20.9 C
Alger
mardi, mai 7, 2024

Masques de protection contre le COVID-19 : l’Algérie paie cher, très cher la disparition de son textile national

La pandémie du COVID-19 a creusé l’écart qui sépare l’Algérie des pays industrialisés possédant un véritable outil de production nationale dans le secteur du textile. Dans ces pays-là, comme le Maroc, la Tunisie, le Sénégal et autres, les défis de fournir aux populations locales des masques de protection ont été relevés avec succès malgré toutes les difficultés socio-économiques. L’Algérie, malgré sa manne pétrolière et gazière, n’a pas réussi à fournir à ses pharmacies des quantités respectables de masques de protection contre le COVID-19. 

Que s’est-il passé ? En vérité, l’Algérie paie cher, très cher la disparition de son textile national. Oui, pour s’habiller, l’Algérie est dépendante entièrement de l’étranger. Preuve en est, l’Algérie importe 6 à 7 milliards de dollars en textile et cuir. La consommation nationale de textile est estimée à 500 millions de mètres linéaires par an, mais la production algérienne en tissu est de l’ordre de 40 millions de mètres de tissus annuellement.

Aujourd’hui, la production nationale textile et du cuir couvre seulement 6% des besoins locaux de notre pays. L’association des commerçants et artisans algériens (Anca), a révélé récemment que 90% des vêtements écoulés sur le marché algérien sont importés. Un véritable sinistre alors que, naguère, l’Algérie disposait d’un véritable fleuron industriel en matière de fabrication du textile.

Au cours des années 1960 et 1970, l’Algérie était l’un des pays les mieux industrialisés du sud de la planète concernant le secteur du textile. A cette époque, l’Algérie avait investi plus de 2,5 mds $ dans la construction d’usines et d’ateliers publics qui parsèmeront toutes les régions du pays. La fusion, en 1975, de deux entreprises publiques débouchera sur la constitution d’un grand groupe industriel, la Sonitex. Une véritable fierté pour l’industrie algérienne. A la fin des années 70, près de 3400 industriels et artisans s’approvisionnaient alors auprès de la Sonitex.

Durant les années 80, l’Algérie a même créé plus de 100 000 emplois dans le secteur de l’industrie. Elle a même réussi à exporter sur le marché international. En pleine décennie noire, l’Algérie exportait du textile pour un montant de 42,2 M$ en 1996 ! A la fin des années 90 et début des années 2000, le textile algérien entre dans une terrifiante décadence. La production de la confection-bonneterie a été divisée par 2,5 en 10 ans et celle du textile-confection a atteint le quart de sa valeur des années 1990. Alors que les exportations vont régresser à 2 M$ en 2001.

En 2009, le bilan fut macabre : Il subsistait 72 entreprises publiques produisant 20 à 25 millions de mètres linéaires/an pour un marché dont la demande globale est évaluée à 100 millions de mètres linéaires/an.

Au cours des années 1990, l’Etat algérien a tenté d’endiguer la disparition catastrophique du textile national. L’équivalent de 880 millions de dollars ont été injectés pour tenter de restructurer le secteur. Le processus de privatisation a quant à lui échoué, les entreprises privées qui possédaient 60% de parts de marché de la confection se retirant pour la plupart d’un secteur où les marges bénéficiaires fondaient comme neige au soleil.

L’accord d’association avec l’Union Européenne signé en 2002 et entré en vigueur à partir de 2005 finira par donner un coup fatal au secteur  du textile algérien avec le démantèlement tarifaire progressif au profit des exportations européennes. Dans un contexte de déséquilibre commercial, l’accord de libre-échange est bénéfique pour les entreprises, la croissance et les emplois en Europe, mais néfaste pour l’économie algérienne.

Le déséquilibre des échanges est incontestable. En 11 ans, l’Algérie a importé pour plus de 250 milliards de dollars et n’a exporté vers l’Europe que pour moins de 14 milliards de dollars en produits hors hydrocarbures. La quasi-totalité des exportations algériennes vers l’UE est constituée de gaz et de pétrole, dont les droits de douane pratiqués par l’UE sont déjà nuls en dehors de cet accord.

Mal-préparée pour résister à la concurrence européenne ou asiatique, l’ouverture sauvage de l’Algérie vers l’extérieur a fini par enterrer définitivement le secteur du textile dés 2010.

A partir de 2017, les autorités algériennes se réveillent et essaie d’encourager ce secteur moribond. Le Groupe public Textiles et Cuirs (GETEX) reçoit des crédits, soutiens financiers ou mesures encourageantes. C’est, d’ailleurs, le seul groupe qui fabrique en ce moment les quantités les plus importantes de masques en Algérie, à savoir plus de 110 000 masques sont produits quotidiennement à partir de douze (12) unités du complexe réparties dans dix wilayas du pays.

En janvier 2018, un partenariat avec un investisseur turc redonne de l’espoir. A Relizane, la société turque Taypa tente de faire renaître le textile algérien. Une méga-usine a été construite sur un terrain de 250 hectares dans la ville de Relizane, dans la région de Sidi Hattab.

L’usine de Relizane est le fruit d’un partenariat algéro-turc selon la règle 51-49, conclu entre la société turque « Intertay » (filiale du groupe « Taipa ») et les sociétés publiques algériennes « C & H » et « Texalg », ainsi que la Société nationale des tabacs et allumettes (SNTA), qui a abouti à la création de la société mixte « Tayal ». Ce complexe de 250 hectares dont la réalisation a été lancée en février 2016 avec un investissement de plus de 171 milliards de dinars (714 millions de dollars), est présenté comme étant le plus grand à l’échelle africaine.

 

Le projet est divisé en deux phases. La première porte sur la construction de huit unités pour l’industrie textile, dont sept sont déjà entrées en service. Une école de formation aux métiers du textile a été également créée, dotée d’une capacité d’accueil de 400 stagiaires, tandis qu’un pôle résidentiel de 567 logements est en cours de réalisation. La deuxième phase comprend 10 autres unités de production d’accessoires pour la fabrication de tissus à usage domestique ou professionnel. Les deux phases de réalisation génèrent environ 25.000 emplois, à savoir 10.000 pour la première et 15.000 pour la deuxième.

L’espoir est énorme, mais pour l’heure, les résultats sont encore très mitigés car l’offre de l’habillement local  sur le marché national ne dépasse toujours pas les 20 % jusqu’à aujourd’hui encore. Avec le partenariat turc, l’Algérie espère porter ce taux à 35 %. Attendons de voir avan de juger…

 

dernières nouvelles
Actualités