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mardi, mai 7, 2024

Tribune. Militants et détenus d’opinion du Hirak : Non à l’indignation et mobilisation à deux vitesses !

Zakaria Boussaha, un jeune militant de la commune de Sidi Amar à Annaba. Il a été placé sous mandat de dépôt le 14 avril 2020 et est poursuivi pour trois chef d’accusation : « Outrage à corps constitué et à institutions de l’État, semer la terreur au milieu de la population et création d’un climat d’insécurité, avoir fait référence et évoqué des actes terroristes portant atteinte à l’unité nationale ».
C’est sans aucun complexe que Zaki se présente comme un produit incomplet du système éducatif algérien ; une victime de la déperdition scolaire. Une de plus, dans un pays qui en compte des dizaines de milliers ou plus. Cette situation n’a pas fait de lui un criminel. Il s’est tourné vers la formation professionnelle pour devenir plombier et prendre en charge les besoin de sa famille, en sa qualité d’homme de la maison ; un rôle qu’il a dû endosser très jeune après le décès de son père.
Tous ceux qui le connaissent savent qu’il est parfois téméraire et impulsif, comme la quasi-totalité des jeunes Algériens. Il ne veut ni fonder un parti politique, ni y adhérer, il ne cherche ni poste, ni gain et il n’y a aucune once d’opportunisme dans sa démarche et son militantisme. Il aspire à une Algérie meilleure, où le plombier qu’il est et sa modeste famille peuvent avoir une vie digne. Une Algérie où l’égalité règne.
Tous ceux qui l’ont connu savent aussi que sans argent en poche, il faisait des déplacements (souvent en faisant du stop) vers Alger, Oran, Tizi-Ouzou, Bejaïa … pour soutenir tout détenu d’opinion. Il avait créé plusieurs groupes et pages sur Facebook pour lancer des alertes lorsqu’un militant était arbitrairement arrêté. C’est d’ailleurs pour cette seule et unique raison que les services l’ont mis dans le collimateur.
Aujourd’hui, Zakaria Boussaha est détenu à la prison d’Annaba. Cela fait près de 2 mois qu’il y est. Et c’est avec une très grande colère que je réagis, aujourd’hui, quand je vois des centaines de militants manifester et tenter de faire pression sur les lignes téléphoniques à Bejaïa et des dizaines d’avocats faire le déplacement pour défendre une cause juste.
Soyons clairs, cela me fait naturellement plaisir de voir mes compatriotes solidaires. Certains des militants arrêtés à Béjaïa sont, d’ailleurs, mes amis. Je suis le premier à être solidaire avec eux et ému de voir que nous sommes unis face à l’adversité et à un système pourri. Mais au même temps, ces images qui auraient dû me remplir de bonheur, m’ont aussi attristé et rempli de rage !
J’ai la rage quand je vois la politique du deux poids deux mesures pratiquée par les avocats et les militants du Hirak. N’a-t-on pas dit que l’on sort pour une Algérie meilleure ? Une Algérie où l’égalité entre tous les citoyens est un principe qui frise la sacralité !
La veille de ce magnifique rassemblement, Zakaria Boussaha comparaissait devant le juge au tribunal d’El-Hadjar. Seule une poignée d’avocates de la wilaya d’Annaba (7 avocates courageuses) se sont constituées pour le défendre ! Pas de grande mobilisation, pas de tapage ; rien ! On aurait cru qu’il s’agissait d’un procès pour un minable voleur de téléphone.
Ça fait mal au cœur de voir ceux qui militent pour une Algérie meilleure se comporter ainsi et adopter les réflexes de l’ancien système. Il y a donc deux catégories de manifestants, les militants stars sur lesquels on braque tous les feux de la rampe et les autres, à savoir les militants de seconde zone, qui peuvent croupir dans les prisons dans l’indifférence totale. Moi, je refuse cette vision. Je refuse cette Algérie que certains veulent construire sur les mêmes fondations du système actuel. Je refuse la solidarité sélective car ce sont les causes que je soutiens et non les individus. Mardi 30 juin, deux procès du Hirak auront lieu dans la wilaya d’Annaba ; l’un au chef-lieu et l’autre au tribunal d’El-Hadjar. Je demande, humblement, à tous les avocats et militants sincères d’être solidaires avec Zakaria Boussaha qui comparaitra au tribunal d’El-Hadjar.
Par Mustapha Bendjama
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