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mardi, mai 7, 2024

Documents exclusifs. Malgré la conjoncture financière très délicate, la CASNOS a acheté une bâtisse à 110 milliards de centimes

En février 2016, la Caisse nationale de la sécurité sociale des non salariés (Casnos) a dépensé pas moins de 110 milliards de centimes pour acheter un immeuble situé à El-Biar, sur les hauteurs d’Alger. Il s’agit d’un immeuble d’une surface globale de 2500 M2 doté d’un niveau parking et d’un rez-de-chaussée de deux niveaux ainsi que de 4 niveaux en open space. Cette acquisition onéreuse a coûté les yeux de la tête à une institution étatique aux équilibres financiers très fragiles. Une acquisition immobilière très controversée qui a été décidée dans des conditions très troublantes, a constaté Algérie Part au cours de ses investigations. 

Nous avons effectivement obtenu au cours de nos investigations des documents qui jettent un doute sur la légalité de cette opération immobilière inédite. Officiellement, la CASNOS a justifié le bien-fondé de cet achat immobilier hors de prix par l’absence d’un siège qui peut abriter les locaux de l’agence d’Alger Ouest. La CASNOS a adopté effectivement une nouvelle organisation qui lui permettait de passer de 13 agences régionales à 49 agences de wilayas y compris l’agence d’Alger Ouest. La direction générale de la CASNOS s’est lancée ainsi dans la recherche d’un nouveau siège pour cette agence. Et qui dirigeait à l’époque la CASNOS ? Un certain Chawki Acheuk-Youcef, l’homme controversé qui deviendra ministre du Travail le 4 janvier 2020. Un ministre qui sera limogé dans des conditions scandaleuses le 29 juillet dernier. Cité dans un scandale d’appartements illicitement achetés à Benidorm en Espagne, mais jamais déclarés auprès du fisc et des autorités algériennes, impliqué dans une affaire de moeurs avec une femme cadre dirigeante du ministère du Travail qui a fini par une dispute sous les yeux des passants et curieux dans un quartier d’El-Achour dans la banlieue d’Alger, Chawki Acheuk-Youcef a quitté le gouvernement par la plus petite des portes.

Et pourtant, personne ne lui avait réclamé auparavant des comptes à propos de cette luxueuse et onéreuse acquisition immobilière qui a coûté plus de 110 milliards de centimes au Trésor Public. Le plus troublant est le processus ayant caractérisé cette acquisition. Le fonctionnement de la CASNOS est officiellement régi par le Décret exécutif n° 92-07 du 4 janvier 1992 portant statut juridique des caisses de sécurité sociale et organisation administrative et financière de la sécurité sociale. L’article 3 de ce décret exécutif explique clairement que  « Conformément aux dispositions de l’article 78 de la loi n° 83-11 du 2 juillet 1983 susvisée, les caisses sont placées sous la tutelle du ministre chargé de la sécurité sociale ». La CASNOS ne peut donc pas prendre une décision stratégique sans l’aval de sa tutelle, le ministère du Travail et de la Sécurité Sociale.

Or, officiellement, la CASNOS  a validé cette acquisition immobilière dés le début du mois de février 2016 alors que sa tutelle n’a été sollicitée pour donner son accord que vers le 9 mars 2016 ! Pis encore, le ministère du Travail avait demandé au préalable, avant de donner son accord, de procéder à l’évaluation de deux immeubles à usage professionnel situés à Alger dont une autre bâtisse se trouvant à Kouba et appartenant au promoteur immobilier « El KORTOBIA ». Cette évaluation a été confiée aux services des Domaines de la Wilaya d’Alger comme le prévoit la réglementation en vigueur régissant la valorisation des biens immobiliers acquis par l’Etat.

Le 6 avril 2016, les services des Domaines de la Wilaya d’Alger ont communiqué officiellement à la direction générale de la CASNOS les résultats de cette évaluation. Or, la CASNOS avait tranché bien avant puisque un acte notarié rédigé par maître Boutbig Fateh a été officiellement publié le 1er février 2020 par le vendeur de la bâtisse située à El-Biar, un certain Boukhenoufa Toufik, et l’acheteur… La CASNOS. Le prix de l’acquisition est de 110 milliards de centimes. Cette acquisition immobilière a été actée bien avant la décision du Conseil d’administration de la CASNOS qui avait validé officiellement cette opération de financement pour l’acquisition d’un nouveau siège à Alger le 31 mai 2016.

Chawki Acheuk-Youcef a donc a « violé » toutes les étapes légales et réglementaires pour sortir un chèque de 110 milliards de centimes. Malheureusement, aucune instance officielle ou gouvernementale n’a relevé les anomalies entourant cette troublante acquisition immobilière.

Sur le plan financier, cette dépense constitue également un risque élevé car les équilibres financiers de la CASNOS risquent d’être ébranlés d’ici 2025. La CASNOS est handicapée par les sous-déclarations d’autant plus que l’Algérie a un potentiel des non salariés qui est estimé à 3 millions exerçant pour leur propre compte, à l’instar des commerçants, artisans, agriculteurs et autres professions libérales. Le nombre d’affiliés à la CASNOS n’avait pas atteint 1,1 million à la fin de l’année 2018. C’est dire que les recettes financières de la CASNOS sont très limitées et sa santé financière demeure très fragile. Malgré cela, elle avait consenti à un achat immobilier très luxueux et sans respecter les lois en vigueur dans notre pays.

 

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