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dimanche, avril 28, 2024

L’Etat algérien va dépenser plus de 2,8 milliards de dollars pour financer des augmentations de salaires limitées à 6000 Da : pourquoi c’est inefficace

Les augmentations de salaires consenties par l’Etat algérien à travers la nouvelle grille indiciaire des salaires des fonctionnaires, applicable depuis le 1er mars dernier, vont coûter à l’Etat algérien un important budget de plus de 400 milliards de Da, à savoir l’équivalent de plus de 2,8 milliards de dollars USD. Or, ces augmentations salariales sont limitées à hauteur de 600 Da et leur impact s’avère peu important, pour ne pas dire insignifiant, en raison de la forte inflation qui consume les consommateurs algériens et la dévaluation de la monnaie algérienne. Certes, les intentions des autorités algériennes sont louables puisqu’elles voulaient soulager les travailleurs algériens face à la cherté excessive de la vie dont souffre la population depuis 2021. Mais d’autres solutions auraient été beaucoup plus efficaces contre ce fléau économique que ces revalorisations salariales dérisoires et énormément coûteuses pour le budget de l’Etat algérien. 

Ce chiffre a été révélé par la directrice des Systèmes de paie à la Direction générale du budget, relevant du ministère des Finances, Nacéra Moussaoui : l’augmentation annuelle des salaires décidée par l’Etat algérien pour cette année 2022 va coûter au Trésor Public plus de 400 milliards Da.

La même responsable du ministère des Finances a expliqué que l’augmentation de la grille indiciaire des salaires va coûter à l’Etat algérien près de 220 milliards Da/an, avec effet rétroactif à compter du 1er mars 2022. A cette revalorisation des salaires, il faut compter aussi les récentes augmentations décidées dans le cadre du nouveau barème de l’Impôt sur le revenu global (IRG) à partir de janvier 2022.

En somme, l’augmentation des salaires opérée grâce à ces deux éléments (hausse du point indiciaire et réduction de l’IRG) « est en moyenne de 5600 à 6000 Da et peut atteindre parfois 10.000 Da », s’est réjouie Nacéra Moussaoui dans une déclaration faite à l’APS, l’organe médiatique officiel du gouvernement algérien.

La même responsable a rappelé la suppression de l’IRG pour la catégorie touchant des salaires inférieurs à 30.000 DA. Ainsi, un salarié de cette catégorie qui représente la catégorie 1 dans la grille des salaires aura 4.300 DA d’augmentation grâce à la révision du point indiciaire début mars 2022, après avoir bénéficié précédemment de la suppression définitive de l’IRG, soit une augmentation de 6.100 DA/mois.

« La réduction de l’IRG coûte au Trésor public 180 mds DA/an, tandis que l’augmentation du point indiciaire lui coûte 220 mds DA, sachant que l’augmentation annuelle des salaires s’élève à 400 mds DA en 2022, a révélé ainsi Nacéra Moussaoui. D’après la même interlocutrice, la révision du point indiciaire dans la fonction publique touchera plus de 2,7 millions de fonctionnaires et agents contractuels dont 2,4 millions pris en charge dans le cadre du budget de l’Etat et près de 360.000 dans le cadre du budget des collectivités locales.

Les données révélées par cette haut responsable du ministère des Finances confirment ainsi la lecture faite par Algérie Part concernant l’impact très limité de ces nouvelles revalorisations salariales sur le quotidien des Algériennes et Algériens. D’abord, ces augmentations de salaires ne toucheront qu’une petite partie des 11,5 millions travailleurs algériens, à savoir les 3 millions et quelques de fonctionnaires algériens.

D’autre part, ces augmentations varient en moyenne de 4000 jusqu’à 6000 Da, comme le confirme la même haut responsable du ministère des Finances, ce qui confirme encore un fois leur effet dérisoire en raison de la forte inflation qui ronge profondément le portefeuille des Algériennes et Algériens.

Il faut savoir que le taux d’inflation en Algérie a fortement augmenté durant les 10 premiers mois de 2021, selon les données fournies, fin décembre 2021 par le gouverneur de la Banque d’Algérie (BA), Rostom Fadhli. Ce dernier avait affirmé que le taux d’inflation établi en octobre dernier était de 9,2%, soit une hausse de 6 points en une année.

Il s’agit d’un niveau record de l’inflation dans le pays qui enregistre, jusque-là, des taux oscillant entre 3 et 4%. Cet taux record de l’inflation vient confirmer une réalité constatée par les Algériens depuis le début de l’année. Une réalité marquée par une majoration des prix de plusieurs produits de consommation dépassant les 100%. Cela signifie que pour soulager les Algériennes et Algériens face à la cherté de la vie, il faut augmenter tous les salaires des 11,5 millions de travailleurs du pays d’au moins 10 %. Et pas seulement les 3 millions et quelques de fonctionnaires des administrations de l’Etat. Et même avec une augmentation salariale de 10 % généralisée à tout le pays, les citoyens ne seront toujours pas à l’abri des conséquences désastreuses de la cherté de la vie. Pourquoi ? Parce que la dévaluation du dinar algérien compromet toute efficacité de ces nouvelles augmentations.

Le dinar algérien a perdu énormément de sa valeur face au dollar américain, principale devise internationale utilisée pour le paiement des importations algériennes. La majorité des produits de large consommation en Algérie sont importés depuis l’étranger ou leurs ingrédients ainsi qu’intrants principaux sont totalement importés. Et à chaque fois que le dinar algérien chute face au dollar USD, les prix grimpent de façon vertigineuse et l’inflation s’aggrave procurant des sueurs froides aux consommateurs algériens. Il faut savoir que le dinar algérien a reculé officiellement de plus de 8,8 % entre 2021 et 2022 et plus de 21 % durant ces 3 dernières années. Cette dévaluation a fortement diminué la valeur réelle des salaires algériens amplifiant ainsi la fragilité des consommations face à la cherté de la vie.

Tous ces paramètres expliquent en grande partie l’inutilité et inefficacité des augmentations salariales consenties au profit des fonctionnaires algériens. Que faut-il donc faire pour rehausser efficacement le niveau des salaires dans le pays ?

Au lieu de recourir au financement monétaire, l’Algérie pourrait miser davantage sur la croissance économique pour améliorer le niveau de vie de la population et augmenter ainsi son pouvoir d’achat. Si le pays est doté d’entreprises capables de produire davantage de biens et de services, les prix diminueront sur les marchés nationaux, et donc la valeur réelle des salaires des travailleurs augmentera.

Si la productivité des ateliers de fabrication et des usines augmente, lorsque un consommateur se rendra au supermarché, son salaire lui offrira un pouvoir d’achat plus important. Il existera davantage de biens disponibles et les prix diminueront.

La solution la plus adaptée pour l’Algérie est de booster la productivité de ses entreprises.  Il s’agit d’un processus en deux étapes basées sur l’épargne et l’investissement en biens d’équipement ou les outils qui permettent de produire des biens manufacturiers à forte valeur ajoutée.

L’Etat algérien pourrait tenter aussi une autre solition. Celle consistant à éliminer ou réduire l’impôt sur le revenu et les charges sur les salaires pour permettre d’augmenter le revenu net des travailleurs ou les diverses taxes qui participent à faire baisser les salaires de façon plus indirecte. Imposer une taxe sur les ventes est similaire à détruire une part de tout ce que produisent les travailleurs, car l’Etat prend une fraction du prix de chaque bien vendu.

La taxe sur les ventes entraîne ainsi une réduction de la productivité des travailleurs et par conséquent du niveau de rémunération auquel ils peuvent prétendre. Après que son salaire a été ainsi amputé, chaque travailleur doit encore supporter la taxe sur les ventes chaque fois qu’il doit payer un prix plus élevé pour toutes les choses qu’il désire acheter. En révisant sa politique fiscale pour booster la consommation interne, la cherté de la vie pourrait reculer concrètement dans le pays. Ces solutions exigent une bonne croissance économique et une importante production nationale pour ne pas renforcer la dépendance du pays vis-à-vis des importations au risque d’aggraver la facture des dépenses en devises.

 

 

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