Depuis hier mardi soir, un article publié par le quotidien américain Washington Times est en train de susciter une énorme polémique. Cet article glorifie clairement le pouvoir algérien et ne tarit pas d’éloges sur le Président Abdelmadjid Tebboune. L’APS, agence gouvernementale algérienne, n’a pas hésité à reprendre cet article pour le diffuser largement auprès de la presse algérienne. Il s’agit donc d’une opération de communication qui cache en fait des visées lobbyistes que l’opinion publique en Algérie ignore. En effet, l’auteur de cet article est en vérité un lobbyiste américain qui a touché plusieurs milliers de dollars pour publier des écrits favorables à l’égard du régime algérien. Un lobbyiste à la réputation sulfureuse car il est très proche de l’extrême droite américaine. Quand au Washington Times, ce média appartient en réalité à une secte ! Explications.
D’abord, que dit cet article ? Les réformes économiques et constitutionnelles « courageuses » engagées par le président Abdelmadjid Tebboune devraient aider l’Algérie à surmonter la crise économique et à en sortir plus forte que jamais. « Il semble cependant que le président Tebboune soit déterminé à suivre une voie pouvant rendre à la fois l’Algérie un exemple moderne de la manière de surmonter une crise et d’en sortir plus forte ».
Pour le Washington Times, le président Tebboune « se révèle être un leader coriace et habile » au moment où le pays, largement tributaire des recettes des hydrocarbures, fait face à « des défis sans précédent » liés à la crise économique engendrée par la pandémie du Coronavirus. Le même article dénonce aussi les critiques ayant prédit « une élection présidentielle chaotique » qui résoudrait peu en Algérie et estime que ces critiques « avaient tort « . » Abdelmadjid Tebboune a été élu par 54% des voix dans un vote que les observateurs ont convenu de (qualifier) de libre et équitable et qui a vu la participation au moins une d’une voix les plus critiques du gouvernement « , tient-t-il à rappeler.
Il s’agit bel et bien de l’article le plus élogieux à l’égard du pouvoir algérien sur le plan international. Mais qui est son auteur ? C’est un certain David Keene, un lobbyiste très controversé aux Etats-Unis car il était l’ancien patron de la National Rifle Association (NRA), le puissant lobby des armes aux Etats-Unis qui défend ouvertement le libre commerce des armes à feu, l’entraînement à la survie
Considéré comme le lobby le plus puissant du monde, la NRA a prouvé qu’elle était capable de faire tomber quiconque se mettait au travers de sa route. Le candidat démocrate Al Gore s’en souvient, lui qui a perdu la présidentielle de 2000 pour avoir tenté d’imposer une loi anti-armes l’année précédente, lorsqu’il était vice-président de Bill Clinton. La NRA a financé une campagne de dénigrement de 20 millions de dollars contre lui. Elle a réussi à le faire perdre sur des terres hautement symboliques, tels le Tennessee – son propre Etat !
Grâce à la NRA, David Keene dispose d’un puissant réseau au sein de l’establishment américain. Et pour augmenter ses revenus personnels, il fait du lobbying en proposant ses services aux Etats étrangers cherchant un interlocuteur pour plaider leur cause auprès de l’administration américaine. Le lobbying est une activité légalisée et déclarée aux Etats-Unis. Rien n’est secret ou jugé immoral. Selon le fichier du Département américain de la Justice, appelé le FARA, David Keene a déclaré le 23 juin 2019 avoir touché pas moins de 180 mille dollars de la part du gouvernement algérien pour défendre ses intérêts auprès des cercles les plus influents des Etats-Unis.
Il faut savoir que le FARA recense tous les agents lobbyistes recrutés par des puissances étrangères aux Etats-Unis. Les activités de David Keene au profit de l’Algérie ne datent pas de 2019. En novembre 2018, son cabinet Keene Consulting avait conclu avec les autorités algériennes un contrat prévoyant une rétribution annuelle de 360 mille dollars versées en tranches mensuelles. En échange de ces paiements, David Keene a rencontré en 2018 et 2019 des membres du Congrés américain, des assistants à la Maison Blanche pour plaider les intérêts du régime algérien. David Keene a même rencontré le puissant président de la Cour Suprême américaine, John Roberts, pour lui parler de l’Algérie.
Selon plusieurs observateurs avertis à Washington, le travail de David Keene a certainement permis au régime algérien de ne pas s’attirer les foudres de l’administration Trump lorsque l’Etat-Major de l’armée algérienne sous le commandement d’Ahmed Gaid Salah a pris le pouvoir en délogeant en avril 2019 le clan présidentiel des Bouteflika. L’administration américaine qui a soutenu le Hirak n’a pas, pour autant, voulu sanctionner le nouveau régime militaire qui se mettait en place à Alger en dépit de la vague de répression à l’encontre des manifestants pacifiques.
La mission de David Keene était donc particulièrement efficace d’autant plus que ce dernier dispose d’un ami puissant au sein de la Maison Blanche. Il s’agit de John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump. David Keene a beaucoup influencé son ami John Bolton pour le convaincre de ménager le régime algérien après la chute de Bouteflika et l’enclenchement d’une véritable révolution populaire, notent plusieurs observateurs qui connaissent les rouages de l’administration américaine.
David Keene connait énormément de hauts responsables au sein du régime algérien. Mais selon nos sources, l’homme le plus proche de ce lobbyiste américain s’appelle… Chakib Khelil, l’ancien controversé ministre de l’Energie de 1999 jusqu’à 2010, qui a fui l’Algérie à la suite des scandales ébranlant Sonatrach pour résider sur le territoire américain.
On le voit bien, l’article écrit par David Keene n’est qu’une « commande » rémunérée par le régime algérien. Cette analyse ne reflète ni les convictions de son auteur ni les conclusions rationnelles et objectives d’un travail de recherche ou de journalisme. Malheureusement, cet article a été publié dans les colonnes d’un quotidien américain sulfureux appelé le Washington Times, un titre totalement distinct du célèbre Washington Post.
Ce journal américain a été créé en 1982 par les membres de l’