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mardi, avril 23, 2024

Révélations. La face cachée de Tosyali Algérie, le soi-disant « meilleur exportateur algérien »

Le 27 juin 2022, le trophée de la meilleure entreprise algérienne exportatrice hors hydrocarbures pour l’année 2021 a été remporté par la société Tosyali Algérie, spécialisée dans la fabrication de fer et d’acier. Ce trophée avait  été décerné par le World Trade Center Algiers (WTCA) qui a organisé la cérémonie de remise des prix de cette 19e édition à Alger en présence du conseiller du president de la République chargé des affaires économiques, Yacine Ould Moussa, du ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, et de plusieurs chefs d’entreprises et responsables de différentes organismes.

Le directeur général de Tosyali Algérie, Ibrahim Elciboga, avait indiqué à l’issue de la cérémonie que la société qu’il dirige ambitionne d’atteindre un volume d’exportation de 1,4 million de tonnes en 2022, avec un chiffre d’affaires à l’export de 1,2 milliard de dollars, ajoutant que les mots d’ordre chez Tosyali Algérie sont : « globalisation, investissement et durabilité » dans le but d’augmenter les exportations et l’intégration. Les autorités algériennes présentent l’histoire de Tosyali en Algérie comme un véritable conte de fées. Or, dans la réalité, cette success story algérienne n’a rien d’algérien et elle cache des vérités amères que le régime algérien veut à tout prix étouffer. Explications.

Tosyali Algérie est la filiale d’un groupe turc appelé Tosyalı Holding qui figure aujourd’hui parmi les géants mondiaux du secteur du fer et de l’acier avec ses 25 installations de production sur 3 continents différents et dont les activités ont commencé à se développer depuis 1952. Tosyali s’est installé officiellement en Algérie depuis 2007 et il a commencé sa production en 2013. Aujourd’hui, il emploie 4000 travailleurs, mais les managers et encadreurs de l’entreprise sont tous turcs. Le savoir-faire algérien est totalement absent à Tosyali Algérie.

Par ailleurs, le régime algérien cache la vérité à ses concitoyens concernant les financements ayant permis la réalisation des investissements du groupe turc Tosyali Iron & Steel en Algérie. Au départ, le complexe sidérurgique implanté à Bethia dans la wilaya d’Oran devait être réalisé dans le cadre l’investissement direct étranger (IDE). Et ce projet avait été lancée en septembre 2011 après sa validation par le Conseil National de l’Investissement (CNI) dont le président était l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal.

Les termes initiaux négociés lors la conclusion de ce projet expliquait que l’investisseur turc s’était engagé à apporter un autofinancement partiel à hauteur de 30% sur un total de 750 millions d’euros nécessaires à la réalisation du complexe sidérurgique et le reste devait être financé dans le cadre d’un financement bancaire. Cependant, l’autofinancement consenti par l’investisseur étranger et validé par les membres du CNI n’était guère conforme aux engagements pris initialement par l’investisseur. Le montant de l’investissement a été sciemment surestimé et l’investisseur turc n’a pas eu à débourser le moindre sou à l’exception d’un apport négligeable et n’a jamais apporter son autofinancement de 30%. C’est avec l’argent d’une grosse banque étatique algérienne, à savoir la Banque Extérieur d’Algérie (BEA), qui avait permis réalisation d’un investissement initial de 500 millions de dollars.

C’est aussi avec de l’argent public algérien que l’investisseur turc a pu ainsi s’offrir un complexe comptant trois laminoirs de rond à béton, un laminoir de fil machine et une unité dédiée aux tubes en spirale.  Depuis décembre 2021, Tosyali Algérie jouit aussi d’une unité de fabrication de l’acier plein est en voie de construction pou délai de 30 mois (livraison prévue en juin 2024) qui a nécessité un investissement de 1.5 milliards de dollars USD. La plus grosse partie de ce financement a été apportée auparavant par les banques étatiques algériennes, et à leur tête la BEA.  En clair, la réussite de Tosyali en Algérie s’explique d’abord et avant-tout par la générosité exceptionnelle des banques publiques algériennes. Un investissement étranger avec de l’argent algérien, un cas inédit et extrêmement rare dans le monde entier où, d’habitude, c’est l’investisseur étranger qui injecte des liquidités dans le pays où il cherche à se développer.

En plus de bénéficier de l’argent public algérien, le turc Tosyali a bénéficié de plusieurs autres largesses qui ont été passées sous silence par les autorités algériennes pour que l’opinion publique ne soit pas consciente de la réalité des activités du premier exportateur algérien « hors hydrocarbures ».

En effet, cet « exportateur » érigé en modèle exemplaire est aussi un importateur net qui coûte beaucoup de devises au Trésor Public de notre pays. Entre février et mars 2021, Tosyali a importé des centaines de milliers de tonnes de minera de fer par semaine et les navires contenant sa matière première payée en devises sonnantes et trébuchantes défilaient régulièrement au Port d’Oran et de Ghazaouat. Des navires transportant régulièrement en moyenne 25 mille tonnes de minerai de fer importé depuis l’étranger.

Selon nos investigations, au cours du premier semestre de 2021, Tosyali Algérie importait jusqu’à 500 mille tonnes de minerai de fer par mois provoquant ainsi une facture d’importation évaluée à près de 120 millions de dollars USD. Tosyali transforme le minerai de fer importé en rond à béton et le fil machine, un produit long semi-fini de section circulaire présenté en bobines, pour l’équivalent de 20 millions de dollars USD par mois à travers des quantités estimées en moyenne à 30 mille tonnes.

En 2019, Tosyali Algérie avait exporté 131.000 tonnes de rond à béton vers différents pays, dont 75.000 tonnes de rond à béton aux USA et 50.000 tonnes du même produit vers le Canada et 3.000 tonnes de tubes en acier pour la Belgique, à partir des ports d’Oran et de Mostaganem. Mais avec une telle cadence, l’Algérie était perdante dans le projet Tosyali puisque ses importations ont coûté des sommes en devises beaucoup plus considérables que les revenus tirés de ses exportations.

Avec des exportations de 30 jusqu’à 40 mille tonnes par mois, Tosyali Algérie n’était pas « rentable » pour l’Algérie qui lui avait accordé de nombreux avantages fiscaux et financiers sans oublier cette facture des importations onéreuses. Pour équilibrer tous les comptes, Tosyali Algérie doit pouvoir exporter par mois au de-là de 150 mille tonnes, voire 200 tonnes de produits d’acier.

Anticipant les critiques sévères, Tosyali Algérie a promis d’atteindre ce volume des exportations, mais il n’a fixé aucun agenda précis pour concrétiser cet objectif. Depuis le deuxième semestre 2021, le groupe turc s’est lancé dans l’amélioration de son taux d’intégration pour réduire ses importations qui coûtent cher à l’Algérie.

Le groupe turc a commencé ainsi par enrichir la teneur de notre acier. « Il faut savoir que, auparavant, nous importions des matières premières (dont le minerai de fer), qui rentrent à prés de 75% dans la composante de l’acier. Ce qui nous coutait énormément. Afin de réduire notre facture liée à l’importation, nous avions décidé de recourir à l’achat des matières premières composant 58% de notre acier, donc moins chères, et ensuite les enrichir pour atteindre les 75%. Pour cela, une unité a été mise en place et a permis d’augmenter notre production pour avoisiner les 4 millions de tonne par ans, dont 3 millions de tonnes de rond à béton, 600 000 de tonnes de fil machine et 250 000 tonnes de tubes spirales (pipelines) », avait reconnu fin mai 2022 dans une déclaration Brahim Elciboga, le DG de Tosyali Algérie. Cet aveu en dit long sur les véritables dessous du business de Tosyali Algérie. Un business très coûteux en devises pour notre Trésor Public et qui ne rapporte pas encore des revenus pouvant justifier la moindre satisfaction vis-à-vis des activités industrielles de cet investisseur turc en Algérie.

 

 

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