Si l’islamisme politique a été vaincu depuis les années 90, il continue de régir l’ordre social de l’Algérie. C’est la conclusion à laquelle est arrivé le journaliste Pierre Daum, l’un des journalistes français les plus connaisseurs et mieux documentés sur l’Algérie. Auteur de plusieurs ouvrages sur le passé colonial de la France en Algérie à l’image de son enquête approfondie sortie en 2015 et intitulée « Le Dernier Tabou, les « harkis » restés en Algérie après l’indépendance », Pierre Daum rédige également des longs reportages sur l’Algérie dans les colonnes du prestigieux mensuel Le Monde Diplomatique.
Au mois d’août, il publie un reportage long format sur les traces de la décennie noire. L’article intitulé « Mémoire interdite en Algérie » a beaucoup dérangé et les autorités algériennes ont censuré ce numéro du Monde Diplomatique.
Invité sur le plateau de TV5 Monde, Pierre Daum est revenu sur l’expérience qu’il avait vécu lors de ce reportage. Une expérience qui l’a amenée à constater que la religion est devenue « l’antidote à la souffrance provoquée par la décennie noire ». « Les islamistes ont perdu la guerre, mais ils ont remporté les esprits », dit-il en citant des témoins rencontrés au cours de son retour sur les lieux des massacres les plus emblématiques de la décennie noire comme Bentalha.
« Je suis me tourné vers les psychiatres et psychanalystes pour comprendre le phénomène de la réaislamisation générale ». « L’Islam est devenu un antalgique qui permet le déni et l’oubli en Algérie », a souligné Pierre Daum qui produit une analyse profonde notre société 20 ans après la fin de la sanglante décennie noire. « Il y a une violence sous-jacente entre les individus en Algérie. Nous la ressentons au quotidien dans les rues », a-t-il dit enfin ce journaliste français spécialiste de l’Algérie pour relever que le recours à la religion comme refuge ne guérit pas vraiment les blessures de la guerre civile des années 90.