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samedi, avril 27, 2024

Décryptage. La dangereuse dépendance de l’Algérie vis-à-vis du gaz naturel pour produire toute son électricité

L’Algérie est ultra-dépendante pour produire toute l’électricité qu’elle consomme au quotidien. Et cette dépendance, naguère considérée comme un atout majeur, est aujourd’hui perçue comme un danger qui menace la sécurité énergétique du pays. Et pour cause, le gaz est une ressource naturelle périssable et non-renouvelable d’autant plus que les réserves nationales en gaz naturel sont en baisse permanente et le pays pourrait manquer cruellement de gaz naturel pour répondre à tous besoins domestiques dans un futur proche. Décryptage.

En Algérie, 99 % de la production d’électricité en Algérie provient du gaz naturel. Cette dépendance vis-à-vis d’une seule source d’énergie est assumée ouvertement par les autorités algériennes. « La prédominance du gaz naturel dans le mixte énergétique algérien est due au fait que le pays est un producteur majeur du combustible et a la volonté politique qui consiste à satisfaire, en premier, la demande domestique », a expliqué récemment Mohammed Arkab, le ministre actuel de l’Energie et des Mines, un fin connaisseur des enjeux de la production nationale de l’électricité puisqu’il était lui-même un ancien dirigeant de Sonelgaz, le groupe public chargé de la la production, la distribution et la commercialisation d’électricité et de l’achat, le transport, la distribution et la commercialisation de gaz naturel.

Il est à noter à ce propos que Mohamed Arkab était le directeur de travaux à ETTERKIB, responsable de la réalisation de l’ensemble des projets de centrales électriques et des projets industriels, et ce jusqu’à juin 2006, date à laquelle il a été nommé P-dg de cette société. En septembre 2010, Mohamed Arkab avait occupé le poste de P-dg de la Compagnie de l’Engineering de l’Electricité et du Gaz (CEEG), filiale du Groupe Sonelgaz, chargé par mandat de la réalisation de l’ensemble du programme de développement des filiales métiers du Groupe Sonelgaz. En août 2017, il avait été nommé P-dg de la société nationale de l’électricité et du gaz (Sonelgaz).

« Nous sommes parvenus à produire 20.000 mégawatts pour couvrir la demande croissante au niveau national et nous avons 33 stations de production d’électricité dans le Sud algérien, dont des stations travaillant avec du gaz naturel », avait indiqué encore Mohamed Arkab. Depuis quelques temps, les autorités commencent tout de même à douter de la fiabilité de cette dépendance accrue vis-à-vis du gaz naturel.

« II faut penser à notre futur énergique et à diversifier son usage au profit de l’énergie algérienne », avait estimé, d’ailleurs, à ce propos Mohamed Arkab,  avant de souligner qu’ « il faut animer l’industrie algérienne et, principalement, l’industrie pétrochimique autour de ce combustible propre, ce qui sera très bénéfique dans la création d’une vraie valeur ajoutée dans l’économie nationale ».

Mais pour le moment, cette diversification tarde à voir le jour et l’Algérie continue de répondre à ses besoins en électricité en utilisant uniquement le gaz naturel.  En 2019, la demande et la production de l’électricité a augmenté à hauteur de 81.5 TWh. Le plus gros consommateur était le secteur résidentiel (33%). 27% ont été consommés par
les industries (à l’exception de l’industrie de l’énergie). Le troisième gros consommateur était le secteur commercial (14%). 12% de la production d’électricité ont été perdus dans la transformation (consommation propre) et le transport de l’électricité.

L’industrie de l’énergie a consommé 11% de l’ensemble de la production d’électricité. Dans la production d’électricité, les turbines à cycle combiné (CC, 46.7%) et à gaz (TAG,
42.5%) ont majoritairement contribué à fournir de l’électricité à la population.

Les turbines à vapeur (TAV) ont contribué pour 9.4% alors que l’énergie PV + éolienne a représenté 0.9%, les groupes électrogènes et l’hydroélectricité représentaient respectivement 0.4 et 0.2% de la production nationale d’électricité. C’est dire que le gaz naturel continue de dominer outrageusement la production de l’électricité en Algérie.

Face à la forte augmentation de la consommation nationale, ce gaz naturel risque de plus suffire pour fournir de l’électricité aux Algériennes et Algériens. A ce propos, il convient de signaler qu’en Algérie, il y a une forte saisonnalité dans le profil de la demande nationale autour de l’électricité. La demande est d’environ 6 000 à 10 000 MW tous les mois sauf pendant les mois d’été de juillet et août.  C’est en été que, tirée par la charge des systèmes de climatisation, la demande culmine et représente 9 000 MW jusqu’à près de 14 000 MW.

En 2017, le parc des centrales algériennes comptait 19 471 MW de puissance installée44.
Sur la base des informations fournies par une filiale du groupe Sonelgaz pour le programme d’investissement 2018-2021 ainsi que sur la mise en service des centrales photovoltaïques de la CEREFE, en 2021 on estime qu’environ 30 470 MW sont installés.

Si pour le moment, l’Algérie tient debout et n’éprouve pas de difficultés pour satisfaire sa consommation nationale en électricité, la situation s’annonce d’ores et déjà très compliquée à partir de 2025-2026. Et pour cause, le pays souffre d’un écart qui se creuse entre le taux de croissance de la consommation énergétique du pays (notamment de gaz) et sa capacité de production, ainsi que les réserves à long terme. Si les exportations algériennes d’hydrocarbures ont baissé de 2,8 % en 2018, la consommation a quant à elle augmenté de 7,1 % au premier trimestre de la même année, avec un total de 16,7 millions de tonnes équivalent pétrole.

C’est avant tout l’usage de gaz naturel qui est en hausse (+ 9,9 %), avec 12,8 milliards de m3 à fin mars 2018, ainsi que celle des centrales électriques, avec +5,6 % lors du premier trimestre 2018. Pour 2019, la consommation de gaz naturel est estimée entre 42 et 55 milliards de m3. De plus, le groupe Sonelgaz (Société nationale de l’électricité et du gaz), groupe industriel énergétique algérien chargé de la production, du transport et de la distribution de l’électricité et du gaz, estime que la consommation du pays devrait passer à 47 milliards de m3 en 2023 et 75 milliards de m3 en 2030. Cela signifie qu’il faudra exploiter à chaque fois des volumes toujours plus élevés de gaz naturel pour produire de l’électricité et répondre aux besoins énergétiques de la population algérienne. Or, le futur niveau des réserves nationales et le recul alarmant de la production nationale va rendre cette mission très difficile, pour ne pas dire impossible.

 

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