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vendredi, mars 29, 2024

Un câble sous-marin entre l’Algérie et l’Italie pour exporter de l’électricité : est-ce vraiment une bonne idée ?

Ce jeudi 26 mai, Abdelmadjid Tebboune, a fait état à Rome, de la proposition de l’Algérie de réaliser un câble sous-marin entre l’Algérie et l’Italie en vue d’approvisionner l’Italie et une partie de l’Europe en énergie électrique. Cette idée a suscité beaucoup de réaction sur le web et les réseaux sociaux. Mais est-ce pour autant un projet sérieux, fiable et bénéfique pour l’Algérie ? Pas si sûr. Explications. 

« Nous avons proposé la réalisation d’un câble sous-marin entre l’Algérie et l’Italie, à travers lequel nous pourrons approvisionner l’Italie et une partie de l’Europe en énergie électrique », a indiqué le Président Tebboune lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue italien, Sergio Mattarella, au terme des entretiens bilatéraux qui se sont déroulés au Palais présidentiel.

Il faut savoir, d’abord, que le projet d’exporter de l’électricité algérienne vers l’Europe n’est nouvelle et ce projet est exploré depuis 2017/2018. D’ailleurs, le 9 janvier 2019, le groupe public SONELGAZ, en charge de la production, du transport et de la distribution de l’électricité et du gaz, avait créé une nouvelle filiale « Sonelgaz-Export » qui devait avoir pour mission d’assurer le transport et la distribution d’électricité destinée à l’exportation vers des pays d’Afrique du Nord et du Nord de la Méditerranée. Annuellement, le groupe SONELGAZ produit un surplus d’une capacité de plus de 7 000 MW qui n’est pas exporté.

Pour la réalisation de ce nouveau cap, les investissements seront boostés en matière de stockage et de transport efficient de l’énergie électrique vers l’Europe via la mer. A l’époque, les autorités algériennes ont même envisagé l’option d’introduire le groupe SONELGAZ  en bourse à l’étranger pour lever des financements permettant de réaliser les projets d’exportation d’électricité vers l’Europe. Des négociations avaient même été lancées pour son introduction à la bourse d’Espagne. Mais depuis que la crise politique de 2019 a bouleversé les équilibres du pays, tous projets ont été, malheureusement, abandonnés.

Il est à signaler à ce sujet que l’Algérie produit depuis plus de 2019 plus de 19.000 mégawatts et envisage d’atteindre, dans quelques années, une production de 27.000 mégawatts, à travers la concrétisation de ce programme comprenant 7 centrales électriques. Mais plus de 99 % de cette électricité est produite à partir du gaz naturel. Cela signifie que l’Algérie est ultra-dépendante du gaz naturel pour produire de l’électricité. Or, le gaz naturel n’est pas une ressource renouvelable et elle demeure encore une source d’énergie très précieuse qui causera problème à l’avenir parce que les réserves algériennes sont en diminution permanente ces dernières années alors que la consommation nationale de l’électricité ne cesse de monter crescendo d’une année à une autre.

En 2019, la demande et la production de l’électricité a augmenté à hauteur de 81.5 TWh. Le plus gros consommateur était le secteur résidentiel (33%). 27% ont été consommés par
les industries (à l’exception de l’industrie de l’énergie). Le troisième gros consommateur était le secteur commercial (14%). 12% de la production d’électricité ont été perdus dans la transformation (consommation propre) et le transport de l’électricité. L’industrie de l’énergie a consommé 11% de l’ensemble de la production d’électricité. Dans la production d’électricité, les turbines à cycle combiné (CC, 46.7%) et à gaz (TAG,
42.5%) ont majoritairement contribué à fournir de l’électricité à la population.

Les turbines à vapeur (TAV) ont contribué pour 9.4% alors que l’énergie PV + éolienne a représenté 0.9%, les groupes électrogènes et l’hydroélectricité représentaient respectivement 0.4 et 0.2% de la production nationale d’électricité. C’est dire que le gaz naturel continue de dominer outrageusement la production de l’électricité en Algérie.

Cette équation rend les possibilités d’exportation de l’électricité depuis l’Algérie vers l’étranger très risquées et incertaines. Cependant, les câbles sous-marins lancés pour l’exportation de l’électricité à travers le monde ciblent uniquement l’acheminement de l’électricité produite à partir des énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien.

A titre d’exemple, en Australie, la société Sun Cable a annoncé au mois de mars dernier avoir levé 138 millions d’euros pour développer son projet AAPowerLink (Australia-Asia PowerLink) afin d’exporter de l’énergie solaire vers Singapour, via un câble sous-marin de 4200 km de long à courant continu haute tension (HVDC). « Les progrès de la production d’énergie renouvelable, du stockage de l’énergie et des technologies de transmission par câble HVDC ont rendu commercialement et techniquement viable la transmission d’électricité renouvelable sur de longues distances », avait indiqué à ce sujet Sun Cable.

Sun Cable ambitionne de lancer un immense parc photovoltaïque de 12.000 hectares à Powell Creek, dans le Territoire du Nord, produisant 17 à 20 GW. L’énergie solaire sera stockée dans d’immenses batteries et exportée vers Darwin en 2026, puis Singapour. Sun Cable affirme pouvoir répondre à 15% (3.2 GW) de la demande de Singapour qui dépend actuellement du gaz pour 95% de sa production d’électricité.

Depuis le 1er d’octobre 2021, le Royaume-Uni a lancé officiellement un câble électrique sous-marin de 720 kilomètres pour améliorer sa sécurité énergétique grâce à l’électricité d’origine hydraulique de la Norvège, renouvelable et «pilotable» selon la demande. Cela devrait permettre au Royaume-Uni de moins utiliser ses centrales à gaz quand le vent vient à manquer compensant ainsi l’intermittence de ses éoliennes.

Cette solution est envisagée pour permettre à la Grande-Bretagne de ne plus subir l’envolée des prix du gaz qui ont atteint la semaine dernière des records historiques. Cette envolée a provoqué la faillite de nombreux opérateurs incapables de répercuter auprès des ménages la hausse qu’ils subissent. Ce projet est considéré jusqu’à aujourd’hui comme le plus long câble électrique sous-marin du monde. Ce câble sous-marin a démarré avec une capacité maximale de 700 megawatts (MW) qui va monter graduellement à 1.400 MW sur trois mois pour alimenter en électricité 1,4 million de foyers.

L’Algérie devrait ainsi s’inspirer de pareils projets pour concrétiser réellement ce projet de câble sous-marin la reliant à l’Italie. Tant que les énergies renouvelables ne sont pas développées dans notre pays et représentent moins de 1 % dans la production de l’électricité, tout projet d’exportation vers l’étranger notamment l’Europe sera contre-productif et insensé car il accéléra l’épuisement de nos réserves de gaz naturel. Il faut savoir que d’ici 2030, la consommation locale de gaz représentera 85 % de la production commercialisée en Algérie. La démographie galopante – 1 million d’habitants de plus par an – et l’explosion des besoins énergétiques expliquent cette courbe ascendante de la consommation. À titre d’exemple, le parc automobile est passé de 2,6 millions de véhicules en 2006 à 8 millions en 2016. A l’horizon 2030, les besoins énergétiques de la population, plus de 50 millions d’habitants – devraient avoir doublé. C’est dire que l’Algérie a peine suffisamment de gaz pour répondre à ses propres besoins. Avec « les réserves prouvées restantes actuellement et l’augmentation de la consommation intérieure, la compagnie nationale Sonatrach devra réduire ses exportations à compter de 2025 pour ne plus exporter à partir de 2030 », avait fait savoir à ce sujet l’ex-ministre de l’Energie, Abdelmadjid Attar.

 

 

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