Les autorités algériennes ne veulent pas le reconnaître, mais une seule image suffit pour résumer les incohérences de la politique sanitaire algérienne face à l’épidémie du COVID-19. Samedi dernier, deux ministres du gouvernement se déplacent jusqu’à Ain El Kebira dans la wilaya de Sétif pour rendre hommage à la défunte médecin Wafa Boudissa et présenter leurs condoléances à sa famille affligée par ce drame ayant ému toute l’Algérie. Le ministre de la Santé, le professeur Abderrahmane Benbouzid, Chirurgien orthopédiste de formation, a présidé cette délégation ministérielle qui s’est déplacée à Ain El Kebira.
A la surprise générale, ignorant les principes les plus élémentaires de la prévention dans ce contexte sensible marquée par la lutte contre l’une des épidémies les plus mortelles de l’histoire contemporaine, le ministre de la Santé anime une conférence de presse dans la chambre à coucher de la défunte médecin morte des suites de sa contamination au coronavirus COVID-19 ! Une conférence de presse dans une petite pièce ayant abrité une personne morte du COVID-19 et réunissant un groupe de journalistes qui se serrent sans aucun respect de la distanciation sociale…
L’image est catastrophique et résume à elle seule toute l’ampleur du bricolage qui règne au plus haut sommet du pouvoir algérien dans la gestion de cette crise sanitaire. L’Algérie est effectivement en train d’être entièrement dépassée par cette épidémie qui ne recule pas sur le territoire national. 198 cas confirmés au coronavirus et 6 décès ont été enregistrés durant les dernières 24 heures. Depuis le début du mois du Ramadhan, une moyenne de 180 nouveaux cas confirmés est enregistrée partout sur le territoire algérien. L’Algérie est le pays africain le plus touché par le nombre des personnes décédées des suites du coronavirus COVID-19 sur le continent africain. Seule l’Egypte avec sa population dépassant les 100 millions d’habitants fait pire que l’Algérie.
Mais en Egypte, comme un peu partout ailleurs en Afrique, les autorités se mobilisent pour renforcer leur dispositif de sécurité sanitaire et améliorent sans cesse leur riposte à la maladie.
En Afrique du Sud, l’économie la plus industrialisée d’Afrique compte le plus grand nombre de cas parmi les pays du continent, suivie par l’Egypte (11.719 cas, dont 612 morts). La population d’Afrique du Sud est confinée depuis le 27 mars, sous des conditions parmi les plus strictes de la planète, qui incluent l’interdiction de vendre alcool et cigarettes. Rien à avoir avec le confinement à l’algérienne qui autorise la population à circuler librement et sans aucune gêne jusqu’à 17 H 00 de l’après-midi !
Le gouvernement sud-africain ne s’est pas contenté du confinement et a lancé une stratégie de tests massifs, ayant touché 460.873 personnes jusqu’ici. En Algérie, la capacité de dépistage est toujours limitée à 400 par jours en attendant la production des kits de dépistage par une usine installée dans la banlieue d’Alger. Nous y reviendrons.
Au Zimbabwe, un pays voisin à l’Afrique du Sud, un pays d’une population de 15 millions d’habitants, les autorités ont refusé également de badiner avec le confinement.
Le président du Zimbabwe Emmerson Mnangagwa a annoncé samedi que le confinement imposé depuis le 30 mars pour tenter d’enrayer la progression de l’épidémie de coronavirus resterait en place « pour une durée indéterminée », avec un réexamen de la situation toutes les deux semaines. Le président s’est félicité des effets positifs du confinement, qui se traduisent selon lui dans les chiffres de contaminations, peu élevés. Le Zimbabwe a jusque-là officiellement détecté 42 cas d’infection au Covid-19, dont 4 mortels. Plus de 25.000 personnes ont été testées. On le voit bien, le Zimbabwe est un pays largement plus sérieux et engagé dans la lutte contre le coronavirus que l’Algérie.
Au Maghreb, la Tunisie est en train de donner une véritable leçon à l’Algérie. La Tunisie n’avait pas enregistré de nouveau cas de coronavirus (Covid-19) depuis 5 jours. Grâce à une politique de surveillance épidémiologique et un confinement très bien respecté, la Tunisie est en train de maîtriser cette épidémie. En ce moment, la Tunisie est en train de procéder à la réouverture partielle des administrations et du secteur industriel. Le port du masque est désormais obligatoire dans l’espace public et une autorisation de circulation reste nécessaire jusqu’au 24 mai prochain. La fin de l’année scolaire a été actée pour les écoliers. Seule exception, les candidats au baccalauréat devraient reprendre les cours fin mai.
La Tunisie a réussi à empêcher la propagation du coronavirus COVID-19 sur son territoire grâce à un confinement ciblé qui est entré en vigueur depuis le 4 mai courant. Cette stratégie a permis à la Tunisie de traiter les personnes infectées dans les limites des capacités du système de santé tunisien. Malgré ces succès, la Tunisie ne relâche pas sa vigilance les autorités tunisiennes ont préparé un retour du confinement sanitaire total dès lors que 10 infections simultanées auraient été constatées.
Le plan de la Tunisie n’a strictement aucune relation avec les mesurettes anarchiques de l’Algérie. La stratégie tunisienne pour améliorer le confinement a été déployée dés le début du mois de mai. Durant la première phase, ce sont les petits métiers et les artisans qui ont été principalement concernés par le déconfinement à l’exception des coiffeurs et esthéticiens qui reprendront du service dès le 11 mai.
Mais avant de reprendre, ces travailleurs des petits métiers et ces artisans sont appelés à remplir un formulaire dans les sièges des municipalités et dans les postes de police et de la Garde Nationale pour obtenir l’autorisation de reprises d’activité. Les municipalités tunisiennes et les postes de police et de la Garde Nationale vérifieront ces demandes et accorderont les autorisations nécessaires. La reprise de travail s’effectuera par alternance, c’est-à-dire un jour sur deux (jour paire et impaire selon le dernier numéro de la CIN).
Pour les autorisations de déplacement et de transport pour les sociétés privées, ces dernières ont été appelées par les autorités tunisiennes à faire des demande sur un site internet dédié à cette cause et le lien est le suivant : Autorisation.gov.tn
Ce portail unique permet le dépôt en ligne des demandes d’autorisation de circulation, leur traitement par les autorités compétentes et l’octroi en ligne de ces autorisations aux entreprises et par sms aux employés concernés par la continuité de l’activité. Pour les fonctionnaires publics qui reprendront à partir du 4 mai, ils doivent obtenir des documents d’autorisations de la part de leurs administrations.
Bref, par rapport à la Tunisie, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et d’autres pays africains, l’Algérie s’est distinguée par un amateurisme très inquiétant. L’Algérie n’a, jusqu’à aujourd’hui, établi ni une stratégie de dépistage massif, ni mis en place un véritable confinement sérieux et efficace, ni encore moins rendu le port du masque obligatoire alors que cette mesure est entrée en application depuis plus d’un mois ailleurs dans les pays africains. La conclusion est amère : le populisme et le bricolage sont en train de mettre en danger la santé publique des Algériens alors qu’ailleurs en Afrique, la pandémie du COVID-19 fait de moins en moins de dégâts. En Algérie, depuis le début du Ramadhan, elle est encore plus dangereuse qu’à ses débuts au mois de février dernier.