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vendredi, mai 3, 2024

La justice relâche, les services de sécurité refoulent : les autorités algériennes jouent au ping-pong avec les libertés publiques et individuelles

L’arbitraire encore et toujours. De nouvelles dérives sécuritaires ont éclaté en Algérie violant ainsi les libertés fondamentales strictement garanties par la Constitution du pays. Ces dérives sont illustrées par l’affaire Lazhar Zouaimia qui démontre clairement l’impuissance de l’institution judiciaire face aux « humeurs » des services de sécurité. 

Lazhar Zouaimia a été remis en liberté le 30 mars dernier après avoir été emprisonné depuis le 22 février dernier en raison d’une affaire totalement absurde de financement d’un groupe terroriste alors que ce ressortissant, et militant du Hirak, algéro-canadien avait uniquement remis un don dérisoire à l’un de ses plus proches amis qui entretenait, de son côté, une relation superficielle avec un hirakiste faisant l’objet de poursuites judiciaires.

A la suite de sa libération, Lazhar Zouaimia a pris le soin de vérifier auprès des autorités judiciaires s’il faisait l’objet d’une quelconque mesure de contrôle judiciaire ou de privation caractérisée de sa liberté de circulation. En clair, il avait obtenu la garantie qu’il ne fait pas l’objet d’une interdiction de quitter le territoire national (ISTN) et qu’il n’est pas soumis à l’obligation d’un contrôle judiciaire. Par conséquent, il est libre de repartir chez-lui à Montréal pour retrouver les membres de sa petite famille en attendant la programmation de son procès définitif au cours duquel il devra se présenter devant un tribunal à Constantine.

Après avoir pris connaissance de toutes ces dispositions, Lazhar Zouaimia informe les services consulaires de l’Ambassade du Canada à Alger et programme son départ depuis Alger vers Montréal pour le samedi 9 avril.

Malheureusement, à l’aéroport international d’Alger, Lazhar Zouaimia découvre une autre justice parallèle qui décide comme bon lui semble du sort des libertés publiques et droits civiques des Algériennes et Algériens. Ce citoyen algéro-canadien devait, dans un premier temps, prendre le vol Air Algérie AH2700 en partance vers Montréal, le samedi matin 9 avril, à 10h10. A sa grande surprise, les services de la police aux frontières (PAF)  de l’aéroport d’Alger l’ont longtemps retenu afin de procéder à des vérifications. Par conséquent, il a raté son vol.

Et pourtant, « une fois leurs investigations faites, ces mêmes services lui ont confirmé qu’il ne faisait pas l’objet d’une interdiction de quitter le territoire », a témoigné à ce propos l’épouse de Lazhar Zouaimia dans une lettre publique diffusée sur les réseaux sociaux.

L’infortuné ex-détenu d’opinion décide de faire une deuxième tentative et rachète un deuxième billet d’avion pour tenter de rejoindre la même journée Barcelone en Espagne.  « Chacun(e) comprendra qu’il avait hâte de rentrer chez lui au plus vite. Or, lorsqu’il a tenté d’embarquer sur le vol en partance pour Barcelone, le même scénario s’est reproduit : arrivé au guichet de la police des frontières, il a été refoulé. Exactement, comme la fois précédente ! Sans aucune explication », raconte son épouse dépitée dans la même lettre où elle révèle cet incroyable imbroglio dévoilant la gravité de l’arbitraire sécuritaire en Algérie.

« Je tiens à préciser que Lazhar n’a à aucun moment essayé de quitter l’Algérie à la dérobée. Pour prévenir et écarter toute possibilité d’allégation de ce type, il a tout fait pour s’assurer que les choses se fassent dans la transparence et la légalité. Le mercredi 6 avril, il s’était rendu au Tribunal de Constantine où on lui a confirmé qu’il n’était pas sous contrôle judiciaire et qu’il était donc libre de ses mouvements. Après cela, il a consulté ses avocats en Algérie puis informé les services consulaires canadiens à Alger. D’ailleurs, ce matin, il s’est présenté à l’aéroport international d’Alger en compagnie de son avocate Maître Zoubida Assoul et de deux agents des services consulaires de l’ambassade du Canada », assure à ce sujet l’épouse de Lazhar Zouaimia dans ce témoignage poignant qui relance le débat sur le « qui décide de quoi » en Algérie.

Puisque la Justice a relâché Lazhar Zouaimia en lui restituant ses libertés fondamentales, qui est à l’origine de son refoulement depuis l’aéroport international d’Alger ? Les services de sécurité évidemment. Mais qui est cette instance obscure qui instruit la PAF d’empêcher des citoyens de partir à l’étranger alors qu’ils jouissent de leur liberté de circulation tel qu’il est affirmé haut et fort dans la Constitution algérienne ?

Pour le moment, personne ne veut répondre à cette question et l’opacité continue de régner en maître absolu au sein de l’appareil sécuritaire qui s’est, visiblement, substitué à la Justice seule institution souveraine dans la gestion des affaires judiciaires et libertés publiques des algériennes et algériens.

Lazhar Zouaimia a été ainsi empêché de célébrer ses retrouvailles avec sa famille et ses amis. Mais des dizaines, voire des centaines d’algériennes et algériens anonymes se trouvent dans sa situation depuis 2021. Des algériennes et algériens refoulés arbitrairement des aéroports du pays sur la base de simples instructions téléphoniques communiquées par d’obscurs organes sécuritaires sans consulter aucunement l’institution judiciaire. Des libertés fondamentales sont bafouées au vu et au su de toutes les autorités du pays. Personne ne s’en émeut et n’oser réagir au plus haut sommet de l’Etat. Les libertés publiques et individuelles de la population algérienne sont devenues un jeu de ping-pong pour les autorités politiques et sécuritaires sans prendre conscience qu’il s’agit des libertés fondamentales des citoyens. Ces dérives nous rappellent les heures les plus sombres de l’Algérie des années 90. Cette « Nouvelle Algérie » n’a absolument rien de joyeux.

 

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