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jeudi, mai 2, 2024

Enquête. Liquidités bancaires : les dernières mauvaises décisions de Tebboune qui peuvent déstabiliser l’Algérie

Les autorités algériennes ont pris durant ces dernières 48 H deux décisions fondamentales sur le plan économiques. Deux mesures qui font vraiment froid dans le dos et soulèvent des interrogations sérieuses sur les capacités des dirigeants actuels du pays à affronter la crise économique née dans le sillage de la pandémie du coronavirus COVID-19. Explications. 

Dans ce premier focus, nous allons nous concentrer sur la première décision qui est passée quasiment inaperçue alors qu’elle risque de modifier radicalement le paysage bancaire algérien. En effet, la Banque d’Algérie (BA) vient de décider de baisser le taux de réserve obligatoire de 6 à 3% afin de faire face au problème de liquidités illustre clairement la complexité de la situation. D’après la Banque centrale algérienne, l’objectif d’une telle décision est de «libérer, pour le système bancaire, des montants additionnels de ressources et mettre à la disposition des banques et établissements financiers des moyens supplémentaires en faveur du financement de l’économie nationale et du soutien de l’activité économique.»

L’Etat algérien reconnait ainsi que le pays fait l’objet d’une terrible crise de liquidités qui s’explique par les très mauvaises conditions économiques du pays. La crise de liquidités n’a donc aucun relation directe ou indirecte avec un quelconque « complot » fomenté par des lobbys hostiles à l’Algérie comme il avait été répandu massivement par la propagande officielle du régime algérien. Les autorités algériennes avouent au moins cette fois-ci la vérité. Mais il faut savoir que cette décision comporte énormément de risques économiques et financiers sur la stabilité du pays. Comment ?

Avant de répondre à cette question, il faut savoir que ce n’est pas la première fois que la Banque d’Algérie baisse le niveau des réserves obligatoires imposées aux banques algériennes. Le 15 mars 2020, le Comité des Opérations de Politique Monétaire (COPM) de la Banque d’Algérie avait décidé de réduire le taux de réserve obligatoire à 8%. A l’époque aussi, l’objectif de la Banque d’Algérie était « de nature à permettre de libérer, pour le système bancaire, des marges supplémentaires de liquidités et mettre ainsi, à la disposition des banques et établissements financiers des moyens additionnels d’appuis au financement de l’économie nationale à un coût raisonnable ».

6 mois plus tard, la Banque d’Algérie intervient encore une fois et baisse ce taux de réserve obligatoire à 3 % ! Cela signifie clairement que la crise de liquidités se pose en Algérie depuis le mois de mars dernier, à savoir le début de la pandémie de la COVID-19. Et pendant tous ces 6 mois, les autorités algériennes ont échoué à résoudre ce problème très délicat qui martyrise au quotidien les Algériens lesquels cherchent désespérément du cash pour pouvoir financer leurs consommations quotidiennes.

Maintenant avant d’analyser encore en profondeur la dernière décision prise par le gouvernement de Tebboune, un peu de pédagogie s’impose. Qu’est-ce que réellement les réserves obligatoires ?

Chacune des banques commerciales à un compte à la banque centrale et doit y laisser une somme minimale, en pourcentage de ses richesses. Généralement, c’est la banque centrale qui fixe ce pourcentage. Cette somme est appelée le taux de réserves obligatoire, et va permettre à la banque centrale de faire varier la masse monétaire. C’est une réglementation mondiale et internationale en vigueur dans la majorité des pays du monde.

Lorsque l’économie est en récession, la banque centrale baisse son taux de réserve obligatoire afin d’augmenter la masse monétaire dans l’économie. L’objectif est de pousser les banques commerciales à libérer plus de monnaie. Ainsi, faire bénéficier aux ménages et entreprises sous forme de prêts, car ces derniers se verront octroyer plus de facilité de caisse. Ce qui va stimuler la demande pour enfin créer de la croissance.

Lorsque l’économie est en situation de surchauffe, la banque centrale augmente son taux de réserve obligatoire, afin à baisser la masse monétaire dans l’économie. L’objectif est de pousser les banques commerciales à freiner la consommation, dans ce sens qu’il y aura moins de facilité de caisse, c’est-à-dire moins de prêts. Ainsi cela permettra de freiner la demande des ménages et des entreprises. Ce qui aura pour effet de baisser légèrement la croissance et augmenter légèrement le chômage afin de baisser l’inflation et aboutir à une économie stable.

Le taux de réserves obligatoires est donc un indicateur fondamental pour la gestion des équilibres financiers et économiques d’un pays. Maintenant, revenons à l’Algérie. Cette mesure Baisser le taux de réserves obligatoires jusqu’à 3 % est-elle réellement une bonne nouvelle ?

Non, loin s’en faut. De prime abord, beaucoup de personnes vont dire que cet argent débloqué par la Banque Centrale algérienne va permettre de résoudre la crise de liquidités. Ce n’est pas vraiment le cas. Pourquoi ? Parce que cet argent n’est pas, d’abord, destiné aux consommateurs. Les sommes qui seront débloquées par la Banque Centrale algérienne seront consacrées aux financements des entreprises et institutions ébranlées par la chute de l’activité économique à cause de la crise du coronavirus COVID-19. Des entreprises privées devront en bénéficier sous forme de nouveaux prêts bancaires pour relancer leurs activités et payer encore leurs salariés.

Mais cet argent servira surtout aux entreprises publiques comme Air Algérie, Sonelgaz, la SNTF, certaines filiales de Sonatrach, l’ETUSA, Algérie Ferries, les aéroports du pays et de nombreux autres établissements publics dont les recettes ont terriblement diminué à cause de la pandémie de la COVID-19.

Ces entreprises et institutions étatiques vont bouffer des milliards de Da sinon elles devront déclarer faillite et renvoyer des milliers de travailleurs. Pour ne pas en arriver jusque-là, l’Etat intervient et joue au sauveur. C’est noble. C’est louable. Mais en passant par la baisse du taux de réserves obligatoires de la Banque Centrale, c’est une énorme prise de risque. Pourquoi ? Parce que ces entreprises étatiques ne produisent pas de richesses ni ne dégagent des bénéfices et ce depuis bien avant la pandémie de la COVID-19. Et les budgets colossaux qui seront consommés lui suffiront à peine pour survivre momentanément sans aucun agenda précis car aucun indicateur n’annonce encore la fin de la pandémie dans le monde.

Pendant ce temps-là, la Banque d’Algérie aurait lâché beaucoup, mais beaucoup de liquidités. Et si d’ici l’hiver prochain, la pandémie paralyse une nouvelle fois l’économie mondiale ébranlant au passage les recettes de l’Algérie, provenant essentiellement des exportations des hydrocarbures, une nouvelle crise de liquidités va se poser en Algérie. Et pour cause, les sociétés déficitaires notamment étatiques sombreront de nouveau dans la zone rouge et les crédits octroyés par les Banques ne seront pas remboursés ce qui va provoquer une pénurie du cash à travers le pays empêchant ainsi les consommateurs de répondre à leurs besoins élémentaires comme l’achat des produits de première nécessité.

A ce moment-là, la Banque d’Algérie aura déjà entamé une partie importante de ses réserves et que va-t-elle encore faire ? Baisser une nouvelle fois le taux des réserves obligatoires à moins de 2 %, ensuite à moins de 1 % ? C’est intenable et impossible pour l’Algérie. En conclusion, l’Algérie cherche à injecter de l’argent continuellement, mais sans aucun plan de relance sérieux, à savoir sans aucune possibilité de création de richesses. L’argent qui sera injecté ne va pas créer une nouvelle masse monétaire, au contraire, il permet à peine de quoi consommer pendant quelques semaines, voire quelques mois.

C’est pour cette raison que la dernière décision du gouvernement de Tebboune concernant les liquidités bancaires est hyper-dangereuse pour la stabilité de l’Algérie.

Soulignons enfin que la Banque d’Algérie avait déjà utilisé cette technique de la baisse du taux des réserves obligatoires, mais sans aucun succès. En mai 2016, et sur fond de contraction drastique de la liquidité bancaire, suite à la crise pétrolière et financière mondiale de 2014, la Banque centrale avait réduit le taux des réserves obligatoires des banques, le portant de 12% initialement à 8%. En août 2017, ce taux a été une nouvelle fois réduit de 8% à 4%. Cette mesure avait permis aux banques d’injecter plus de liquidités sur le marché. En effet, 360 milliards de DA de liquidité bancaire ont été injectés en 2016 et 347 milliards de DA l’ont été en 2017. Mais cette stabilité n’a pas du tout duré parce que cet argent injecté n’a créé aucune dynamique de croissance économique. Trois ans plus tard, à savoir en 2020, l’Algérie renoue encore avec la crise de liquidités et la pénurie du cash. L’Algérie reproduit ainsi les mêmes erreurs du passé.

 

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