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dimanche, mai 5, 2024

Le pouvoir lance officiellement le processus de l’interdiction des marches du Hirak

Ce mardi 10 mars, le pouvoir algérien a lancé officiellement les préparatifs de l’interdiction des marches du Hirak. Profitant de la propagation inquiétante du coronavirus à travers le monde entier, les autorités algériennes ont officiellement décrété l’annulation des rassemblements publics.

Le ministre de la Santé, Abderahmane Benbouzid, annoncé ce mardi que des instructions fermes ont été communiquées par la Présidence de la République pour annuler « tous les rassemblements sportifs, culturels, politiques sont annulés. Tous les salons et les foires sont annulés, on ne prend pas de risque », selon la déclaration de M.Benbouzid faite lors d’un forum du quotidien gouvernemental arabophone Echaab (Le Peuple)

Est-ce que ces interdictions concernent les marches populaires du Hirak ? Le ministre de la Santé ne l’a pas affirmé publiquement. Mais parler d’évènements politiques sous-entend directement les marches du Hirak puisque elles constituent la seule animation politique en Algérie au regard du morcellement et quasi-effondrement de la scène politique classique.

Le coronavirus, un alibi espéré pour diaboliser le Hirak et l’empêcher de se dérouler, tel est, semble-t-il, le voeu du pouvoir algérien qui se sert de cette situation mondiale exceptionnelle pour justifier un retour à l’ordre établi. Certes, l’Algérie compte à ce jour 20 cas de Covid-19, selon le ministère de la Santé, mais la situation épidémiologique n’est guère aussi gravissime que celle des pays européens comme l’Italie et la France qui viennent d’adopter des mesures aussi radicales pour juguler la propagation du Coronavirus.

Pour préparer le terrain à l’interdiction du Hirak, le gouvernement Tebboune est sorti de son silence en dénonçant les « dangers » du maintien des marches du vendredi et du mardi. A la surprise générale, c’est Abdelaziz Djerad, le Premier-ministre, qui a lancé la première offensive en affirmant qu’il serait « plus sage d’atténuer la tendance revendicative et l’occupation excessive de la voie publique, qui ne fait qu’aggraver davantage la situation actuelle sans apporter de solutions concrètes aux différents problèmes auxquels font face les citoyens et citoyennes ». En clair, Djerad estime que le Hirak complique encore davantage la situation économique et politique du pays.

Plus loin, il a affirmé encore ce mardi que « la sagesse, la compréhension et la mobilisation des forces vives de la nation est la seule voie qui permettrait une solution apaisée en vue d’assurer une sortie d’une crise politique, économique et sociale sans précédent et écarter toutes les manipulations avérées, qui ne sauraient diviser les enfants de ce pays ni attenter à la cohésion nationale du peuple algérien », a-t-il soutenu. Pour la première fois depuis l’arrivée au pouvoir du Président Tebboune, le Hirak est officiellement « diabolisée », caricaturé et pointé du doigt comme étant « une force de déstabilisation ». L’Etat algérien affiche ainsi sa volonté d’en finir avec ce mouvement populaire qui squatte les rues chaque vendredi et mardi tout en tentant de s’emparer de l’espace public un troisième jour de la semaine, à savoir le samedi.

Si le langage de Djerad est, un tant soit peu, clame et « diplomatique », le ministre de l’Intérieur, Kamel Beldjoud, a est allé beaucoup plus loin mardi dans la daïra d’Ourlal (28 km à l’Ouest de la wilaya de Biskra) qualifiant le Hirak d’être manipulé par « des parties extérieurs soutiennent des éléments connus qui œuvrent à la destruction du pays ».

« Ces parties étrangères soutiennent des éléments connus aux intentions claires et œuvrent par leur biais à détruire le pays, le faire retourner aux années précédentes et le plonger dans des problèmes », a indiqué le ministre lors de l’inauguration du siège de la sûreté de la daïra d’Ourlal. Kamel Beldjoud a également ajouté qu’ » (…) il existe encore des éléments qui veulent détruire ce à quoi est parvenu le Hirak populaire et sortent les mardi et vendredi avec les manifestants œuvrant pour l’escalade », tout en soulignant que l’Algérie est entrée dans l’ère de la nouvelle République dans laquelle le président de la République Abdelmadjid Tebboune s’est engagé à concrétiser toutes les revendications du Hirak.

Le message est clair : le Hirak d’aujourd’hui n’a plus aucune légitimité aux yeux de l’Etat algérien. Pour Tebboune et son équipe, seul le Hirak du 22 février jusqu’à l’organisation des élections présidentielles du 19 décembre 2019 est légitime et représentatif de la volonté populaire. A entendre la nouvelle équipe dirigeante du pouvoir algérien, le Hirak d’aujourd’hui n’a aucune raison d’être. Il ne reste, en vérité, que de prononcer son illégalité et imposer les interdictions des marches populaires.

Il s’avère que le ministre de l’Intérieur, Kamel Beldjoud, dispose de toutes les prérogatives qui lui permettent de prononcer cette interdiction des marches du Hirak. Et les premiers éléments de langage sont d’ores et déjà mobilisés pour préparer l’opinion publique algérienne à cette décision arbitraire.

Preuve en est, face à la répression brutale des manifestants de samedi dernier, le ministre de l’Inérieur « a salué le professionnalisme des éléments de la police dans leur accompagnement du Hirak depuis plus d’une année » ! Pas de quartier, pas de pitié. Le pouvoir algérien est en train d’adopter la logique de l’affrontement avec le Hirak et oublie ses promesses de dialogue…

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