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lundi, mai 13, 2024

Les terres rares, ces nouvelles richesses « très polluantes » qui font rêver Tebboune et le pouvoir algérien

Abdelmadjid Tebboune a bien compris que l’Algérie ne peut plus compter sur son pétrole et gaz notamment en cette année 2020 où la pandémie du COVID-19 a provoqué une paralysie mondiale des activités économiques qui a totalement bouleversé les marchés internationaux des hydrocarbures. Dans ce contexte, une autre richesse qui se trouve dans le sous-sol algérien fait rêver le président algérien et les hauts responsables du pouvoir actuel. Il s’agit des terres rares.

Les terres rares désignent 17 métaux : le scandium, l’yttrium, et les quinze lanthanides. Ces matières minérales aux propriétés exceptionnelles sont utilisées dans la fabrication de produits de haute technologie. Avec le boom du numérique et des nouvelles technologies vertes, aujourd’hui, à l’échelle de l’économie mondiale, les terres rares sont considérées comme des métaux stratégiques. Problème : l’extraction et le traitement des terres rares polluent et produisent des déchets toxiques.

Il faut savoir, par ailleurs, que les terres rares regroupent 17 métaux : le scandium, l’yttrium, et les quinze lanthanides (Lanthane, Cérium, Praséodyme, Néodyme, Prométhium, Samarium, Europium, Gadolinium, Terbium, Dysprosium, Holmium, Erbium, Thulium, Ytterbium, et Lutécium). Hier lors des travaux du Conseil des ministres qui se sont déroulés à Alger, Tebboune a demandé au ministre des Mines, Mohamed Arkab « d’établir immédiatement la carte géologique de tous les gisements exploitables en terres rares, en tungstène, en phosphates, en barite et autres matériaux ».

L’objectif est clairement affiché : lancer rapidement l’exploitation de ses potentialités minières dont dispose le pays pour pallier aux pertes colossales subies dans le secteur des hydrocarbures.

L’Etat algérien s’attend dans le sillage de cette chute des prix du baril du pétrole à une chute dépassant les 50 % concernant les ressources fiscales des hydrocarbures. En effet, cette année 2020, les recettes fiscales pétrolières et gazières ne vont pas dépasser les 10,86 milliards de dollars. Une chute inédite et gigantesque. Pour mesurer le danger de cette chute, il suffit de se rappeler que la fiscalité pétrolière recouvrée en 2019 avait atteint 2.667 milliards (mds) de DA en 2019, à savoir l’équivalent de 21 milliards de dollars. En une année, l’Algérie va donc perdre plus de 50 % de ses ressources fiscales en provenance de son pétrole et gaz.

Par ailleurs, les exportations d’hydrocarbures devraient atteindre 17,7 milliards de dollars à la fin de l’année 2020 contre 35,2 milliards prévues dans la LF 2020. Le solde de la balance des paiements prévu pour l’année 2020 s’établirait à -18,8 milliards de dollars contre -8,5 milliards prévu dans la Loi de finances initiale pour 2020. Ces chiffres et prévisions du gouvernement algérien indiquent que la situation financière du pays est tout bonnement dans le rouge.

Les mines et les terres rares peuvent-elles ainsi remplacer le gaz et le pétrole ? Pour l’heure, nous n’avons aucune idée précise sur le potentiel minier algérien. Nous disposons uniquement de quelques prévisions qui demeurent très approximatives. En Algérie, on a commencé à parler des terres rares depuis seulement 2015. En juillet 2015, c’est un chercheur algérien, le Dr Farid Benyahia, qui a jeté un véritable pavé dans la mare lors de son passage dans le forum du quotidien Liberté où il avait affirmé que l’Algérie renferme dans son sous-sol 20% des réserves des “terres rares” dans le monde. Il s’avère que le docteur Farid Benyahia est titulaire d’un PHD en relations internationales diplomatiques et auteur d’un livre intitulé «  Impact de l’utilisation de la Nanotechnologie sur les systèmes d’Information ». Il n’est nullement géologue ni un spécialiste du potentiel minier ou de l’exploration des minières.

D’ailleurs, lors de son passage au Forum de Liberté, le même chercheur en nanotechnologie était très vague sur les références et sources de ces informations concernant les richesses extraordinaires des terres rares en Algérie. Et pourtant,, Farid Benyahia a parlé de réserves “qui se trouvent du côté de l’est et du sud-ouest” du pays, représentent l’équivalent de 2 400 milliards de dollars. Des données que Farid Brahimi affirment avoir eu “de la part de certains chercheurs”. Et lorsqu’il avait interpellé sur les noms et origines de ces chercheurs, il s’était contenté de souligner seulement que ces recherches dans le sous-sol algérien remontaient aux années 1970 et que les travaux s’étaient effectués en collaboration avec les Chinois.

On le voit bien, ces affirmations sont encore trop bancales et ne s’appuient sur aucun fondement scientifiquement fiable et sérieux. D’où la nécessité d’établir « la carte géologique de tous les gisements exploitables en terres rares » que réclame Tebboune à Mohamed Arkab.

Concernant enfin l’importance économique de ces terres rares, elle est effectivement un enjeu majeur de l’industrie moderne et suscite une lutte acharnée entre les grandes puissances. Et pour cause, ces métaux sont devenus indispensables car ils sont utilisés dans des fabrications de haute technologie. On retrouve ainsi des terres rares dans les batteries de voitures électriques et hybrides, dans les LED, les puces de smartphone, les écrans d’ordinateurs portables, les panneaux photovoltaïques, les éoliennes… L’industrie de la défense a elle aussi recourt aux terres rares dans la fabrication de capteurs de radars et sonars ou de systèmes d’armes et de ciblage.

La Chine contrôle environ 80% de l’extraction et plus de 90% de la chaîne de transformation des terres rares. Elle n’abrite pourtant dans son sous-sol qu’un tiers. Le principal producteur hors de Chine est la compagnie australienne Lynas, dont la montée en puissance après une étonnante résurrection a ramené la part de la Chine de 97% de la production mondiale en 2010 à un peu plus de 70% en 2018. Deuxième producteur mondial de néodyme et de praséodyme, Lynas a notamment été soutenu par le Japon, qui a juré qu’on ne l’y reprendrait plus après l’embargo qu’il a subi de la part de la Chine en 2011. L’Australie possède seulement 3,4 millions des 120 millions de tonnes de réserves de terres rares identifiées dans le monde. Mais elle est le deuxième producteur (20 000 tonnes) derrière la Chine (120 000 tonnes).

 

Il faut savoir que le marché mondial des terres rares approchait les 4 milliards de dollars en 2016. Ceci dit, il croit annuellement de 1,35 milliard de dollars et il va peser énormément cher dans les années à venir au regard de l’importance des terres rares dans les nouvelles technologies de pointe.

Cependant, il faut souligner enfin que l’exploitation de ces terres rares est très polluante.  Lors de l’extraction et du raffinage des terres rares, des éléments toxiques sont rejetés dans l’environnement : des métaux lourds, de l’acide sulfurique, et même de l’uranium. En 1998, les Etats-Unis sont contraints de fermer la mine à ciel ouvert de Mountain Pass, en Californie, après que des milliers de litres d’eau radioactive aient été accidentellement déversés dans la nature. En Mongolie intérieure, la radioactivité mesurée dans les villages près de la mine de Baotou serait 32 fois supérieure à la normale (contre 14 fois à Tchernobyl). L’Algérie devra donc réfléchir à deux fois avant de prendre la décision de se lancer dans l’exploitation réelle de ses terres rares…

 

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