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mardi, mai 14, 2024

Enquête. Le Wifi urbain « Outdoor », un projet ambitieux saboté magistralement par Houda Feraoun et sa clique

C’est un projet dont le lancement en grande pompe a été annoncé par les autorités algériennes depuis 2014. 6 ans plus tard, ce projet n’a toujours pas vu le jour. Et pourtant, il aurait pu démocratiser l’accès à Internet en Algérie tout en améliorant la qualité catastrophique du débit. Ce projet mort-né s’appelle le Wifi Outdoor. 

De quoi s’agit-il exactement ? le WiFi Outdoor est l’utilisation du WiFi pour l’accès à l’Internet en dehors des bâtiments (Outdoor). Il s’agit du WiFi utilisé dans les lieux publics : la rue, les universités, les aéroports, … etc. Le service WiFi Outdoor est fourni par un opérateur détenteur d’une autorisation.

Pour son fonctionnement, le WiFi Outdoor requiert une bande de fréquence qui doit être administrée en Algérie par l’Agence Nationale des Fréquences (ANF) et gérée « commercialement » par l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT) d’Algérie (ARPT) transformée depuis juillet 2018 en lAutorité de Régulation de la Poste et des Communications Electroniques (ARPCE). Le Wifi Outdoor nécessite également des équipements centraux appelés HotSpot positionnés dans différents lieux publics, permettant au Public d’accéder à ce réseau Wifi. Il lui faut aussi un opérateur fournissant le cœur du réseau, permettant de relier le HotSpot (ou l’opérateur WiFi Outdoor) au réseau d’accès à Internet (à l’opérateur fournissant la bande passante Internet). Enfin, le dernier maillon de cette chaîne est un opérateur fournissant la bande passante internet, permettant l’accès au réseau Internet (international).

Dés 2013, l’Algérie, un pays très en retard en matière d’accès à internet, a compris les enjeux du Wifi Outdoor. A l’époque, les autorités algériennes ont capté l’intérêt principal du
WiFi Outdoor qui consistait à contribuer au développement d’une société de l’information
connectée en accélérant l’édification de réseaux d’accès à Internet propices au développement d‘une économie numérique.  Dans ce contexte, des experts ont suggéré aux autorités algériennes  de développer l’usage de réseaux sans-fil WiFi (utilisant des
bandes de fréquences) et de le considérer comme complémentaire aux réseaux existants en vue d’accélérer la vitesse de déploiement des réseaux.

Dés janvier 2014, l’opérateur historique Algérie Télécom a lancé des consultations et des pourparlers avec la holding tunisienne Telnet « pour la fourniture et la mise en service d’un réseau WiFi Outdoor sur tout le territoire algérien ».

Algérie Télécom (AT) comptait ainsi se lancer dans un réseau WiFi grand public, « Wifi Outdoor », dans le cadre de sa stratégie de généralisation du haut débit. A l’époque, la holding tunisienne Telnet, en collaboration avec sa filiale en Algérie DataBox Algeria, a signé un nouveau marché cadre avec l’opérateur historique algérien de téléphonie « reconductible sur quatre années, à réaliser à compter de l’exercice 2014, pour la fourniture et la mise en service d’un réseau WiFi Outdoor sur tout le territoire algérien ». Il était ainsi prévu que l’opérateur Algérie Télécom lance le marché du WiFi Outdoor en Algérie pour ensuite permettre à des opérateurs privés d’exploiter le réseau d’Algérie Télécom moyennant une redevance. Des opérateurs auraient pu donc prospérer sur le marché algérien en proposant des offres d’accès à internet grâce au Wifi Outdoor.

Pour ce faire, l’ARPT a émis un cahier des charges (CdC) pour l’établissement et l’exploitation de réseaux WiFi Outdoor en date du 03 avril 2016 (Décision n°51/SP/PC/ARPT/2016). Ce premier cahier des chages prévoyait la mise en place d’une autorisation d’établissement et d’exploitation des réseaux WiFi Outdoor  qui serait réservée exclusivement aux « opérateurs alternatifs » afin de stimuler la création d’opérateurs alternatifs et de renforcer ceux existants. Une décision salutaire qui aurait pu permettre d’enclencher une véritable dynamique économique permettant la création de plusieurs entreprises nationales algériennes dans ce domaine des TIC au moment même où l’accès à Internet constitue forte demande nationale en Algérie.

Il s’avère, par la suite, que cette réglementation a été déviée et détournée de sa vocation. En effet, une autre décision a été prise par les autorités du secteur sous la coupe de Houda Feraoun, l’ex-ministre de la Poste, des TIC et des Télécommunications. Il s’agit de la n°10/SP/PC/ARPT/2017 datant 22 février 2017. Celle-ci a introduit des changements au cahier des charges du 03 avril 2016. l’ARPT avait choisi d’étendre arbitrairement le spectre aux fréquences assignées à d’autres opérateurs fournisseurs d’accès à internet existants.

Malheureusement, les modifications apportées dans la décision du 22 février 2017, plus précisément en ce qui a trait à la planification de la bande de fréquences radioélectriques, impactent gravement les services d’accès à Internet fournis par d’autres fournisseurs privés, ont menacé d’affecter le bon fonctionnement des réseaux WiFi Outdoor futurs.

C’est à partir de ce moment-là que la mise à mort du Wifi Outdoor a commencé en Algérie. Plusieurs opérateurs et fournisseurs d’accès à internet ont, pourtant, saisi à maintes reprises l’ARPT pour retirer les fréquences déjà assignées de la bande réservée au WiFi Outdoor. Ces opérateurs ont demandé à l’ARPT de préciser clairement le début de la période de réserve, afin de stimuler la création de nouveaux acteurs et de garantir aux opérateurs WiFi Outdoor le plein bénéfice de celle-ci.  Avec les modifications décidées unilatéralement par l’APRT, les opérateurs installés dans le marché algérien craignaient  des conditions discriminatoires qui viseront à renforcer le monopole d’Algérie Télécom.

Mais l’ARPT s’entête et refuse d’entendre les réclamations des experts et opérateurs du secteur. Elle va ainsi saboter l’évolution d’un projet majeur pour le développement de l’Internet en Algérie. Selon les sources que nous avons consulté au cours de nos investigations, les modifications arbitraires imposées au cahier de charges d’avril 2016 ont été inspirées par les instructions de Houda Feraoun, l’ex-ministre du secteur limogé de son poste au début du janvier 2020 et placée sous enquête pour diverses dilapidations des deniers publics. 

Et pourtant, le processus lancement du Wifi Outdoor avait bien avancé. Preuve en est, en décembre 2016, en prévision d’un déploiement à partir de 2017, trois opérateurs privés avaient été retenus par l’ARPT. L’instance chargé de la régulation du secteur avait sélectionné trois fournisseurs d’accès à internet, en plus d’Algérie Télécom, pour le wifi outdoor que l’Algérie ambitionnait de généraliser dans les grandes villes du pays.

Ces opérateurs sont Smart Link Communication, Icosnet et Anwarnet. Icosnet avait déjà investi plusieurs millions de DA en déploiement d’infrastructures dans la capitale Alger pour se préparer au lancement du Wifi Outdoor. Cette première sélection a été annulée à partir de 2017 à cause des modifications apportées au cahier des charges initial. Comme d’habitude, l’arbitraire politique intervient pour tuer l’entreprenariat en Algérie. Une centaine de sociétés, Internet service providers (ISP) et Fournisseurs d’accès internet (FAI), a été créée entre 2002 et 2005, avant de se voir éjecter du «marché», souvent de manière brusque et sans aucune explication de la part des instances officielles. Des lois sont modifiées à tort et travers, aucune stabilité réglementaire, les investisseurs se lassent, perdent de l’argent et se braquent.
A partir de 2018, le projet du Wifi-Outdoor est abandonné et le projet est « tué dans l’oeuf ». Ni Algérie Télécom ni aucun opérateur privé ou international n’a pu investir, créer des emploies et permettre à Internet de se développer.
En février 2018, Houda Feraoun est intervenue sur la radio algérienne pour justifier l’arrêt de projet au nom des « considérations sécuritaires » ! D’après l’ex-ministre aujourd’hui interdite de quitter le territoire national, si le wifi dans les espaces publics et les transports a été abandonné, avant même son lancement, c’est parce que «les services de sécurité étaient dans l’impossibilité d’identifier les utilisateurs» ! Un argument totalement fallacieux qu’elle utilisait pour juste caché la vérité aux Algériens. Celle relative à une véritable opération de sabotage des acteurs économiques pour laquelle elle devra rendre comptes un jour…
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