Selon la compagnie nationale d’hydrocarbures Sonatrach, l’Algérie aurait exporté 51,5 milliards de mètres cubes de gaz en 2018, dont plus de 75% sous forme de gaz naturel vers l’Europe à travers les gazoducs transméditerranéens. La même année, l’Italie a acheté près de 45% des ventes gazières totales algériennes ce qui représente autour de 21 Milliards de mètres cubes.
Alors que Sonatrach s’apprête à renouveler, avant la fin de l’année, le contrat de vente de gaz qui la lie à la société italienne Edison, Rachid Hachichi, désigné le 24 Avril 2019 Président de la compagnie pétrolière algérienne, a gardé la même équipe de l’ancien PDG, Abdelmoumen Ould Kaddour, pour mener les négociations et tenter de garder ses débouchées européennes.
Rachid Hachichi
C’est au vice-Président chargé de la stratégie, de la planification et de l’économie, Farid Ghezali et au vice-Président chargé de la commercialisation Ahmed Maghizi qu’incombent cette délicate mission dans un contexte dominé par la baisse d’utilisation chronique du gazoduc qui alimente l’Italie via la Tunisie.
Alors que le marché électrique européen ne cesse de voir la demande baisser, de nombreuses entreprises ont décidé de se réorganiser pour faire face à des pertes structurelles.
Parmi elles, Edison qui est une société Italienne créée à Milan en 1884 et spécialisée dans la production et la fourniture d’énergie électrique mais aussi de gaz.
Troisième producteur italien d’électricité derrière Enel et Eni, Edison, détenue majoritairement par le géant français de l’électricité EDF, a décidé de se débarrasser de ses activités dans les énergies fossiles pour se recentrer sur l’activité distribution.
C’est alors que la firme grecque, d’origine chypriote, Energean Oil & Gas a annoncé son intention de racheter Edison.
Energean, qui exploite, grâce à une série de rachats d’entreprises, des actifs produisant des hydrocarbures depuis 37 ans, a été créée en 2007 par un ancien banquier, l’ingénieur Mathios Rigas.
Mathios Rigas
La success-story de cet explorateur indépendant a réellement débuté suite à son introduction en bourse à Londres en 2018, qui a vu son action monter en flèche suite à la découverte de pétrole en Méditerranée.
750 millions de dollars. C’est le prix que devra payer le groupe gazier Energean pour acquérir les actifs pétroliers et gaziers de l’Italien Edison dont le portefeuille se situe principalement en Croatie, en Égypte, en Italie, en mer du Nord britannique, et en Algérie dans le gisement de Reggane Nord.
Le 3 Juillet 2019, la transaction de cession a été approuvée par le conseil d’administration d’Edison dans l’attente du feu vert du Ministère italien du Développement économique prévu à la fin de l’année 2019. Et cela pourrait constituer un véritable problème pour notre pays.
En effet, Energean Israël, une société détenue à 70% par Energean, détient 100% des gisements offshore de Karish et de Tanin en Israël, destinés à fournir du gaz naturel au marché intérieur israélien.
Energean explore les gisements gaziers de Karish et Tanin au large d’Israël, où la production devrait commencer début 2021, pour un coût estimé à 1,6 milliard de dollars.
En avril 2019, cette même entreprise a d’ailleurs découvert un nouveau gisement de gaz à Karish North.
Alors qu’une partie des actionnaires de la société Energean est israélienne et que certains fonds d’investissement détenant ses actions, comme Leumi Partners, sont également israéliens, il était tout naturel qu’Energean soit introduite à la bourse de Tel Aviv le 7 février 2019.
Le conseil d’administration est d’ailleurs composé de plusieurs Israéliens, comme Ohad Marani, membre du conseil d’administration de la Banque Leumi d’Israël Ltd depuis octobre 2015 et membre du comité des investissements du Fonds pour l’infrastructure en Israël.
Ohad Marani
Auparavant, M. Marani a également été directeur général du ministère israélien des finances (2001-2003), directeur du département du budget de l’État d’Israël (2000-2001) et Ministre des Affaires économiques à l’ambassade d’Israël à Washington (1995-2000).
Le Ministère algérien de l’énergie, qui est déjà pris sur un autre front de bataille dans l’affaire du rachat des actifs d’Anadarko par Total, va-t-il laisser Reggane Nord tomber entre des mains en partie israéliennes ?
Depuis quelques semaines, les services de sécurité enquêtent sur plusieurs hauts cadres de la Sonatrach et leurs relations avec le trader suisse Lord Energy fondé par Hazim Nada, fils de l’homme d’affaires d’origine égyptienne Youssef Nada, proche des Frères Musulmans.
Tout comme l’achat de la raffinerie d’Augusta en Italie fait l’objet d’une enquête minutieuse pour déterminer dans quel contexte la Banque d’Algérie a autorisé le transfert d’environ 1 milliard $ représentant le coût de l’usine.
Sonatrach, véritable poumon financier du Pays, s’est mise à de nombreuses reprises en situation de danger ces dernières années, de par de surprenantes décisions prises autour de la sous-traitance de certaines de ses activités de contrôle stratégiques, attribuées le plus souvent à des entreprises chinoises.
Ainsi, Beijing Sifang Automation Co avait obtenu d’une part le contrat de fourniture du système de contrôle des infrastructures critiques pour deux gazoducs. Puis en Juin 2018, China Telecom Construction 3RD Engineering Co, filiale de la compagnie étatique China International Telecommunication Construction Corp (CITCC), a remporté pour plus de 50 Millions de Dinars, le très sensible contrat d’équipements de transmission par fibre optique pour les activités de la compagnie nationale d’Hydrocarbures à Arzew.
Sonatrach a également sélectionné CXCEC (China XinXing Construction Engineering Co), CNTIC (China National Technical Import & Export Corp, publique) et ETROL (Beijing ETROL Technologies Co) pour construire un centre de surveillance et de contrôle des gazoducs et oléoducs algériens pour près de 2 Milliards de Dinars.
Alors que Huawei est blacklistée par l’ensemble des grandes démocraties dans le monde, Sonatrach a décidé de donner le marché de la refonte de son système informatique à CNPC (China National Petroleum Corp) et à …Huawei.
Il semble aussi urgent qu’impératif de se pencher sur ce qui s’apparente être un bradage dangereux de l’économie de notre Pays. Sonatrach ne mérite pas cela.