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samedi, mai 4, 2024

Décryptage. Privatisation des Banques Publiques : pourquoi les annonces du gouvernement algérien ne sont pas encore convaincantes

Ce n’est pas la première fois que l’Algérie parle ouvertement d’une volonté de privatiser des banques étatiques. Mais ce processus n’a jamais été accompli. La dernière tentative de l’Etat algérien concernant le processus de privatisation des banques publiques remontent à septembre 2016. A l’époque le gouvernement algérien envisageait de permettre aux principales banques publiques du pays de s’introduire en Bourse afin de développer leurs activités de marchés et de diversifier leurs sources de financement pour compenser l’impact de la chute des recettes pétrolières ayant commencé depuis 2014. 

A l’époque, ce projet devait donner à des investisseurs étrangers la possibilité de devenir majoritaires au capital de certaines banques algériennes, ce qui leur était encore impossible. Mais ce projet n’avait jamais abouti et il était resté une simple intention vite oubliée. En 2021, les autorités algériennes reprennent exactement le même dossier en tentant de reproduire la même solution, à savoir une privatisation via la Bourse d’Alger.

Or, comme en septembre 2016, l’Etat algérien ne dispose toujours pas d’une feuille de route ambitieuse, claire et clairvoyante pour réussir cette privatisation tant attendue et qui fait le sujet de toutes les discussions au plus haut sommet de l’Etat algérien depuis le début des années 2000. Rappelons-nous de la fameuse privatisation avortée du CPA, l’une des banques publiques algériennes, alors qu’elle faisait l’objet d’un travail acharné du gouvernement depuis 2005/2006.

De l’avis de plusieurs spécialistes contactées par Algérie Part, le choix de passer, d’abord, par la Bourse d’Alger sans procéder à la dynamisation de cette place boursière vieillissante et moribonde risque de compromettre sérieusement l’ouverture des capitaux des banques étatiques en Algérie.

D’après le dernier rapport publié par l’autorité de régulation du marché financier algérien, la Cosob, la capitalisation boursière globale de la Bourse d’Alger représente moins de 45 milliards de dinars (285 millions d’euros) au 31 décembre 2018, soit moins de 0,5 % du PIB. Un montant 186 fois inférieur à la valeur totale des actions de la Bourse de Casablanca au Maroc qui enregistrait une capitalisation boursière globale de 582 milliards de dirhams (53 milliards d’euros), au cours de la même année. Avec une telle capitalisation boursière, comment les banques étatiques algériennes pourront-elles assurer l’ouverture de leurs capitaux ?

Il faut savoir également que la Bourse d’Alger s’avère également être un marché financier très rustique et archaïque. Seuls quatre titres sont cotés au compartiment action du marché principal : Alliance Assurances, l’hôtelier EGH El-Aurassi, les groupes pharmaceutique Saidal et Biopharm. Ils étaient encore cinq jusqu’en mars 2020, date à laquelle l’agro-industriel NCA Rouiba a présenté une offre publique de retrait en bourse.

C’est dire que le passage forcé par la Bourse d’Alger ne risque pas d’apporter des solutions de financements pour les banques étatiques algériennes. Il est donc urgent que le gouvernement algérien accepte de lancer des appels d’offres internationaux pour traiter directement avec les groupes bancaires internationaux afin de les séduire et des les convaincre d’acheter des parts au sein des capitaux des banques publiques algériennes. C’est la seule solution efficace et pragmatique qui permettra réellement la modernisation du système bancaire algérien et son émancipation du pouvoir de l’Etat centralisé et centralisateur.

L’Algérie pourrait, à ce titre, s’inspirer des exemples des autres pays du monde ayant réussi le processus de privatisation de leurs banques publiques. Il faut savoir à ce sujet que le secteur bancaire constitue donc l’un des secteurs nettement touché par le mouvement de privatisation dans plusieurs pays développés, en développement, ainsi que dans les pays en transition. Par exemple, des programmes de privatisation bancaire ont été menés en France, en Italie, en Espagne, en Portugal, en Autriche, en Hollande, au Mexique, en Argentine, à Taiwan, en Malaisie et en Egypte.

Au cours de la période de 1990 à 2005 plus de 250 banques commerciales ont été
complètement ou partiellement privatisées par les gouvernements de 59 pays à travers la
vente sur le marché boursier ou hors marché à un ou des investisseurs privés.

Il est à noter, par ailleurs, que la privatisation touchant le secteur bancaire constitue un cas particulier qui demande à être l’objet d’une étude particulière portant sur ses motivations, son ampleur, son organisation et ses effets économiques et financiers.

Un certain nombre de raisons peut expliquer cette spécificité de la privatisation des banques. En premier lieu, les banques occupent une place importante dans l’économie d’un pays, notamment comme outil de politique économique. Ainsi, le secteur bancaire est toujours au cœur de l’économie en réalisant le financement des différentes activités économiques.

Ainsi, les banques restent toujours au cœur de l’économie d’un pays en finançant
les différents agents économiques à besoin de financement soit par la distribution de
crédits à ces agents (fonction classique) soit en achetant des titres émis par l’Etat ou les
autres agents économiques à besoin de financement à travers leur intervention sur le
marché financier.

Notons enfin que  la privatisation des banques constitue, notamment dans les
pays en voie de développement, un processus complexe parce qu’elle dépend de la
libéralisation financière qui exige dans plusieurs pays en développement des
changements dans les règles qui organisent le secteur bancaire et financier. Par ailleurs,
la libéralisation financière et l’augmentation de la compétition sur le secteur bancaire à
la suite de privatisations, peut poser la question de l’augmentation de l’exposition au
risque bancaire.  L’Etat algérien doit ainsi prendre en considération tous ces paramètres pour réussir vraiment la privatisation des banques étatiques. Autrement dit, comme en 2016, ou 2005/2006, ce projet pourrait être condamné à demeurer un voeu… pieux.

 

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