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vendredi, mai 17, 2024

Gaz : Chypre et l’Egypte profitent de la faiblesse actuelle de l’Algérie pour tenter de lui « voler » des marchés en Europe

Les exportations algériennes en gaz naturel et en GNL, à savoir Gaz naturel liquéfié, vers l’Europe, le traditionnel marché algérien, sont sérieusement menacées par une alliance que vient de conclure l’Egypte avec Chypre. En Algérie, cette information est passée quasiment inaperçue alors qu’elle indique un tournant majeur dans le marché mondial du gaz qui pourrait causer à l’Algérie un énorme préjudice financier. 

En effet, au moment où l’Algérie est noyée dans ses problèmes politiques et économiques internes, divisée de l’intérieur par ses dysfonctionnements notamment au plus haut niveau de la Sonatrach, la compagnie nationale des hydrocarbures, l’Egypte et Chypre se sont rapprochés pour nouer une alliance historique consistant à mettre en oeuvre un projet de gazoduc commun. Les deux parties ont décidé la semaine passée d’accélérer la mise en œuvre du projet, malgré la situation financière difficile du secteur, en préparant le terrain pour les prochaines étapes.

Il faut savoir que ce projet a pris un tournant majeur en 2018, lorsque les deux pays ont signé l’accord de construction du gazoduc qui acheminera le gaz du champ chypriote d’Aphrodite vers les terminaux égyptiens de liquéfaction. Une fois le gaz naturel liquéfié obtenu, il sera exporté vers les marchés d’Europe notamment. Les autorités chypriotes ont marqué leur attachement au projet en ratifiant l’accord en avril 2019.

D’après plusieurs sources médiatiques égyptiennes,  le transfert du gaz sera effectif en 2022. Outre Aphrodite qui abrite 130 milliards de mètres cubes de gaz, les deux parties envisagent d’exploiter le futur gazoduc pour la monétisation de plusieurs autres gisements. L’Égypte possède deux usines de liquéfaction de gaz naturel, l’une à l’est d’Alexandrie, à Idku, et l’autre dans la ville portuaire de Damiette. Ce projet menace  directement les intérêts de l’Algérie en Europe car le gaz algérien sera, désormais, concurrencé par une nouvelle source d’approvisionnement gérée par deux pays en ce moment beaucoup plus stables que l’Algérie, à savoir l’Egypte et Chypre.

Certains secteurs, tels que l’exploitation minière, les revêtements routiers, l’agriculture ou encore la transformation alimentaire, ont d’importants besoins en matière de production de chaleur ou d’électricité. Mais du fait de la nature de leurs activités, l’accès à des pipelines de gaz ou au réseau électrique n’est pas toujours possible.

Ainsi, pour ces secteurs – ou pour la production de chaleur sur d’autres types de sites isolés –, le GNL constitue une solution de substitution plus propre et souvent moins onéreuse que le fuel ou le diesel.

Il faut savoir qu’une véritable « guerre de gaz » se déroule depuis 2019 au large des côtes chypriotes. En novembre 2019, Chypre a signé son premier accord d’exploitation de gaz, d’une valeur de 9,3 milliards de dollars avec un consortium regroupant les sociétés anglo-néerlandaise Shell, l’américaine Noble et l’israélienne Delek. La licence d’exploitation, d’une durée de 25 ans, concerne le champ gazier Aphrodite, le premier découvert au large de l’île méditerranéenne, par la société Nobel en 2011. Ses réserves sont estimées à 113 milliards de mètres cubes de gaz.

L’accord a été signé après que le gouvernement eut approuvé des révisions, demandées par les entreprises en raison d’une chute des prix des hydrocarbures depuis mi-2014. D’après l’accord renégocié, Nicosie, la capitale de Chypre, recevra en moyenne 520 millions de dollars (470 millions d’euros) par an pendant 18 ans. Chypre est le nouveau paradis qui fait rêver toutes les compagnies mondiales des hydrocarbures. Et pour cause, il y aurait entre 140 et 220 milliards de mètres cubes de gaz, soit entre 3 et 4 ans et demi de consommation de la France. Encore cette fourchette ne porte-t-elle que sur certains blocs que d’autres sont toujours en cours d’exploration.

En février 2019, ExxonMobil et Qatar Petroleum ont découvert au large de Chypre un gisement gazier encore plus important, renfermant jusqu’à 230 milliards de m3 de gaz naturel, selon les estimations. L’italien ENI et le français Total mènent également des activités d’exploration d’hydrocarbures au large de l’île.

Chypre pourrait donc devenir un acteur énergétique majeur et l’Europe l’utiliserait pour réduire sa dépendance vis-à-vis du gaz russe et… Algérien ! L’Algérie est ainsi dans une situation très délicate sa passivité et sa paralysie actuelle par une profonde crise de compétences au sommet de l’Etat algérien risque de lui faire perdre de nombreux marchés à l’international notamment en Europe où elle est d’ores et déjà en recul. L’Algérie a enregistré une chute de 25,78% de ses exportations en hydrocarbures au terme du premier trimestre 2020 par rapport à la même période en 2019. Ses exportations de gaz vers l’Espagne ont reculé de 52,83%, contre 33% vers Italie et 31,22% vers la France, selon les douanes algériennes. Le pays n’est plus le premier fournisseur de l’Espagne. La nouvelle concurrence de Chypre et de son alliance avec l’Egypte va aggraver les pertes financières pour l’Algérie qui ne réagit toujours pas sur les marchés mondiaux parce qu’elle est embourbée dans ses problèmes internes.

 

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