Le 24 octobre 2019, une image a fait le tour du monde : le puissant président de la Russie, Vladimir Poutine qui sourit narquoisement face à Abdelkader Bensalah, l’ex-chef d’Etat algérien par intérim, lorsqu’il lui présentait un « compte-rendu » sur la situation politique interne de l’Algérie lors d’une rencontre organisée dans le cadre du Forum économique Russie-Afrique qui s’était tenu à Sotchi en Russie le 23 et 24 octobre 2019.
Beaucoup ont été scandalisés par cette image, d’autres n’ont pas caché leur étonnement. Mais globalement, le sentiment d’incompréhension a gagné tous les algériens et les observateurs de la situation politique en Algérie. Pourquoi Abdelkader Bensalah s’est-il courbé l’échine à l’étranger pour parler des affaires internes du pays à un Chef-d’Etat d’une puissance étrangère ? Le régime algérien diabolisant à longueur de journée les ingérences étrangères s’est fait piéger par ses propres contradictions. Mais quel était le but de cette démarche ? Séduire Poutine, le convaincre de soutenir encore le régime algérien ? En vérité, l’histoire de cet épisode controversé est totalement extravagante et relève du registre de l’absurde.
Selon nos sources, la délégation algérienne qui s’était rendue à Sotchi et conduite au mois d’octobre dernier par Abdelkader Bensalah n’avait au départ dans son agenda aucune rencontre programmée avec le Président Vladimir Poutine. Les officiels algériens voulaient effectivement organiser une entrevue avec Poutine, l’un des leaders les plus puissants du monde, mais aucune démarche des autorités n’avaient abouti. Pour quelle raison ? Le nouveau pouvoir algérien mis en place par Gaid Salah depuis avril 2019 n’avait aucun contact fiable ou sérieux dans les hautes sphères du pouvoir russe. Abdelkader Bensalah était donc parti à Sotchi sans aucune visibilité et sans avoir la moindre garanti qu’il pourra rencontrer des officiers russes de haut niveau.
Du côté russe, aucun accord n’avait été conclu préalablement pour organiser une rencontre entre Poutine et la délégation algérienne. L’agenda « officiel » de Poutine ne faisait mention d’aucune rencontre avec Bensalah et la délégation algérienne. Que s’est-il alors passé ? Dans la nuit du 23 au 24 octobre, la délégation algérienne avait saisi une personnalité algérienne très influente qui occupe des fonctions très sensibles pour lui demander d’actionner son réseau afin d’obtenir à Abdelkader Bensalah une entrevue officielle avec Vladimir Poutine, une opération politique à travers laquelle le régime algérien voulait démonter qu’il ne souffre d’aucun déficit de légitimité sur le plan international alors qu’il est vigoureusement contesté par un mouvement de contestation populaire depuis le 22 février 2019.
Cette personnalité algérienne va exaucer le voeu de Bensalah et ses compagnons. Le lobbying de cette personnalité algérienne connue pour sa relation très amicale avec Sergueï Viktorovitch Lavrov, le puissant patron de la diplomatie russe, finit par payer. Le 24 octobre, Vladimir Poutine reçoit officiellement la délégation algérienne conduite par Abdelkakder Bensalah. Or, ni le Chef d’Etat par intérim de l’Algérie ni ses collaborateurs n’ont été informés que cette entrevue sera intégralement filmée par les caméras de la télévision RUSSIA TODAY (RT). Les officiels algériens avaient bel et bien constaté la présence d’une caméra, mais ils pensaient qu’il s’agissait d’une simple caméra utilisait par le protocole officiel russe. 5 heures plus tard, la délégation algérienne avait appris qu’il s’agissait finalement d’une caméra de télévision. Trop tard ! Les images avaient circulé dans le monde entier et Bensalah s’était comporté comme s’il discutait en toute confidentialité avec Vladimir Poutine. Cette défaillance majeur de la diplomatie algérienne et du protocole présidentiel algérien avait provoqué une énorme bourde politique. Ni l’ambassade d’Algérie à Moscou ni les membres de la délégation algérienne n’avaient été capables de préparer au préalable les conditions de l’organisation de cette entrevue imprévue avec Poutine. Et c’est ainsi que l’amateurisme au plus haut sommet de l’Etat algérien a été dévoilé au monde entier.
