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samedi, mai 18, 2024

Révélations. La Justice algérienne relance son enquête sur le ténébreux « Monsieur 10 % » du CPA

Méconnu de l’opinion publique, Ferhat Saouli est l’une des boites noires du système bancaire algérien et l’une des clés qui peut décrypter sa grande opacité.  Il était l’un des dirigeants les plus puissants et influents du Crédit populaire d’Algérie (CPA), l’une des plus importantes banques étatiques algériennes qui totalise aujourd’hui près de 160 agences à travers le pays. Au sein de la direction du CPA, il avait exercé pendant plus de 20 ans à divers postes stratégiques. Il avait même occupé les fonctions de Directeur de l’administration générale au CPA. 

Ferhat Saouli était surnommé dans le milieu bancaire algérien « monsieur 10 % ». Et pour cause, il accordait des prêts et crédits à tour de bras cumulant ainsi une fortune et un patrimoine immobilier qui demeure jusqu’à aujourd’hui difficile à cerner au regard de l’ampleur des transactions dans lesquelles était impliqué directement ou indirectement ce banquier. En contrepartie de ces prêts et crédits généreusement accordés sans se soucier des règles prudentielles en vigueur dans l’activité bancaire, Ferhat Saouli pouvait empocher des rétro-commissions allant jusqu’à 10 % des marchés onéreux ciblés par les investisseurs qui l’approchaient pour solliciter son « intervention » en faveur de leurs demandes de financements formulées auprès du CPA.

Contrairement à d’autres banquiers indélicats qui ont fini par tomber en disgrâce ou cloués au pilori à la suite de retentissants procès judiciaires, le sieur Saouli a toujours bénéficié d’une étrange impunité. Au début, c’est grâce à sa proximité avec le fameux général Mohamed Betchine, l’un des hauts gradés les plus puissants de l’Armée algérienne au cours des années 80 et 90, ancien commandant de la 3e, ensuite de la 4e région militaire et plus tard l’un des plus proches collaborateurs et conseillers de l’ex-Président Liamine Zeroual notamment de 1997 jusqu’à 1998,  et de son homme de main Mohamed Salah Diabi, l’ancien président de la FAF et du MOC de Constantine décédé en 2003, que notre influent banquier a toujours pu échapper à vigilance de la Justice et des services de sécurité.

Mais depuis 2019, année pendant laquelle Hirak a provoqué un véritable séisme au sein du régime algérien, Ferhat Saouli est sous les projecteurs des magistrats et des enquêteurs de la gendarmerie nationale pour son implication lui et deux de ses enfants dans la fameuse affaire de l’usine de l’eau minérale Droh, à Biskra.

Il s’agit d’un projet qui avait été lancé en 2007 par le milliardaire Ahmed Mazouz, l’une des 10 grosses fortunes du pays durant les 10 dernières années ayant précédé la chute de Bouteflika, condamné à 4 ans de prison ferme en décembre 2019 lors du procès du scandale des détournements des avantages fiscaux et parafiscaux octroyés pour les projets des usines du montage des véhicules neufs.

En 2007 la Sarl Droh, au capital social de 6,1 millions de DA, avait obtenu un conséquent prêt auprès du CPA grâce à l’appui de Ferhat Saouli. En échange de ce financement, Ferhat Saouli a imposé un partage de 10 % au sein du capital de l’entreprise pour chacun de ses deux fils, Moussa et Karim. Lors de son arrestation et de son incarcération en 2019 au lendemain de la grande opération anti-corruption menée à la suite de la chute du régime de Bouteflika, Ahmed Mazouz a été interrogé sur les circonstances de l’acquisitions de ce prêt au CPA.

L’un des deux enfants de Ferhat Saouli avait été également entendu par la gendarmerie nationale, mais il avait été ensuite relâché sans qu’aucun grief ne soit retenu contre lui. A l’époque, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer « des interventions d’en haut » afin de protéger les Saouli et leur éviter la « case prison ».

Aujourd’hui, selon les informations que nous avons pu confirmer auprès de plusieurs sources concordantes, la justice algérienne envisage de rouvrir le dossier du financement occulte dont avait bénéficié auprès du CPA l’eau minérale Droh ainsi que d’autres dossiers dans lesquels l’ancien DGA du CPA est soupçonné d’avoir joué un rôle très controversé. Les protections dont dispose Saouli pourront-elles cette fois-ci encore le mettre à l’abri de la justice ? Algérie Part reviendra prochainement sur ce dossier avec de plus amples révélations.

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