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mercredi, avril 24, 2024

Pourquoi l’Algérie ne doit absolument pas perdre la guerre des gazoducs

Chute des revenus en devises en provenance des exportations des hydrocarbures,  chute de la production, paralysie de plusieurs projets stratégiques, l’année 2020 fut totalement catastrophique pour l’Algérie concernant son secteur de l’énergie. Aujourd’hui, elle doit relever un nouveau défi : la guerre des gazoducs qu’elle ne doit surtout pas perdre pour ne pas aggraver ses pertes financières et son déclassement en tant que puissance énergétiques méditerranéennes et africaines. Explications. 

Depuis le 15 décembre dernier, une information capitale est passée quasiment inaperçue en Algérie. Et pourtant, elle risque de marquer un tournant majeur dans le futur de l’économie des hydrocarbures en Afrique et en Méditerranée.  Des experts de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont recommandé, le 10 décembre, la fusion du projet de gazoduc Maroc – Nigeria (Nigeria-Morocco Gas Pipeline en anglais, NMGP) et le Projet d’extension du réseau de gazoduc de l’Afrique de l’Ouest (West African Gas Pipeline Expansion Project en anglais, Wagpep). Cette recommandation a été faite au terme d’une rencontre des acteurs du secteur énergétique tenue les 9 et 10 décembre à Ouagadougou, au Burkina Faso, d’après un communiqué publié par l’institution sous-régionale.

Ces acteurs ont recommandé de poursuivre les discussions avec les promoteurs du projet NMGP en vue de la conclusion d’un mémorandum d’entente devant permettre d’aboutir à l’étude détaillée d’un projet unique de gazoduc en Afrique de l’Ouest. A la fin de leurs travaux, les participants ont demandé à ce que les études à conduire pour le projet de Gazoduc incluent l’analyse de faisabilité pour la fusion des deux projets en un projet unique et que les résultats soient présentés aux Etats membres en vue d’une décision finale.

Cette information est une véritable avancée pour le méga-projet du gazoduc Maroc – Nigeria, long de 5 660 km, qui permettre de distribuer le gaz nigérian aux pays d’Afrique de l’Ouest et au Maroc, jusqu’en Europe, en couvrant 16 pays africains. Il est mis en oeuvre par l’Office marocain des hydrocarbures et des mines (Onhym) et la Compagnie pétrolière nationale du Nigeria (Nigerian National Petroleum Corporation en anglais, NNPC).

Présenté comme étant un projet « à caractère stratégique et structurant » qui constitue « la pierre angulaire de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest et un catalyseur du développement socio-économique de tous les pays de la région », Ce méga-projet est le fer de lance de la diplomatie marocaine en Afrique et menace directement les intérêts, voire l’existence même du fameux projet algérien du Trans-Saharan Gas Pipeline (TSGP) qui est encore à l’étude de faisabilité et la promotion. Ce méga-projet date des années 80 et il n’a jamais, malheureusement, avancé. L’accord concrétisant la mise en œuvre du gazoduc trans-saharien n’a été signé que le 3 juillet 2009 par les gouvernements du Niger, du Nigeria et de l’Algérie.

Il devait être financé par des institutions comme la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque mondiale, la Société financière internationale (SFI) et autres sponsors comme d’éventuels acheteurs et producteurs comme le géant russe Gazprom qui avait manifesté son intérêt pour ce projet en 2010.  En juillet 2016, à l’occasion du 27e sommet ordinaire de l’Union africaine, le Nigéria réaffirme sa volonté d’engager le lancement du gazoduc trans-saharien, prévus d’être détenu à 90% par Sonatrach et la NNPC, et à 10% par la Compagnie nationale du pétrole du Niger.

Or, excepté des annonces, rien de concret n’a été décidé à cause notamment de l’instabilité régulière de l’Algérie dans le secteur de l’énergie depuis le départ de Chakib Khelil fin mai 2010. Les multiples scandales de corruption ayant ébranlé Sonatrach de 2011 jusqu’à 2016 ont totalement provoqué le gel pur et simple de ce méga-projet stratégique. Et pourtant, les enjeux sont tout simplement énormes. Avec ses deux précédents gazoducs qui sont Medgaz et Galsi, ce méga-projet de TSGP devait permettre à l’Algérie de devenir un hub gazier incontournable dans toute la Méditerranée. Et pour cause, le TSGP devait réaliser le rêver de l’Algérie de se doter d’un projet d’interconnexion gazière euro-africain. Ainsi, avec ses importantes réserves jumelées à celles du Nigeria, l’Algérie aurait pu conquérir le marché européen et s’imposer comme le fournisseur privilégiée d’une Europe cherchant désespérément à s’émanciper de de l’emprise russe, la Russie fournit 36% du gaz importé par l’Europe, devant la Norvège (23%), les autres fournisseurs de GNL (10%) et l’Algérie (7%).

Le Nigéria dispose des premières réserves prouvées d’Afrique. Le pays est le 3e producteur de gaz du continent, derrière l’Algérie et l’Égypte (le 17e au niveau mondial), avec une production de 49,3 milliards de m3 en 2019 selon le BP Statistical Review of World Energy. Soulignons par ailleurs que le Nigéria est le 6e exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL). L’alliance de l’Algérie avec le Nigeria autour du TSGP aurait pu créer un véritable géant mondial du gaz naturel qui brasserait des milliards de dollars dans les exportations vers l’Europe et lui permettra de détrôner la Russie.

En plus, le TSGP aurait pu contribuer à compenser les pertes algériennes et son recul sur le marché gazier international en raison de l’augmentation de sa consommation locale qui  pèse de plus en plus sur la stratégie énergétique de notre pays : en 2018, l’Algérie a consommé 42,7 milliards de m3 de gaz (soit 46% de la production annuelle du pays) et environ 414 000 barils/jour de pétrole (soit 28% de la production annuelle). Et cette consommation intérieure augmente chaque année de 7 jusqu’à 10 %. Ce qui réduit d’une année à une autre les quantités du gaz naturel à exporter vers l’étranger.

Le TSGP aurait pu fournir à l’Algérie la magnifique opportunité d’exploiter indirectement une autre source de gaz naturel pour renforcer les exportations vers l’Europe. Un partenariat vraiment gagnant-gagnant pour les deux pays africains.

En 2019, en fin de mission l’ambassadeur d’Algérie au Nigéria a rendu une visite d’adieu au président Nigérian, ce dernier a évoqué le projet et exprimé son souhait de voir aboutir ce projet et a appeler à une coopération accrue entre les deux pays dans le domaine énergétique « Dieu a doté le Nigeria et l’Algérie de ressources naturelles, en particulier de gaz et de pétrole et les deux pays n’ont d’autre choix que de coopérer  » ensemble, a déclaré Muhammadu Buhari. Le président Nigérian a dit « attendre avec intérêt » la mise en place par les deux pays de projets de gazoducs, de fibre optique et de routes transatlantiques. Malheureusement, encore une fois, l’Algérie n’a pas sauté sur l’occasion pour rattraper le retard et concrétiser ses projets en raison de son instabilité interne provoquée par le 5e mandat de Bouteflika et les bouleversements créés par le Hirak du 22 février 2019.

Le Maroc a profité de cette conjoncture pour séduire le Nigeria et ravir la place de l’Algérie avec son méga-projet Nigeria – Morocco Gas Pipeline en anglais, NMGP. Les marocains ont accéléré et ont confié à Penspen, entreprise spécialisée dans les services d’ingénierie à l’industrie du pétrole et du gaz, pour réaliser l’étude de faisabilité de ce gazoduc de près de 5 700 km. Dés  janvier 2019, Penspen a précisé que dans le cadre des études d’ingénierie préliminaires, il est question de mener plusieurs tâches, notamment : une étude sur l’offre et la demande de gaz au Nigeria – qui possède les plus importantes réserves prouvées de gaz naturel du continent -, la conception du système du gazoduc, l’étude d’impact environnemental et social du projet. Penspen assistera également le Nigeria et le Maroc dans la promotion du projet auprès de potentiels actionnaires.

L’achèvement de ces différentes tâches permettra de passer à la seconde phase du FEED en vue d’arriver à une décision finale d’investissement, explique l’entreprise britannique. La deuxième phase du projet consistera à signer des protocoles d’accord avec les Etats traversés en Afrique de l’Ouest, valider les volumes à destination de l’Europe par les compagnies installées au Nigeria, discuter avec les clients européens potentiels, entre autres.

Les marocains avancent, les Algériens reculent perdant ainsi la main sur l’immense gaz naturel du continent africain qui nourrit les convoitises de toutes les grandes puissances. Plus que le pétrole, le gaz naturel sera l’enjeu majeur du monde demain .En 2018, la consommation de gaz naturel dans le monde (3 850 milliards de mètres cubes – bcm) a augmenté de 4,7% sur 2017, en continuité de l’accélération constatée l’année précédente. En 2017, la demande avait augmenté de 3,5%. L’Algérie est en train de passer à côté d’une immense opportunité qu’elle ne manquera pas de regretter amèrement si elle perd cette guerre des gazoducs.

 

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6 تعليقات

  1. Vive le président Tebboune Nous voulons l’autodétermination du peuple sahraoui . Le Maroc peut faire ce qu’il veut , mais le Nigeria ne peut rien faire sans l’accord de notre grande armée hérité de 4 millions de chouhadas . Non a la normalisation avec l’état sioniste. Il ne faut penser qu’à une chose : Se préparer à l’attaque . Vive notre Algérie continent, vive l’ANP et comme a dit notre chef Chengriha : Nous sommes les plus fort .

  2. Si vous arrivez a determiner qui est le financier, le protecteur et qui donneur d’ordres a Boko Haram, le groupe terroriste au Nigeria et maintenant au Mali, Niger, Burkina, c’est quoi Total au congo, Mozambique et au golf du Nigeria, en quoi consiste l’establishement francais et le maitre des esclaves du Maroc qui est juste pour le droit de passage du Tube metalique et vous avez quelques pieces d’un puzzle de criminels qui essayent de coloniser les musulmans en Afrique l’a ou passe le tube et l’interdictions du Hidjab en france avec la loi scelerate de separatisme de la Bretagne et la Loire atlantique du Bouche du Rhone et les Alpes d’Italie.

  3. Bonjour Si Abdou,
    Je suis un lecteur assidu d’Algérie Part et je suis vos vidéos (Comme beaucoup de marocains) quand le temps le permet.

    J’ai un grand respect pour ceux qui aiment et défendent leurs pays, même s’ils sont des adversaires. Mais, franchement, je ne peux pas avoir le même respect pour ceux qui tiennent un double langage soit pour provoquer, soit pour plaire à l’une ou à l’autre des catégories de lecteurs.

    Je voudrais préciser que les experts des 14 pays de la CEDEAO + la Mauritanie et le Maroc ne sont pas n’importe quels experts, mais des experts appartenant à des organismes officiels de ces pays et, partant, ils représentaient et engageaient officiellement leurs pays à la dernière rencontre d’Ouagadougou.

    Il faudra aussi préciser que ces représentants/experts ont validé l’étude de faisabilité technico-économique du NMGP élaborée conjointement par le Nigéria et le Maroc. La recommandation de ces experts d’entamer les études d’avant-projet de ce gazoduc indique que l’étude de faisabilité précitée est parfaitement concluante, ce qui les a incités à recommander aussi l’étude de faisabilité concernant l’intégration du gazoduc existant WAGPEP dans le grand projet NMGP.
    Cette dernière étude sera nécessairement concluante et constituera seulement une formalité pour déterminer la part que chaque partenaire doit payer pour intégrer le WAGPEP dans le NMGP.

    Il ne faut pas perdre de vue, aussi, que ce grand projet ne concernera pas seulement les champs gaziers du Nigéria, mais il intégrera naturellement et nécessairement l’immense champ gazier découvert récemment au large du Sénégal et de la Mauritanie.

    Dans votre article vous pensez que le MNGP constitue une menace pour le TSGP. Moi, je pense que non ; ces deux ouvrages seront complémentaires. Le MNGP alimentera les 14 pays de la CDAO + La Mauritanie et le Maroc ainsi que l’Espagne et le Portugal ; le TSGP alimentera le Niger la Tunisie (L’Algérie ayant son propre gaz sera un pays de transit) ainsi que l’Italie et une multitude de pays de son voisinage.

    En tant que Maghrébin, je pousse les choses beaucoup plus loin, mais positivement. Puisque ces deux projets sont complémentaires, pourquoi ne pas imaginer un Groupement constitué des 14 pays de la CDEAO, des cinq pays du Grand Maghreb + le Niger pour faire de ces deux projets un seul projet grandiose dans l’intérêt des peuples de cette région de l’Afrique ? Jetez un regard sur la carte des gazoducs Asie/Europe et vous constaterez une vraie toile d’araignée qui couvre un grand nombre de pays dont certains n’ont rien de commun avec les autres ni politiquement, ni économiquement, ni encore sur le plan humain, ethnique et religieux.

    Les projets de cette envergure ne peuvent être entrepris par deux ou trois pays comme c’est le cas pour le TSGP. Le Nigéria l’a bien compris et a donné la priorité pour le NMGP. Imaginez un peu ce que peuvent faire les 20 pays de cette zone de l’Afrique en unifiant leurs synergies et en mettant de coté tout ce qui divise.

    Certains pensent, en se basant de façon très simpliste sur les valeurs absolues, que le NMGP long de 5 660 km sera plus cher que le TSGP long de 4 128 km. Comme il n’y a d’absolu qu’Allah le Tout-Puissant, ramenons le problème à l’échelle relative humaine :

    – Le NMGP concernera une population de 438 millions d’habitants et le TSGP concernera une population de 274 millions d’habitants.
    – La longueur du NMGP est de 5 660 km tandis que celle du TSGP est de 4128.
    – Le coût du NMGP sera de 27 milliards US$ en 2024, tandis que le coût du TSGP sera de 20 milliards US$ à la même date.

    Il s’ensuit alors :

    – Pour le NMGP : La longueur nécessaire du pipeline par million d’habitants et de 13 km et donc un coût par million d’habitant de 62 millions US$.
    – Pour le TSGP : La longueur nécessaire du pipeline par million d’habitants et de 15 km et donc un coût par million d’habitant de 73 millions US$.

    Ceci veut tout simplement dire que la tranche d’un million d’habitants du TSGP s’endettera de 11 millions US$ de plus que la tranche d’un million d’habitants du NMGP pour réaliser le tronçon qui lui revient.

    Sur le plan sécuritaire, il est plus facile pour les 16 pays du NMGP de surveiller, chacun en MOYENNE, un tronçon de 354 km que les trois pays du TSGP qui doivent surveiller, chacun d’eux, un tronçon de 1376 km.

    Je ne termine pas sans vous faire un reproche de taille. Dans cet article vous traitez, en termes de business, le Maroc de profiteur de bonnes occasions, de séducteur et de ravisseur. Ça, je vous l’accorde et c’est de bonne guerre en termes d’affaires. Dans votre vidéo vous avez traité le Maroc de voleur ! Qu’Allah le Très-Haut vous pardonne. Est-ce que le Maroc devait prier l’Algérie pour bouger pour qu’il puisse bouger à son tour ?! Non, le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt comme disent ceux qui considèrent que Time is money.