Des délais de rendez-vous excessivement loin, des rendez-vous revendus au marché noir à plus de 20.000 Da, voire 50 ou 70.000 lors des périodes de fortes demandes comme en été, des dossiers déposés chez TLScontact mais qui n’arrivent jamais à l’ambassade, des réponses négatives qui reviennent aux demandeurs alors que leur demande n’est jamais parvenue à l’ambassade… C’est dans ce contexte que l’Ambassade de France à Alger a mis fin au contrat la liant à TLS contact le 28 juillet dernier. C’est une affaire de gros sous. On parlait de quelques millions de dinars mais en réalité c’est une affaire de plusieurs millions d’euros. Enquête.
L’Algérie est officiellement le 3e pays demandeur de visas après la Chine et la Russie. Pour Alger, la volumétrie de la demande de visa était en 2016 de 336.156 demandes :
– 335.567 sur passeports ordinaires et 589 sur passeports officiels.
– 323.995 demandes de visa de court séjour et 12.161 demandes de visa de long séjour.
40 millions d’euros à l’ambassade de France et 25 millions d’euros pour TLS
En 2017, de janvier à juin 2017, pas moins de 499.775 demandes de visas Schengen ont été déposées au niveau de TLScontact à Alger. Durant la même période, pas moins de 161.223 demandes de visas ont été déposées à Annaba. Et à Oran, 222.756 demandes de visas ont été recensées jusqu’à juin 2017.
Donc, depuis janvier 2017, les demandes de visas totalisent le chiffe colossal de 883.754 demandes, soit, si on multiplie ce nombre par les tarifs de droit de visa arrondis à 6.000 Da, cela représente la somme de 5.302.524.000 Da ou en euro 40.788.646, à savoir plus de 40 Millions d’euros.
Pour TLS, ces revenus représentent, si on multiplie 883.754 demandes par 3.700 Da, le montant de ses frais de prestations, cela représente la somme colossale de 3.269.889.800 DA ou en euro 25.152.998, à savoir plus de 25 millions d’euros.
Le visa Schengen en Algérie est oui une affaire de gros…. sous !
L’Ambassade de France est consciente des scandales de corruption au sein de TLS et ce depuis des années, mais la règle est la suivante, « si tu veux voler et escroquer les demandeurs de visas, vas-y, mais ne me vole pas à moi ! »
Ce n’est que lorsque TLS a subtilisé le droit de visa sur quelques milliers de dossiers de demandes que l’ambassade a réagi. En effet, TLS a récupéré les droits de visas (les fameux 6.000 DA) sur des milliers de dossiers et a conservé ces dossiers dans ses locaux sans jamais les adresser à l’ambassade. TLS a ensuite falsifié une réponse négative de l’Ambassade et l’a fourni aux demandeurs.
En juin 2016? l’ambassade avait enregistré 25.254 demandes de visa. En juin 2017, l’ambassade avait enregistré 17.808 demandes de visa, soit 7.446 demandes de moins, ce qui n’est pas normal puisque les demandes de visa augmentent chaque année de 15%
On estime donc que TLS a causé un préjudice à l’ambassade de France évalué à 44.676.000 DA ou en euro 343.661, à savoir 343 mille euros.
L’ambassade a démenti l’existence de ces fraudes. Mais si c’est vrai, pourquoi l’ambassade résilierait le contrat la liant avec TLS, et pourquoi l’ancien ambassadeur, ami proche de la directrice de TLS, a été relevé de ses fonctions dans la foulée et renvoyé à Paris ?
Une source proche de l’ambassade a confirmé qu’une enquête a été diligenté pour déterminer si des flux financiers ont transité entre la direction de TLS et quelques cadres à l’ambassade de France.
Mais pour le trésorier de l’ambassade de France, « gardien de la caisse », il s’agit bien d’un vol et un détournement de fonds publics, un manque à gagner qui oblige l’ambassade à mettre fin à ses affaires de corruption ne serait-ce que pour blanchir son image face à des demandeurs en colère.
L’annonce de la fin du contrat avec TLS a fait grimper les prix des visas obtenus illicitement avec de la corruption.
5000 euros pour un simple visa !
Un de nos enquêteurs, spécialiste des faux dossiers des visas, a contacté un faussaire à Blida qui est en contact direct avec un fonctionnaire de l’ambassade de France à Alger. Pendant l’entretien téléphonique, le faussaire demandait au fonctionnaire en question le prix d’un visa Schengen. Ce dernier a annoncé le prix de 5.000 euros. Le faussaire ajouta, la semaine dernière le visa était à 3.000 euros, pourquoi cette augmentation ? Le fonctionnaire répondit que vu le contexte actuel de la crise à l’ambassade, le risque est plus élevé, et donc l’augmentation du prix est justifiée.
Il n’y a aucun doute, TLS pratique des escroqueries dans son périmètre, mais l’ambassade aussi en fait de même dans son périmètre. Le marché des « black-visas » est un marché juteux, le 3eme après le trafic des devises et de la drogue en Algérie.
Ce conte de fée aurait pu continuer « in fine » si TLS n’a pas volé dans la caisse de l’Ambassade de France. Mais TLS a contracté un prêt bancaire colossal auprès de la société générale et TLS, au final, est une entreprise qui doit rembourser ses dettes. Algériepart reviendra sur ce dossier complexe dans les prochaines parties de cette enquête haletante.