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jeudi, mai 9, 2024

« L’Affaire Neghza » sur le point de devenir un scandale d’Etat en Algérie

Une simple lettre adressée au Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, pour dresser le constat réel sur la situation économique et sociale déplorable de l’Algérie est en train d’alimenter une incroyable controverse au bout de laquelle risque de naître un véritable « scandale d’Etat ». Oui, c’est le sort vers lequel semble se diriger « l’Affaire Saida Neghza », du nom de la Présidente de de la Confédération Générale des Entreprises Algériennes, la doyenne des organisations patronales en Algérie, qui ne cesse de défrayer la chronique depuis le 5 septembre dernier, date à laquelle elle a adressé une lettre ouverte pour interpeller Abdelmadjid Tebboune, le Chef de l’Etat, sur la dégradation et régression alarmante des indicateurs économiques et de l’environnement des Affaires dans le pays.

Cette lettre du 5 septembre a suscité le courroux du clan présidentiel et de l’entourage d’Abdelmadjid Tebboune qui s’est senti attaqué, menacé et frontalement remis en cause. La réponse à la lettre de Saida Neghza fut violente, mais aussi surprenante car c’est l’Agence de Presse Gouvernementale, l’APS, qui a été utilisée pour pondre une dépêche en guise de réponses aux critiques soulevées par la lettre de la Présidente de la CGEA concernant la déplorable mauvaise gestion économique du pays. L’APS, un organe de presse public censé demeurer neutre et servir uniquement pour l’information d’intérêt général, a été ainsi entraînée dans une polémique inédite puisque elle publie le 10 septembre dernier une dépêche diffamatoire qui assène à coup d’injures et d’insultes des critiques très acerbes contre la CGEA et sa présidente Saida Neghza.

L’APS s’en prend effectivement violemment à Mme Saida Neghza qui a osé interpeller le Président Tebboune en remettant en cause son bilan. L’APS croit savoir que Saïda Neghza « se fait le porte-voix d’intérêts qu’elle est sensée, prétendument, combattre, ceux de l’ordre ancien, ceux d’une Issaba dont le sport favori, n’était pas la pratique du golf, mais détourner l’argent du peuple. Et qui revendiquent le droit d’acquérir des biens à l’étranger avec des transferts illicites, issus du même argent de la surfacturation ».

Pis encore, l’APS relève que « dans cette missive, diffusée massivement sur les réseaux sociaux, bafouant les usages d’une correspondance adressée à la Présidence de la République, l’argumentaire principal de Madame Neghza est soutenu par ce même refus du changement, et cette obsession maladive des forces de l’argent sale qui ne veulent pas baisser les bras ». « Nostalgique de l’ordre ancien, cette lettre respire les intentions de ses véritables auteurs, à savoir maintenir l’inertie, mais renseigne aussi sur le total déphasage de ses auteurs, sur les transformations profondes que connait l’Algérie », dénonce encore l’APS qui ne manquera de jeter le discrédit sur la CGEA et sa Présidente en l’accusation de faire « de la « proximité » des décideurs, des « passerelles », un fonds de commerce et une force de son marketing personnel ». Elevant l’injure jusqu’à son niveau le plus éloquent, l’APS a décrété que « le niveau des inepties de cette lettre, complètement déconnectée des évolutions du monde, démontre qu’elle s’élimine, d’elle-même, du débat économique constructif et cohérent ».

L’agression médiatique caractérisée de l’APS n’est passée inaperçue et elle a aggravé la polémique entourant la lettre de Saïda Neghza. Cette dernière est devenue rapidement la cible privilégiée des médias privés et publics entièrement acquis à la cause du régime Tebboune. Mais la Présidente de la CGEA ne va pas se laisser faire ni se laisser impressionner. Elle va, d’abord, rendre public une mise au point dans laquelle elle répond à tous les injures de l’APS.

« Tout d’abord, je remercie l’APS pour l’intérêt porté à ma lettre datée du 05.09.2023, à travers son communiqué du 10.09.2023, reproduit par un certain nombre de quotidiens nationaux, dont El Moudjahid et L’Horizon. Ledit traitement s’attaque à ma personne et à la CGEA, dont l’auteur ne reconnait pas le doit de syndicat d’employeurs. Sur ce, je défie quiconque qui puisse apporter une preuve que j’ai bénéficié d’un quelconque crédit bancaire ou d’indus avantages. Ma qualité de présidente de la CGEA ne souffre d’aucune contestation et ma réélection s’est faite par plébiscite, dans les règles de la loi de la République », affirme ainsi Saida Neghza dans sa mise au point qui n’a jamais publiée par l’APS ni par aucun autre média qui a relayé les propos injurieux de l’APS à son encontre.

« La CGEA est le seul patronat qui a refusé catégoriquement, en 2017, de s’associer à la fameuse rencontre de l’hôtel Aurassi, au cours duquel l’ancienne Issaba avait lancé « l’appel pour la destitution de Monsieur Abdelmadjid Tebboune des Fonctions de Chef du Gouvernement », malgré les menaces subies En dépit des menaces sur ma personne et des pressions lourdes dont elle a fait l’objet, la CGEA a été la seule Organisation patronale à refuser et dénoncer vigoureusement le fameux projet de Partenariat Public Privé (P.P.P) concocté pour dilapider l’outil de production public au profit de la Issaba. Fort heureusement, notre appel avait été écouté et ledit Projet avait été annulé par le défunt Président de la République », souligne Saida Neghza pour déconstruire la propagande mensongère de l’APS qui a tenté de ruiner la crédibilité d’une organisation patronnale dont le seul « crime » est d’avoir osé interpeller Abdelmadjid Tebboune sur les réalités économiques amères de l’Algérie d’aujourd’hui. « La CGEA est l’unique organisation algérienne qui représente le patronat national au sein de l’Organisation Internationale du Travail/O.I.T, où elle détient un siège de membre titulaire de son Conseil d’Administration. Cette tribune est mise à profit pour défendre les intérêts supérieurs du pays et des rapports sont régulièrement adressés aux autorités compétentes », rappelle encore Saida Neghza dans sa mise au point à travers laquelle elle a voulu défendre son honneur et la légitimité de sa lettre adressée le 5 septembre dernier au Chef de l’Etat.

Et pour ce faire, elle va développer tous ses arguments en les appuyant par des faits vérifiables et traçables. « Pour ce qui est des hommes d’affaires convoqués, ma démarche vise à contribuer au traitement diligent de ce problème, d’une manière rationnelle, qui puisse être bénéfique pour toutes les parties. Je n’ai pas occulté le fait que la justice puisse suivre son cours, tout en préservant le droit à la défense S’agissant de l’appel pour la tripartite, une simple consultation du portail du Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité Sociale permet de lire : « Au niveau national, l’institution des rencontres bipartites ou tripartites, est devenue depuis 1990 une règle dans la concertation entre le Gouvernement, la centrale syndicale UGTA et les organisations patronales. Ces rencontres ont permis à toutes les parties d’exprimer leurs préoccupations tant du point social qu’économique. Ces réunions sont devenues également le forum privilégié de concertation sur les grands dossiers stratégiques de développement du pays, à court, moyen et long terme », explique-t-elle sans trembler face aux intimidations de la campagne médiatique virulente orchestrée à son encontre depuis qu’elle est montée au créneau pour dresser le portrait de la situation économique chaotique du pays.

« L’Affaire Neghza » aurait pu en rester là laissant l’occasion aux économistes de démentir les constat ou de confirmer le diagnostic réalisé par la lettre de la Présidente de la CGEA. Mais cette affaire a pris ensuite de nouvelles proportions totalement surréalistes et ce grâce à un message vocal d’une violence inouïe adressée par Saida Neghza au directeur de l’APS, l’agence de presse étatique algérienne, Samir Gaid.

Dans son message, la présidente de la CGEA formule des menaces à peine voilées contre le directeur de l’APS et lui promet une avalanche d’ennuis et d’embêtements qui briseront sa carrière. Said Neghza a réagi avec beaucoup de sévérité à la dépêche de l’APS qui l’accuse sur ton diffamatoire, voire très injurieux, de servir « l’ordre ancien » et de servir la « Issaba dont le sport favori, n’était pas la pratique du golf, mais détourner l’argent du peuple ». Dans ce même enregistrement que Saida Neghza a, semble-t-il, fait délibérément fuiter pour qu’il soit massivement diffusé sur les réseaux et mis en ligne afin de jeter le discrédit sur le clan présidentiel d’Abdelmadjid Tebboune aux commandes du pays.

Et pour cause, la présidente de la CGEA a ouvertement cité dans cet enregistrement accablant le nom de Kamel Sidi Said, le directeur de communication du Palais Présidentiel d’El-Mouradia, qui est accusé d’abuser des pouvoirs qui lui sont conférés par la Présidence pour manipuler des institutions étatiques comme l’APS afin de s’en prendre à l’honneur des personnalités qui dérangent les intérêts du clan présidentiel à travers leur ligne de conduite ou leur prise de parole jugée contraire aux orientations majeures fixées par Abdelmadjid Tebboune. Cet épisode inédit dévoile le déclenchement d’une véritable guerre de clans au plus haut sommet du pouvoir algérien à la veille des élections présidentielles de 2024. L’entourage direct d’Abdelmadjid Tebboune est pointé directement du doigt pour ses malversations, manipulations outrancières et dérives autocratiques causant un énorme préjudice à la stabilité du pays. « L’Affaire Neghza » n’est plus une simple et inédite polémique. Elle est sur le point de devenir un « scandale d’Etat » dont les dessous pourraient nous révéler des informations encore plus surprenantes dans les jours à venir.

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