C’est le dernier virage. Il ne reste, théoriquement, pas beaucoup de temps avant d’entamer les échéances électorales pour les élections présidentielles de 2019. Mais la scène politique algérienne est divisée en deux camps : une partie qui réclame haut et fort le report des élections, une deuxième qui revendique leur maintien et la continuité avec un 5e mandat pour le président Abdelaziz Bouteflika.
Jusqu’à l’heure où nous mettons en ligne cet article, aucune décision officielle n’a été prise. Du moins aucune annonce n’a été encore faite pour trancher définitivement sur cette question. Toutefois, avec un tel suspense, les deux camps font campagne jusqu’au bout. Les partisans du report comme Abderrazek Makri du MSP et Amar Ghoul du TAJ, deux partis islamistes très controversés en raison de leur parcours chaotique par le passé, font beaucoup de bruit. Ils font parler d’eux et défendent bec et ongles leur projet, à savoir un report des élections présidentielles au nom de « la stabilité du pays » qui serait menacée à cause de l’absence d’un « consensus national » sur les enjeux de ces élections présidentielles.
Les arguments des partis du report étonnent, intriguent et inquiètent même les Algériens. A quoi sert donc la Constitution si pour le moindre doute, des politiques appellent à la réviser pour repousser une cruciale échéance électorale ? La polémique autour des véritables intentions des partisans du report n’a jamais cessé d’enfler.
L’absence du « consensus national » et les menaces qui pèsent sur la stabilité du pays ne semblent guère convaincre les observateurs les plus avertis. Et pour cause, jusqu’à aujourd’hui, Abdelaziz Bouteflika a toujours fait l’unanimité au sein de l’Alliance Présidentielle, cet ensemble de partis politiques habituellement voués corps et âme à la cause du président Bouteflika. Le Président Bouteflika jouit même d’une véritable légitimité aux yeux de plusieurs autres partis importants de la scène politique qui ne font pas partie de cette Alliance Présidentielle à l’image du parti de Louisa Hanoune. Même l’opposition la plus ferme comme le RCD et le FFS reconnaît à Abdelaziz Bouteflika une stature et une aura politique. Où est donc ce consensus qui manque cruellement au sommet de l’Etat ? Les partisans du report, sans le dire en toute franchise, font référence à une crise de succession concernant la personnalité qui doit remplacer Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Etat.
Cependant, quel est l’élément rationnellement établi qui démontre l’existence d’une crise de succession au sein du régime algérien ? Abdelaziz Bouteflika est, certes, malade. Mais est-il pour autant totalement absent des commandes du pays ? L’absence chronique du Chef de l’Etat alimente depuis 2014 des spéculations, des théories funestes et une fantasmagorie qui n’ont jamais été prouvées scientifiquement. On s’appuie sur des images, des rumeurs et des vidéos des apparitions d’Abdelaziz Bouteflika pour annoncer « une fin de règne ». Or, les véritables connaisseurs de l’Algérie, savent pertinemment que la première caractéristique du système, et sa force à la fois, est son opacité.
Tout est caché, calculé et la vérité est soigneusement dissimulée. Oui, la santé d’Abdelaziz Bouteflika est un élément crucial. Mais rien, absolument rien, ne permet d’affirmer qu’il ne dispose pas des forces mentales pour poursuivre son « règne ». Les matières grises ne manquent pas dans son cercle pour mettre en place une stratégie qui lui permettra de surmonter l’obstacle de l’état de santé pour briguer un 5e mandat. C’est pour toutes ces raisons que le report risque de s’avérer enfin comme un simple ballon-sonde lâché dans la nature en pleines joutes électorales pour brouiller les pistes. Quoi qu’il en soit, le choix devra se faire dans les jours, voire les heures à venir. Et ce choix engagera définitivement l’avenir de l’Algérie.