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dimanche, mai 5, 2024

Enquête. Mali, Niger, Libye, Espagne, Pérou : ces investissements et propriétés de Sonatrach à l’étranger totalement méconnus en Algérie

La majorité écrasante des Algériens ne  savant pas que leur compagnie nationale des hydrocarbures, Sonatrach, dispose d’un immense patrimoine financier et industriel à l’étranger. Un patrimoine composé de plusieurs investissements et sociétés sur lesquelles Sonatrach ne communique presque jamais. Enquête. 

À l’international, Sonatrach est présente depuis de nombreuses années. Ces investissements et entreprises se trouvant à l’étranger sont été regroupées au sein de la holding SONATRACH International Corporation (SIHC BVI) qui détient aujourd’hui un
portefeuille de 34 filiales et participations rattachées à neuf sub-holdings. Ces sub-holdings sont organisées autour de cinq segments d’activités spécifiques au secteur des hydrocarbures.

En 2018, la Holding SIHC BVI a dégagé un résultat net de 364 millions de dollars contre 234 millions 2017. C’est dire que Sonatrach gagne beaucoup d’argent à travers ses sociétés à l’étranger. Mais elle pourrait faire beaucoup mieux même si en 2018, la Holding SIHC BVI a engrangé 377,39 millions de dollars de dividendes. La contribution la plus élevée en termes de dividendes revient à la filiale SIPEX (50 %). Il faut savoir que SIPEX est une filiale de Sonatrach présente dans plusieurs pays d’Afrique notamment au Mali, en Mauritanie, en Égypte en Libye et au Niger. En 2017, SIHC BVI a perçu 229,91 millions de dollars de dividendes. Ainsi, pour Sonatrach, les affaires à l’étranger vont bon train et ne connaissent pas la crise. Mais où Sonatrach réalise ses affaires à l’étranger ?

Au Niger, Sonatrach dispose de sa société SIPEX Niger  qui gère le Projet Kafra. En 2018, dans ce projet, Sonatrach avait procédé à la découverte d’huile à l’issue du forage du premier puit d’exploration Kafra-1 dans le bloc Kafra. L’ENAGEO, à savoir l’Entreprise Nationale de Geophysique, une autre filiale de Sonatrach, est fortement impliqué dans ses projets au Niger puisqu’elle c’est elle qui s’occupe de la réalisation de l’acquisition sismique 3D dans le bloc Kafra.

En Libye, la Sonatrach possède la société SIPEX Libye qui a abandonné provisoirement, pour des raisons sécuritaires liées à l’instabilité de ce pays, le puit d’exploration A1-96/02 du Bloc 95-96 dont l’évaluation du potentiel pétrolier a révélé des volumes certifiés de gaz découverts.  En Mauritanie, la Sonatrach est présente également à travers sa filiale SIPEX
Mauritanie. Mais cette filiale a été fermée récemment en raison de la non-rentabilité autour des projets d’exploration de quelques blocs confiés à Sonatrach dans ce pays voisin.

Mais au Mali, la Sonatrach continue d’activer à travers sa filiale SIPEX Mali laquelle avait procédé en 2018 à la signature de l’avenant n°03 à la Convention de Concession du Bloc 20 ainsi que la signature avec l’Institut Algérien du Pétrole (IAP) d’un contrat de formation pour les cadres de l’Autorité pour la Promotion de la Recherche Pétrolière (AUREP) du Mali. Ces actions de formation ont été lancées en septembre 2018 au profit de l’AUREP.

Si en Afrique Subsaharienne, la Sonatrach progresse lentement, en Europe, la compagnie nationale des hydrocarbures possède des sociétés très prospères et stratégiques. Ainsi, en Espagne, SONATRACH et le groupe allemand BASF, ont signé, fin 1999, un contrat d’association pour la réalisation d’une unité de production de propylène baptisée PropanChem S.A Tarragone (Espagne), au niveau du site pétrochimique BASF de Tarragone. L’entrée en production de cette unité a démarré en février 2003 et son inauguration officielle a eu lieu le 16 mars 2004. La société PropanChem S.A est détenue à hauteur de 49 % par SPIC BV et par BASFESA (51 %).

En 2018,  BSP S.A a réalisé un chiffre d’affaires en hausse de 37 % à 340 millions d’euros en 2018, contre 249 millions d’euros en 2017. Pour Sonatrach, c’est un excellent business. Toujours en Espagne, Sonatrach est impliquée dans une autre belle affaire. Il s’agit de la société Regasificadora Del Noroeste S.A/REGANOSA qui a été créée pour la construction et l’exploitation des installations de stockage, de regazéification de GNL à Murgados, et du système de transport à Galicia (Espagne). Le gaz acheminé à travers le terminal est destiné à alimenter deux centrales électriques au nord-ouest de l’Espagne et le réseau national espagnol. L’entrée en production de l’unité a démarré en mai 2007.

Cette société est détenue à hauteur de 10 % par Sonatrach à travers sa filiale SPIC BV, Group Tojeiro (51 %), Xunta de Galicia (24 %) et Sojitz (15 %). En 2018,  REGANOSA a réalisé un chiffre d’affaires en hausse de 3 %, à 56,54 millions d’euros en 2018, contre 54,79 millions d’euros en 2017.

Toujours en Espagne, la Sonatrach est présente dans un autre business juteux. Il s’agit de la  société Generación Eléctrica Peninsular S.A / GEPESA qui a été constituée le 22 novembre 2002, en partenariat avec CEPSA, pour la gestion et l’exploitation de quatre unités de cogénération d’une capacité globale de 200 MW. Elle a aussi en charge la commercialisation des produits dérivés (électricité et vapeur). Cette capacité de production de 200 MW est répartie entre les quatre unités de production (50 MW chacune)
qui sont toutes situées en Espagne : Rabida, Gegsa, Getesa et Gemesa. La société GEPESA est aux mains de Sonatrach à travers sa filiale  SPIC BV à hauteur de 30 %, tandis que la compagnie espagnole Cepsa détient les 70 % restants. Durant l’année 2018,  GEPESA a réalisé un chiffre d’affaires en hausse de 10 % à 200,7 millions d’euros en 2018, contre 182,7 millions d’euros en 2017.

Espagne encore et toujours : la Sonatrach est présente à travers  SONATRACH Gas Comercializadora S.A (SGC). Créée en avril 2006, la S.A (SGC) est basée à Madrid pour
assurer la commercialisation du gaz en Espagne. C’est une filiale détenue à 100 % par SPIC BV et donc par la maison-mère Sonatrach. La compagnie algérienne est nettement plus prospère en Espagne qu’en Italie où elle a été obligée d’abandonner sa société SONATRACH Gas Italia (SGI), une filiale créée en juillet 2006 à Milan, pour gérer la commercialisation du gaz en Italie. La dissolution de la société a été prononcée
le 30 juin 2016. Elle a été mise en liquidation en 2017. Cette dissolution a marqué le recul inquiétant de la Sonatrach sur le marché gazier italien, l’un des marchés les plus stratégique pour le gaz algérien.

Heureusement que Sonatrach n’a pas vécu la même mésaventure à Londres en Angleterre où sa  SONATRACH Gas Marketing UK Limited (SGM) SONATRACH Gas Marketing UK Limited (SGM), une filiale à 100 % détenue par SPIC BV, est toujours active.  Elle a été créée en décembre 2005 à Londres, elle assure la commercialisation du gaz au Royaume-Uni.

Pour le moment, force est de constater que la plus affaire de Sonatrach se trouve en Amérique latine au Pérou plus exactement à travers la  SONATRACH Perú  qui a réalisé un chiffre d’affaires de 291,01 millions de dollars en 2018, contre 232,98 millions de dollars en 2017. La Sonatrach dispose de la sub-holding SIPCO BVI et d’une participation à 50 % dans la société (TMPC Trans Mediterranean Pipeline Company), et a pour mission, l’exploitation du gazoduc sous-marin reliant l’Algérie à l’Italie via la Tunisie.

SIPCO BVI (SONATRACH International Pipeline Corporation) est une sub-holding détenue à 100 % par SIHC BVI. Elle gère en partenariat la filiale TGP (Transportadora de Gas del Perú) dont elle détient 21,18 % du capital. Justement ce projet au Pérou est l’exemple éloquent du bien-fondé d’une démarche d’investissement à l’étranger. Et pour cause, dans le projet  Transportadora de Gas del Perù (TGP), SIPCO, filiale de Sonatrach,  est actionnaire à hauteur de 21,18 %. Elle est la société concessionnaire et exploitant les deux ouvrages (Gazoduc & Oléoduc), reliant respectivement Malvinas à Lima et Malvinas Pisco au Pérou.

TGP a réalisé un chiffre d’affaires en hausse de 2 % à 691 millions de dollars en 2018 et un résultat net de 232 millions de dollars, en hausse de 9 % par rapport à 2017. En 2018,  ce projet au Pérou a permis la distribution de 268 millions de dollars de dividendes aux actionnaires, dont 57 millions de dollars pour SIPCO, la filiale de Sonatrach. Les célèbres agences de notation Fitch, S & P et Moody’s ont ratifié les notations BBB + /Baa1 de TGP qui conserve ainsi son rang parmi les sociétés péruviennes affichant les meilleures notes des trois agences de notation dans le monde. Il est à rappeler que la Sonatrach est présente dans ce projet depuis octobre 2000 lorsqu’un second contrat avait confié au Pérou pour 33 ans le transport du gaz naturel et des liquides de gaz entre Camisea et Lima, ainsi que la distribution du gaz à Lima et Callao au consortium privé TGP (Transportadora de Gas Peruana S.A.), intégré par Tecgas N.V. (filiale de Techint), Pluspetrol, Hunt Oil, SK Corporation, Sonatrach (Algérie) et Graña y Montero.

L’autre importante entreprise de Sonatrach à l’étranger s’appelle NUMHYD qui  a été créée en partenariat (50% – 50%) entre l’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (ETAP) et Sonatrach, le 04 avril 2003, pour opérer en Tunisie et en Algérie, dans les domaines de l’exploration et la production des hydrocarbures.  Il s’agit d’un partenariat croisé entre les intérêts de Sonatrach en Algérie et ceux de l’ETAP (Entreprise tunisienne des activités pétrolières) en Tunisie, constitue une étape importante dans la consolidation et l’évolution des relations d’affaires entre les deux entreprises dans le domaine des hydrocarbures.

Il est à souligner enfin que ses sociétés à l’étranger de Sonatrach lui ont permis de procéder au versement de dividendes à hauteur de 402 millions de dollars, au titre des exercices de 2013 à 2016. Malgré quelques difficultés et mésaventures, les propriétés de Sonatrach à l’étranger lui rapportent un joli pactole.

Et Sonatrach ne compte pas s’arrêter-là. En 2018, elle avait  signé un pacte d’actionnaires avec la société turque Ronesans Holding pour la création d’une JointVenture en vue de la réalisation d’un complexe pétrochimique en Turquie d’une capacité de 450 000 tonnes/an de polypropylène (Novembre 2018). Après la Turquie, d’autres perspectives internationales sont en train d’être explorées afin d’agrandir cet immense patrimoine à l’étranger. Reste à améliorer sa bonne gestion et son contrôle par des instances d’audit efficaces et sérieuses afin d’éviter des pratiques financières occultes qui collent, malheureusement, à la peau de l’establishment de Sonatrach.

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