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mercredi, mai 1, 2024

A une année des élections présidentielles, Tebboune offre des « super-pouvoirs » troublants et dangereux à son entourage

A une année des élections présidentielles de 2024, le président algérien Abdelmadjid Tebboune adopte avec beaucoup d’empressement une nouvelle organisation des services de la Présidence de la République, à savoir le Palais Présidentiel d’El-Mouradia à Alger, qui permet d’élargir dans des conditions troublantes les prérogatives de ses conseillers. Pis encore, cette nouvelle réorganisation des services de la Présidence algérienne accouche de la naissance d’un « gouvernement parallèle » au sein du Palais d’El-Mouradia.

Un gouvernement parallèle plus puissant et influent que le véritable gouvernement censé être conduit par un Premier-ministre pour diriger le pays. Désormais, les conseillers de Tebboune peuvent l’assister dans l’exercice de ses « pouvoirs constitutionnels » et « peuvent se voir confier, par le Président de la République, toutes autres missions, activités ou tâches », explique le nouveau Décret présidentiel n° 23-331 du 10 Rabie El Aouel 1445 correspondant au 26 septembre 2023 portant réorganisation des services de la Présidence de la République. Les conseillers du Palais Présidentiel d’El-Mouradia ne vont plus se contenter d’informer, réaliser des comptes rendus ou de suggérer des idées au Chef de l’Etat. Dorénavant, ils ont la possibilité de contrôler les activités du gouvernement, de suivre minutieusement ses activités et assureront « le suivi des affaires économiques, des activités gouvernementales et des questions politiques et institutionnelles, et rendent compte de leurs évolutions ».

« Un gouvernement Bis » au Palais d’El-Mouradia

Les services de la Présidence algérienne dont les conseillers de Tebboune ont aussi pour mission de « suivre et de participer à la mise en œuvre du programme, des orientations et des décisions du Président de la République et de lui en faire rapport ». En clair, le rôle d’un conseiller au Palais Présidentiel d’El-Mouradia n’est plus uniquement d’établir des notes, d’informer le Président, de lui rendre compte ou donner son avis et de proposer des choix, des attitudes pour améliorer l’impact positif des décisions du Chef de l’Etat. Tebboune permet aujourd’hui à ses conseillers de participer à l’action de gouverner, de contrôler, de surveiller et d’assumer avec lui « ses responsabilités constitutionnelles ».

C’est inédit comme organisation politique dans l’histoire de l’Algérie car les conseillers et fonctionnaires de la Présidence vont devenir plus puissants que des ministres. Leur pouvoir opaque va sortir de l’ombre pour être légalisé et légitimé par ce nouveau décret présidentiel ce qui va accélérer la concentration des pouvoirs au sein d’un seul clan, celui du Président et de son entourage.

Il s’agit d’une manoeuvre tout simplement inédite dans l’histoire contemporaine de l’Algérie. Abdelmadjid Tebboune est devenu le Premier Président algérien qui légalise et officialise à travers une nouvelle loi les pouvoirs non-constitutionnels de ses conseillers. Avec le Décret présidentiel n° 23-331 du 10 Rabie El Aouel 1445 correspondant au 26 septembre 2023 portant
réorganisation des services de la Présidence de la République, Abdelmadjid Tebboune offre à ses conseillers des super-pouvoirs dangereux et inquiétants car ils pourront, désormais, détourner le pouvoir constitutionnel et légitime confié aux ministres du gouvernement pour diriger eux-mêmes le pays et présider à destinée. Avec les nouvelles dispositions introduites par ce nouveau décret président, les conseillers de Tebboune au Palais Présidentiel d’El-Mouradia « sont habilités à coordonner avec les membres du Gouvernement dans le suivi des domaines et dossiers qui
leurs sont confiés, sous la supervision du directeur du cabinet ».

Des super-pouvoirs illégaux pour les conseillers

C’est la première fois qu’une loi algérienne autorise un Simple Conseiller à la Présidence à prendre attache avec les ministres et « coordonner » avec eux, cela signifie indirectement leur demander des comptes, leur communiquer des instructions et leur imposer au passage une feuille de route alors que les ministres sont censés obéir d’abord et avant tout au Premier-ministre qui leur tutelle hiérarchique et le garant de la légalité constitutionnelle de leur travail. Pis encore, l’article 10 de ce nouveau décret offre aux conseillers de Tebboune de « suivre » tous les domaines d’activité relevant du gouvernement. De l’éducation jusqu’à l’économie numérique.

Et comble de l’anomalie, les conseillers de Tebboune pourront aussi s’occuper des dossiers des enquêtes d’habilitation précédant les nomination des hauts responsables de l’Etat qui sont des procédures sensibles relevant uniquement des compétences des services de sécurité. Les conseillers de Tebboune deviennent ainsi des super-ministres qui pourront exercer leur pouvoir de plus en plus illimité sur le peuple sans lui rendre compte et sans se soumettre au contrôle des autres institutions de l’Etat algérien.

Il est à souligner enfin que le nouveau Décret présidentiel n° 23-331 du 10 Rabie El Aouel 1445 correspondant au 26 septembre 2023 portant réorganisation des services de la Présidence de la République signé dans des circonstances anormales par Abdelmadjid Tebboune viole de nombreuses dispositions de la Constitution algérienne.

Une Constitution bafouée et violée

En effet, la loi fondamentale en Algérie interdit catégoriquement au Chef de l’Etat de partager ses pouvoirs ou de les déléguer à des forces « non-constitutionnelles », à savoir des dirigeants dont la fonction ou la mission n’est pas désignée ou encadrée par la Constitution Algérienne. C’est, pourtant, ce que fait Abdelmadjid Tebboune en déléguant des pouvoirs ou des prérogatives à ses conseillers et membres de son cabinet en leur confiant une nouvelle mission inédite, et interdite par la Constitution, de l’assister dans l’exerce de ses « responsabilités constitutionnelles ». Dans la Constitution algérienne, seul le Premier-ministre, ou Chef du gouvernement, peut accomplir cette tâche délicate et sensible avec le Chef de l’Etat.

Aucun article de la Constitution ne prévoit une quelconque place au poste de « conseiller » ou de « cabinet » du Président au plus haut sommet de l’Etat algérien. Les chapitres I et II de la Constitution algérienne expliquent et encadrent clairement le fonctionnement de l’Etat algérien et ne prévoient aucune mention pour des prérogatives relevant du cabinet du Palais Présidentiel. Avec ce nouveau décret, Abdelmadjid Tebboune légalise le pouvoir occulte des membres de son entourage et justifie leur emprise malsaine sur les institutions de l’Etat. C’est une première dans l’histoire de l’Algérie.

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