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jeudi, mai 2, 2024

Enquête. Un Etat défaillant trop présent dans l’économie : la véritable source de sous-développement de l’Algérie

L’Etat algérien est omniprésent dans l’économie nationale. Il est même trop présent. C’est, d’ailleurs, ce qui peut expliquer le sous-développement économique du pays. Et pour cause, plombé par ses lourdeurs bureaucratiques, ses scandales de mauvaise gouvernance ou de corruption, ses dysfonctionnements administratifs ou ses archaïsmes idéologiques, l’Etat algérien ralentit dangereusement le développement du pays, pour ne pas le sabote. Pour s’en convaincre, il suffit d’explorer l’énorme désordre qui règne au sein des entreprises étatiques. Explications et éclairage. 

En théorie, l’Etat algérien est au cœur du processus de développement économique et de création d’emploi de l’Algérie. Il intervient à la fois en tant qu’administrateur, actionnaire et investisseur. Dans certains secteurs il est également régulateur. Son intervention repose principalement sur les entreprises publiques économiques (EPE) qui ont longtemps servi de socle pour le développement des infrastructures et des services publics. Le pays compte actuellement près de 1300 entreprises publiques.

Dans les mines et les transports, l’Etat algérien est même prédominant. Il en est de même dans l’industrie hors hydrocarbures, 55% de la valeur ajoutée selon les statistiques nationales les plus récentes.  Dans les travaux publics pétroliers, l’eau, l’énergie, les industries diverses, le sindustries sidérurgiques, métalliques, électroniques ou mécaniques, les mines, les carrières, la part de l’Etat dans la valeur ajoutée dépasse les 90%, à savoir la richesse produite lors du processus de production. La valeur ajoutée traduit le supplément de valeur donné par l’entreprise par son activité (le travail) aux biens et aux services en provenance des tiers.

Par ailleurs, en Algérie les banques publiques occupent une place dominante dans le financement de l’économie. Six banques publiques détiennent 86 % des actifs et 85% des dépôts. Au côté de ces banques publiques, le fonds national d’investissements (FNI) -doté d’un capital de150 milliards de DA-joue un rôle important dans la politique de développement du gouvernement à travers la gestion des financements du Trésor destinés au secteur productif et l’administration des concours définitifs octroyés par l’Etat pour financer des équipements publics.

Le FNI intervient aussi sur ses ressources propres par le biais de prêts directs à long terme et des prises de participations. Depuis quelques années, son rôle ne cesse d’être élargi. A partir de 2009, les pouvoirs publics sont intervenus à travers le FNI pour participer aux opérations d’augmentation de capital des entreprises nationales en vue de se conformer aux dispositions de la loi régissant l’investissement étranger en Algérie (loi «51/49»), qui imposait, avant sa suppression partielle en 2020, une participation d’au moins 51% de l’actionnariat national résident dans le capital social des sociétés impliquant des investisseurs étrangers. Plus récemment, une partie des liquidités créées dans le cadre de la politique de financement non conventionnel (FNC) mise en place en 2017 lui a été allouée.

Malheureusement, l’immense ampleur de ce secteur public ou étatique n’a permis à l’économie algérienne de gagner en croissance ou en performance. Et pour cause, la majorité écrasante de ces entreprises étatiques algériennes sont déficitaires ou en situation de quasi-faillite et vivent uniquement des subventions interminables du Trésor Public de l’Etat algérien.

Il faut savoir à ce propos que l’organisation du secteur public en Algérie a connu des réorganisations successives au cours des dernières décennies. Toutefois, cela n’a pas permis d’endiguer la dégradation des résultats (près de 1/3 des EPE ont des performances négatives), ni de remédier à la faible compétitivité du secteur industriel public ou de réduire la fragmentation des responsabilités institutionnelles.

La gestion de ses entreprises et institutions financières publiques s’apparente davantage à une gestion administrative (emplois en doublon, procédures internes complexes, bureaucratie, faible orientation commerciale, procédures largement inspirées du code des marchés publics, tarifs administrés fixés à des niveaux inférieurs aux coûts des opérations, etc.) et reste peu inspirée par les pratiques du secteur concurrentiel. Ces entités ont peu d’autonomie et sont soumises à des tutelles multiples (Conseil des participations de l’Etat (CPE), premier ministère, ministères de tutelle, etc.) et à divers organes de contrôle (IGF, Cour des comptes, commissaires aux comptes, inspections sectorielles, etc.).

Elles doivent ainsi systématiquement avoir l’aval du CPE pour toutes les décisions importantes (nomination des cadres, conditions d’emploi, fixation de prix de vente de biens ou services, décisions d’investissement, etc.). Ce qui nuit à leur efficacité et ralentit la prise de décision. Si les banques publiques semblent bien capitalisées et rentables c’est en partie grâce à un soutien récurrent de l’Etat et à la recapitalisation de prêts non productifs des EPE.

En 2016, le Trésor a procédé à des rachats (auprès de banques publiques) de créances sur les EPE pour un montant de 456,2 milliards de dinars, ce qui porte le total des rachats nets en 2015 et 2016 à 761,1 milliards de dinars algériens.

Les entreprises publiques, particulièrement celles auxquelles sont assignés des objectifs de service public sont une source de risques budgétaires dans la mesure où elles bénéficient d’un soutien (implicite ou explicite sous forme de garantie) des pouvoir publics. Les pertes qu’elles enregistrent sont généralement prises en charge par l’Etat via des recapitalisations, des transferts budgétaires où des exemptions fiscales. Leur impact sur l’équilibre des comptes publics est potentiellement significatif. Ces risques peuvent se transmettre à l’ensemble de l’économie en particulier lorsque ces entreprises ont des liens étroits avec les banques publiques ou commerciales qui sont leur principales créancières.

Notons également que plusieurs études et expertises ont démontré que le soutien financier aux banques et entreprises publiques par le gouvernement algérien n’est plus soutenable à moyen terme et va à l’encontre de l’objectif de consolidation budgétaire et de rétablissement de l’équilibre des comptes publics. Conscientes des défis que pose la présence de l’Etat dans l’économie et de la nécessité et de lui conférer davantage de lisibilité, les autorités ont sollicité la Banque en vue de l’appuyer à rationaliser sa stratégie de participations dans le secteur marchand et à faire de l’Etat un actionnaire actif, efficace et avisé.

Toutes ces données démontrent que les entreprises publiques sont un véritable lourd fardeau pour l’Algérie qui pénalise sérieusement son développement. Même le Premier-ministre algérien Aïmene Benabderrahmane, a reconnu récemment cette vérité amère contre laquelle les autorités algériennes semblent impuissantes. Preuve en est, durant ces 30 dernières années, les entreprises publiques algériennes ont coûté à l’Etat algérien plus de 20 milliards de dollars de dépenses et budgets consacrés à leur soutien et l’assainissement de leurs dettes.

En réponse aux députés de l’Assemblée populaire nationale dans le cadre du débat sur le Plan d’action du gouvernement, le Premier ministre a révélé effectivement qu’en dépit du soutien de l’Etat à ces entreprises, celles-ci sont restées dans une situation difficile » et l’enveloppe financière affectée à leur assainissement depuis 1991 jusqu’au 30 juin 2021 s’élève à près de 2790 milliards de DA, à savoir l’équivalent de 20,72 milliards de dollars. Une somme colossale avec laquelle l’Algérie aurait pu se reconstruire ou lancer de nouvelles gigantesques infrastructures qui auraient pu permettre au pays de rattraper son sous-développement économique.

Tout cet argent a été consommé par des dizaines, voire des centaines d’entreprises publiques déficitaires, endettées et proches de la faillite. Pour sauver les emplois, l’Etat algérien n’a pas cessé de sortir le chéquier durant 30 dernières années. Une situation qui ne peut plus durer.

Il est à souligner enfin que plusieurs études et expertises ont recensé récemment un peu plus de 1400 entreprises publiques économiques dotées d’environ 10.000 filiales toutes organisées en sociétés par actions (ÉPÉES/SPA), dont l’Etat algérien est l’unique actionnaire, qui souffrent de problèmes économiques et financiers si graves, que leurs commissaires aux comptes ont officiellement prononcés leurs dissolutions du fait de l’épuisement quasi total de leurs actifs. En 2010, le ministère des finances faisait état de plus de 800 EPE en faillite ( actifs nets négatifs), qu’il faut impérativement mettre sur le marché de la privatisation, au risque de causer un énorme préjudice aux finances publiques. L’Etat algérien doit absolument désengager du secteur économique et libérer les initiatives en laissant le soin au secteur privé et aux entrepreneurs d’innover et de produire de la croissance économique pour le pays. L’Etat ne peut que rester régulateur pour protéger l’intérêt national. Il est temps que le dirigeants algériens comprennent cette vérité devenue évidence depuis deux siècles dans les pays développés.

 

 

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2 تعليقات

  1. Quand on laisse aux entreprises chinoises + Algériennes les grands travaux, ce n’est pas une réussite !
    Lors de sa visite à Oran pour inspecter le complexe olympiques et l’aérogare !
    L’entreprise Chinese Metallurgical group corporation + Cosider !
    Le cahier des charges prévoyait 500 ouvriers, ils sont 100 sont sur le terrain mais moins de 80 travaillent ?
    Les travaux ont débuté en 2012 et devaient être terminés en 2019 !
    Plusieurs rallonges de milliards de dinars ont été donné !
    Les travaux vont-ils être terminés avant les jeux Méditerranéens ? Peut-être encore une petite rallonge pour inciter les entreprises à s’activer !
    Combien vont coûter ces infrastructures ?
    # Chez eux, les Chinois peuvent construire un hôpital en un temps record mais à l’étranger ils ne sont pas aussi actifs !