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jeudi, mars 28, 2024

Révélations. Boualem Boualem, l’homme qui murmure à l’oreille de Tebboune

Il est totalement méconnu. Il n’y a presque aucune photo de lui. Une discrétion absolue qui lui permet aujourd’hui de devenir la nouvelle figure du pouvoir de l’ombre en Algérie. Mieux encore, Boualem Boualem est devenu la nouvelle « boite noire du régime ». C’est « l’oreille secrète » du Président Abdelmadjid Tebboune. Jouissant de la confiance absolue du Chef de l’Etat, Boualem Boualem est devenu depuis le début de l’année 2020 un très influent décideur tissant les nouvelles intrigues du Palais d’El-Mouradia. Aujourd’hui, il alimente une énorme controverse et son influence jugée « malsaine » sur le Palais présidentiel d’El-Mouradia est au coeur d’une énorme enquête diligentée secrètement par la Direction Centrale de la Sécurité de l’Armée (DCSA), a appris Algérie Part au cours de ses investigations. 

Boualem Boualem est nommé au Palais Présidentiel d’El-Mouradia par décret présidentiel du 20 janvier 2020. Boualem Boualem a été nommé conseiller auprès du président de la République, chargé des affaires juridiques et judiciaires. Un poste qui lui permet de se réunir régulièrement avec Abdelmadjd Tebboune. Cette proximité se renforcera de jour en jour au point où Boualem Boualem est devenu le conseiller le plus proche d’Abdelmadjid Tebboune.

Et pour cause, ses rapports très détaillés, ses réflexions approfondies et sa connaissance de la machine judiciaire ont apporté un atout précieux à un Tebboune affaibli au début de l’année 2020 par la perte de son « parrain », celui qui lui avait permis de devenir réellement Président  de la République le 12 décembre 2019, à savoir le défunt Ahmed Gaid Salah, ex-puissant patron de l’institution militaire algérienne.

Face à ses « adversaires » au sein du sérail et notamment  des services de sécurité comme un certain Wassini Bouazza, l’ex-patron du renseignement intérieur, et d’autres généraux qui lui étaient entièrement hostiles pendant la campagne électorale des élections présidentielles, Tebboune va beaucoup s’appuyer sur un cercle fermé de conseillers. Un cercle très restreint composé essentiellement de l’ancien directeur de l’Académie militaire interarmes de Cherchell, Abdelaziz Medjahed, et de « notre ami » Boualem Boualem.

Il faut dire que ce dernier n’est pas uniquement un ordinaire juriste qui était conseiller à la Cour suprême comme le croient de nombreux observateurs à Alger. Durant les années Bouteflika, Boualem Boualem avait dirigé secrètement le fameux organe national de prévention et de lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication (TIC) créé le 8 octobre 2015.

Boualem Boualem était le directeur général de cet organe stratégique et ô combien sensible. Cet organe est chargé de  la surveillance préventive et de la veille électronique qui comprend un service de surveillance électronique ; un service de suivi, d’analyse et de coopération. Il dispose également d’un centre des opérations techniques et les antennes régionales sont rattachés à la direction. C’est l’organe qui surveille les télécommunications  et le réseau internet. Cet organe est doté aussi d’un service de suivi, d’analyse et de coopération, comprend un bureau de collecte et de centralisation de l’exploitation des informations ; un bureau de prévention et de suivi ; un bureau de communication et de coopération.

Mais le plus important est… dans les écoutes téléphoniques ! En effet, cet organe national de prévention et de lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication (TIC) est doté d’un bureau des systèmes de surveillance téléphonique et un bureau des systèmes de géolocalisation et un autre bureau dédié à la surveillance des communications satellitaires. En clair, il est équipé d’un centre d’écoute hyper-moderne et dont les composantes ont été acquises par l’Algérie auprès de plusieurs puissances étrangères depuis 2014 jusqu’à 2016.

Boualem Boualem était à la tête de cet organe très sensible lorsqu’il était placé sous l’égide du ministère de la Justice pendant les années Bouteflika. Ce poste confia à Boualem Boualem une énorme influence au sein du sérail. Said Bouteflika le contactait régulièrement pour lui demander de mettre sous écoute de nombreux hauts responsables du pays. Pis encore, Boualem Boualem se rendait régulièrement à El-Mouradia pour rencontrer Said Bouteflika et d’autres caciques du clan présidentiel pour leur présenter des comptes rendus sur des « missions de surveillance » menées dans le plus grands des secrets.

Très proche du clan présidentiel des Bouteflika, Boualem Boualem, va, pourtant, survivre à la décapitation du régime Bouteflika par l’Etat-Major de l’ANP sous le règne d’Ahmed Gaid Salah. Comment est-ce possible ? Comme un certain Mohamed Rougab, l’ex-secrétaire particulier d’Abdelaziz Bouteflika, Boualem Boualem a senti le vent tourner et a fait le choix de collaborer activement, et secrètement, dés l’avènement des premiers troubles politiques au début de l’année 2019 avec le clan Gaid Salah en leur fournissant des informations confidentielles sur les mouvements et conciliabules de Said Bouteflika. Des informations recoupées grâce… aux équipements de l’organe national de prévention et de lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication (TIC).

En juin 2019, le ministère de la Défense nationale récupère cet organe sensible grâce au décret présidentiel n° 19-172 du 3 Chaoual 1440 correspondant au 6 juin 2019.

Classé établissement public à caractère administratif, organe présidé par Boualem Boualem a été placé sous l’autorité du ministère de la Défense nationale et son nouveau fonctionnement a été organisé autour d’un conseil d’orientation et une direction générale. Le conseil d’orientation est composé des représentants des ministères de la défense nationale, de l’Intérieur, de la justice et des télécommunications, et est présidé par le ministre de la défense nationale, à l’époque Ahmed Gaid Salah, ou son représentant. Ce conseil a été chargé de délibérer sur la stratégie nationale de prévention et de lutte contre les infractions liées aux TIC, et sur les questions de développement et de coopération avec les institutions et organismes nationaux concernés par les infractions liées aux TIC.

L’organe sera essentiellement géré par le fameux général-major Abdelkader Lachkhem, l’un des poids lourd du régime Gaid Salah. Boualem Boualem a entretenu un rapport très cordial avec le patron du département des transmissions  du ministère de la Défense Nationale. Mieux encore, Boualem Boualem a bénéficié de la confiance du Général d’Armée, Ben Ali Ben Ali, le patron de la Garde Républicaine, l’homme qui avait pactisé à la dernière minute avec Ahmed Gaid Salah pour déloger les Bouteflika.

Fort de ce soutien, Boualem Boualem survivra à la purge menée à l’encontre du clan Bouteflika. Il occupera même un nouveau rôle puisqu’il assistera le clan Gaid Salah sur les questions juridiques et de nombreux dossiers liés .. aux télécommunications et surveillance de l’internet. Nommé Conseiller à la Cour Suprême, Boualem Boualem continuera de graviter autour du pouvoir jusqu’à l’arrivée de Tebboune au Palais Présidentiel d’El-Mouradia.

Tebboune s’intéresse au profil de Boualem Boualem après avoir entendu parler de « son travail exceptionnel » à la tête de l’organe national de prévention et de lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication. A ce sujet, plusieurs versions circulent sur le commencement de cette proximité entre Boualem Boualem et Abdelmadjid Tebboune. Au cours de nos investigations, nous avons pu confirmer que c’est Mohamed Rougab qui avait recommandé Boualem Boualem à Tebboune. Comme Rougab, l’épouse de Boualem Boualem est originaire de Laghouat. Les épouses de Rougab et Boualem Boualem étaient très proches de la famille Bouteflika et les deux dames se rendaient très régulièrement chez Hadja El-Mansouria, la maman d’Abdelaziz Bouteflika. Les épouses de Rougab et Boualem Boualem s’étaient donc liées d’amitié depuis plusieurs années.

Tebboune fait confiance aux recommandations de Rougab, l’un de ses soutiens les plus fidèles lors de la campagne électorale du 12 décembre 2019, et fait de Boualem Boualem l’un de ses plus proches collaborateurs. Entre janvier et avril derniers, Boualem Boualem fait un énorme progrès et devient le seul conseiller qui peut murmurer à l’oreille de Tebboune.

Maintien de Belkacem Zeghmati à la tête du ministère de la Justice, composition du gouvernement, fonctionnement de la commission Laraba pour l’élaboration de la nouvelle Constitution, proposition de nouvelles lois pour durcir le code pénal contre les expressions des activistes du Hirak sur internet, libération de certaines figures du Hirak et négociations dans les  coulisses avec des mouvements politiques ou personnalités nationales, bref, nous retrouvons Boualem Boualem sur tous les fronts alors qu’au départ, il devait uniquement assister Tebboune sur les questions juridiques.

Mieux encore, Boualem Boualem est présent dans presque toutes les visites de terrain et déplacements de Tebboune et le conseiller se distingue amplement lors de la préparation des travaux des  réunions du haut conseil de la sécurité qui regroupent les responsables les plus importants des institutions sécuritaires du pays.

Boualem Boualem prend ainsi une nouvelle dimension et nous rappelle un certain Mohamed Megueddem, l’ancien Directeur de l’information à la Présidence de la République, décédé en février 2018 à Nice en France en emportant avec lui tous ses secrets. Directeur de l’Information sous Chadli Bendjedid et chargé de mission à la Présidence entre 2004 et 2014, Mohamed Megueddem avait une influence qui dépassait de très loin ses attributions officielles. Au point que nombre de ministres, de diplomates, de walis, de hauts fonctionnaires lui sont redevables de leurs postes. « Il a fait et défait des carrières ». Comme aujourd’hui un certain Boualem Boualem, Mohamed Megueddem était devenu de son vivant la « boite noire » du régime algérien. Si cet homme avait parlé avant sa mort, les Algériens et Algériennes auraient pu comprendre de nombreux épisodes sombres de l’histoire contemporaine de leur pays.

Reste à savoir enfin si la carrière de Boualem Boualem sera aussi riche et prestigieuse que celle de Mohamed Megueddem car aujourd’hui il fait grincer des dents et une enquête a été secrètement diligentée à son encontre. Nous reviendrons sur les dessous de cette enquête dans notre prochaine deuxième partie consacrée au nouveau maître des intrigues du Palais d’El-Mouradia, Boualem Boualem.

 

 

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