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vendredi, septembre 29, 2023

Révélations. Affaire du « complot contre l’Etat et l’autorité de l’armée » : le rôle troublant du général Tartag

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C’est certainement l’affaire la plus sombre de l’histoire contemporaine de l’Algérie. L’arrestation et puis la condamnation à la prison ferme de Said Bouteflika, le général Toufik et le général Bachir Tartag, est un dossier qui n’a toujours pas livré ses secrets. Accusés de « complot contre l’Etat et l’autorité de l’armée », ces trois anciens puissants hauts responsables du pays ont été condamnés le 26 septembre dernier à 15 ans de prison ferme par le tribunal militaire de Blida. Or, le procès fut expéditive et de nombreuses interrogations demeurent sans réponse. A titre d’exemple, le rôle controversé du général Bachir Tartag, le coordinateur des services secrets auprès de la Présidence de la République n’a pas été encore éclairci jusqu’à aujourd’hui. 

Algérie Part a obtenu même des informations troublantes sur les agissements de Bachir Tartag. Officiellement, ce dernier n’a jamais assisté à la réunion tenue entre Said Bouteflika et le général Toufik, l’emblématique ex-patron du DRS, à Dar El-Affia, une prestigieuse villa appartenant officiellement aux services secrets algériens et placée sous l’égide de la Présidence de la République. Selon nos informations confirmées par plusieurs sources sûres au cours de nos investigations, Said Bouteflika avait demandé au général Toufik la permission d’inviter à cette réunion Bachir Tartag. Or, le général Toufik a opposé un refus catégorique affirmant qu’il ne voit pas « l’utilité de sa présence ».  En réalité, les deux hommes, le général Toufik et Bachir Tartag, ne s’appréciaient guère.

Et le général Toufik a clairement fait savoir à Said Bouteflik qu’il ne faisait pas confiance à Bachir Tartag. Surnommé la « chignole » au sein du DRS pour sa légendaire brutalité, Bachir Tartag n’a jamais été le grand ami du général Toufik. Ce dernier avait décidé dés le début des années 2000 de sanctionner Bachir Tartag après l’arrestation musclée d’une personnalité et son interrogatoire forcé par Bachir Tartag. Cette personnalité était très proche de l’entourage d’Abdelaziz Bouteflika. Et l’ancien Président de la République avait contacté le général Toufik pour lui exprimer sa colère. L’ex-patron du DRS décide de sévir et de sanctionner Bachir Tartag qui avait été mis à la touche jusqu’à 2011 où il reprendra ses fonctions au sein de la direction de la sécurité intérieure jusqu’à devenir numéro 2 du DRS. En juillet 2014, le général Toufik le limoge une nouvelle fois à la suite de l’échec du renseignement algérien dans l’affaire de l’attaque terroriste de Tiguentourine en janvier 2013.

Fin mars 2019, les tensions sont restées intactes entre les deux hommes. Or, Bachir Tartag ne va pas manquer de tenter de « doubler » le général Toufik. Avant le début de la fameuse réunion du 27 mars à Dar El-Affia, Tartag ordonne discrètement à ses « agents » de placer des micros pour enregistrer toutes les conversations de Said Bouteflika et du général Toufik. Comme par hasard, c’est sur la base de ces enregistrements que le général Toufik et Said Bouteflika seront interpellés, interrogés à la caserne Antar de Ben Aknoun, célèbre centre opérationnel des services secrets algériens, et puis placés en détention à la prison militaire de Blida.

Mais, comme par hasard aussi, les micros placés par les agents de Tartag ne vont enregistrer que les discussions entre Said Bouteflika et le général Toufik. Pourtant, durant cette même journée du 27 mars, l’après-midi, Louisa Hanoune rejoindra Said Bouteflika et le général Toufik pour poursuivre les discussions sur une sortie de crise dans laquelle patine l’Algérie depuis le 22 février. Et aucun enregistrement n’a été fourni par les services de Tartag pour relater les pourparlers tenus en présence de Louisa Hanoune. Au Procureur de la République près du tribunal militaire de Blida, des agents des services de la DSS, dirigée par Bachir Tartag de 2015 jusqu’au jour de sa démission le 5 avril dernier, diront que le matériel des écoutes déployé à Dar El-Affia n’était pas performant pour enregistrer toute une journée de conversations !

Une réponse loufoque et peu convaincante. Et pourtant, la justice militaire ne va trop s’attarder sur ce point. Elle ne s’attardera pas non plus sur les autres zones d’ombre du rôle de Tartag dans cette affaire troublante de « complot contre l’autorité de l’Etat ». Au cours de ses interrogatoires à la caserne Antar,  Bachir Tartag accusera le général Toufik d’avoir orchestré les manifestations du Hirak populaire enclenché le 22 février dernier. Il ira jusqu’à confier aux enquêteurs qu’il voulait placer le général en résidence surveillée pour l’empêcher de saboter les élections d’avril 2019. Tartag est affirmatif : le général Toufik avait mené une série de conciliabules pour organiser le hirak populaire à travers ses anciens réseaux.

Tartag racontera également au cours de ses interrogatoires qu’il avait pris l’initiative d’avertir le haut commandement militaire de l’ANP contre le « complot que tramait Said Bouteflika et le général Toufik ». Juste après la réunion du 27 mars, Bachir Tartag contactera le général de corps d’armée Benali Benali, l’ex-chef de la 5e région militaire et premier responsable de la Garde républicaine, le corps responsable de la sécurité du Président de la République. Tartag dévoilera tous les détails du plan de Said Bouteflika et du général Toufik à Benali Benali et lui demande de mettre en garde le chef d’Etat-Major de l’ANP, Ahmed Gaid Salah.

Bachir Tartag avait donc collaboré contre « Said Bouteflika et le général Toufik ». Pourquoi l’inculper et l’envoyer à la prison militaire de Blida ? Le mystère demeure entier et suscite jusqu’à aujourd’hui de sérieuses interrogations. Le 23 et 24 septembre dernier, Bachir Tartag avait refusé de quitter sa cellule pour se présenter au procès tenu au tribunal militaire de Blida. Ses avocats ne prononceront aucun mot lors de ce procès. Une attitude encore très étrange et totalement incompréhensible. Tartag ne détient-il pas certaines vérités que le haut commandement militaire de l’ANP veut absolument faire taire ?

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