications.
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