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vendredi, mai 3, 2024

L’ombre du fils de Nourredine Zerhouni plane sur la pénurie de l’oxygène médical en Algérie

L’Algérie vit depuis la fin du mois de juin dernier au rythme des scandaleuses pénuries d’oxygène médical dans tous les hôpitaux du pays y compris le plus grand hôpital militaire du pays, celui d’Ain Naadja. Dans tous les hôpitaux, plusieurs patients atteints de COVID-19 meurent faute d’oxygène médical qui aurait pu leur sauver la vie en soulageant leur détresse respiratoire. De Biskra en passant par Sétif, Bouira ou Mécheria, partout à travers l’Algérie, les familles des patients du COVID-19 affirment rechercher désespérément des bouteilles d’oxygène médical. Pourquoi une telle pénurie ? En vérité, derrière ce drame, nous retrouvons des pratiques scandaleuses qui ont ébranlé un secteur clé de l’industrie pétrochimique algérienne. 

Pour commencer à comprendre les tenants et aboutissants de ce dossier, il faut savoir d’abord qu’il y a que trois producteurs locaux de ce qu’on appelle gaz médicaux parmi lesquels figure l’oxygène médical. Linde Gaz, Sidal (Ex Air Liquide) et Calgaz Algérie. Mardi passé, ils ont été réunis par le ministre de l’industrie pharmaceutique, Dr Lotfi Benbahmed.

Il n’y a que deux opérateurs, à savoir Linde Gaz et Sidal, qui ont des contrats de distribution avec le secteur hospitalier. Linde Gaz et Sidal se sont engagés lors de cette réunion avec le ministre algérien à doubler l’offre de bouteilles d’oxygène, soit de 5.000 à 10.000 unités au profit des établissements de santé et d’interagir ensemble avec l’appui de Calgaz Algérie, de façon solidaire, pour faire intervenir leurs moyens logistiques à travers l’ensemble du territoire national, à tout moment et tous les jours de la semaine pour satisfaire la demande en matière d’oxygène quel que soit le volume de la demande qui sera exprimée par les établissements de santé.

Ces engagements théoriques cachent en réalité une véritable situation de monopole dont est victime l’Etat algérien depuis 2007. Cette année-là, les Allemands de Linde Gaz ont repris l’entreprise nationale des gaz industriels (ENGI) dans le cadre politique de privatisation des entreprises publiques. Le partenaire allemand Linde Gas détient 66 % des actions, alors que le groupe public Algeria Chemical Specialities, possède pour ça part 34%.

Les allemands ont réussi ce coup de maître grâce à un homme : Amine Zerhouni, le fils de l’ex-ministre de l’intérieur Noureddine Zerhouni  de 1999 à 2010 et vice-Premier ministre dans le gouvernement Ouyahia IX de mai 2010 jusqu’à septembre 2012. Nourredine Zerhouni fut l’un des poids lourds du régime Bouteflika et l’un de ses symboles les plus emblématiques. Aujourd’hui, oublié de la machine judiciaire algérienne et de la broyeuse institution militaire, Nourredine Zerhouni se soigne à Paris à l’âge de 83 ans et souffrant d’un dangereux cancéreux, des soins qui lui sont entièrement pris en charge par l’Etat algérien, a appris Algérie Part de plusieurs sources concordantes.  Mais son fils, Amine Zerhouni fut l’un des hommes d’affaires les plus brillants durant le long règne d’Abdelaziz Bouteflika.

Amine Zerhouni a fait fortune dans de nombreuses activités lucratives, a appris Algeriepart suite à ses investigations. Amine Zerhouni possède au moins 4 entreprises qui comptent énormément dans le paysage économique algérien. Il s’agit, tout d’abord, de la Sarl Anthea qui a été immatriculée le 05/01/2016. Son capital est de 100,000.00 Da. Située à Hydra, cette société est un bureau d’affaires où plusieurs activités sont proposées.Les télécoms constituent l’autre volet du business d’Amine Zerhouni puisqu’il est l’un des principaux propriétaires de la Sarl BDO IT AND Telecommunication. Amine Zerhouni possède également une entreprise de comptabilité appelée EURL BDO Algérie.

Mais au-delà de toutes ces entreprises algériennes, Amine Zerhouni a gagné ses milliards grâce aux services qu’il offrait aux entreprises étrangères désireuses de venir s’installer en Algérie pour y faire des affaires. Il était considéré ces dernières années comme le meilleur « introducteur » des multinationales dans le marché algérien. Amine Zerhouni obtient toutes les facilités aux entreprises étrangères et leur permet de venir s’installer en Algérie pour toucher le pactole.

C’est ainsi grâce aux « services d’intermédiaires » d’Amine Zerhouni que Linde Gas a pu remporter l’affaire du siècle en Algérie : devenir propriétaire et actionnaire de l’entreprise nationale des gaz industriels (ENGI). Une position qui lui permet très rapidement de détenir le quasi-monopole avec neuf sites de productions et une cinquantaine de concessionnaires positionnés sur plusieurs villes du pays. Linde Gas règne ainsi rapidement sur les marchés des gaz industriels notamment celui des gaz médicaux, dont la fourniture des établissements et centres de santé, est détenue dans sa totalité par la firme allemande.

En 2008, le spécialiste français des gaz industriels Air Liquide viendra tenter de perturber le monopole des allemands, mais en vain. Et pourtant, Air Liquide avait acquis en septembre 2008 l’ensemble des actions de l’entreprise publique algérienne Sidal.

Le groupe français a investi en Algérie 25 millions d’euros par an et à partir de septembre 2013,  il s’est offert même un nouveau complexe de production à la zone industrielle de Réghaïa (Alger).

Mais cela n’a pas empêché Linde Gas de continuer de dominer outrageusement le marché algérien notamment concernant la fourniture de l’azote et l’oxygène liquéfiés  dont a cruellement besoin le secteur de la santé en Algérie. En 2010 et en 2013, plusieurs hôpitaux algériens ont été privés unilatéralement d’oxygène médical parce qu’ils n’ont pas été capables d’honorer leurs factures auprès de Linde Gas. Une situation qui a provoqué une polémique nationale et un bras-de-fer avec les autorités algériennes. Celles-ci menacent régulièrement de renationaliser Linde Gas, mais au bout des pourparlers, elles font marche arrière. Pendant ce temps-là, Linde Gas continue de prospérer et de grandir en Algérie. En avril 2017, elle se lance dans la construction d’une nouvelle unité de production de gaz de l’air sur le site d’Arzew dans la wilaya d’Oran.

« Cette unité de production est conçue pour répondre à la demande croissante de nos clients tels que Sonatrach, GNL, Fertial, Sorfertet et pour alimenter les hôpitaux et les différentes cliniques en 0² médical », s’était enorgueillie à l’époque la société allemande dont les revenus en Algérie dépasse les 50 millions d’euros par an. Amine Zerhouni a réussi sa mission en faisant de Linde Gas leader incontesté et absolu du marché algérien.

Le secteur de la Santé en Algérie dépend donc entièrement de deux sociétés étrangères implantées en Algérie, mais qui défendent naturellement leur business avant de se soucier de la vie des patients algériens. Et Sonatrach, la compagnie nationale des hydrocarbures, a déserté totalement le terrain laissant  deux sociétés étrangères s’emparer de tout le gâteau du marché des gaz industriels en Algérie, un marché totalement occulté sur lequel on ne sait presque rien tellement il est géré dans une totale opacité.

Et pourtant, la Sonatrach créé en 1998 la Société de Conditionnement et Commercialisation des Gaz Industriels (COGIZ). Et elle devait faire de cette filiale le fer de lance de ses activités dans le secteur des gaz industriels. Or, malheureusement, aucun projet concret n’a été lancé car Sonatrach recherchait longtemps un partenaire international. Elle avait, d’ailleurs, lancé en 2016 un avis d’appel d’offres restreint pour la réalisation d’une usine de production d’azote, d’argon et d’oxygène à Haoud Berkaoui, Wilaya de Ouargla et à Arzew, d’une capacité de 200 tonnes jour chacune.

Or, cet appel d’offres a été étrangement annulé en 2017l et Sonatrach s’est engagé dans les négociations d’un contrat de gré à gré en vente directe avec le géant américain Air Products (Etats Unis),  un groupe dont les ventes ont atteint les 8,9 milliards de dollars issus des activités menées dans 50 pays et la capitalisation boursière actuelle de la société avoisine les 35 milliards de dollars. En novembre 2018,  Air Products et la Sonatrach ont signé des accords dans le domaine des gaz industriels en Algérie. Cet accord porte sur des investissements conjoints qui ont pour objectif de permettre d’augmenter le gaz de charge d’hélium ainsi que la construction et la mise en service de deux nouvelles unités de séparation des gaz de l’air (ASU).

L’homme qui avait, d’ailleurs, superviser les négociations de ce projet pour Sonatrach en 2018 s’appelle… Toufik Hakkar, l’actuel PDG de la compagnie nationale des hydrocarbures. Mais jusqu’au jour d’aujourd’hui, rien de concret n’a été encore réalisé sur le terrain et n’il n y a encore ni usine d’Oxygène médical à Arzew comme à Ouargla. Et malgré l’urgence sanitaire, la direction générale de Sonatrach n’a pas bougé le petit doigt laissant ainsi deux opérateurs étrangers dicter leur loi à l’Algérie. Triste réalité d’un pays dépendant des étrangers et incapable de s’industrialiser par lui-même…

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