Les groupes privés appartenant aux milliardaires algériens déchus et emprisonnés en 2019 ont été confiés depuis la fin de décembre 2020 à des nouveaux administrateurs judiciaires qui sont censés assurer la pérennité des activités des dites sociétés et de leur permettre de préserver les postes d’emploi et d’honorer leurs engagements envers les tiers. Ceci dit, la nomination de ces nouveaux administrateurs est au coeur d’une vive polémique dans les milieux économiques en Algérie. Et pour cause, tous ces nouveaux managers sont issus du secteur public industriel. Ce sont des anciens cadres dirigeants d’entreprises étatiques embourbées dans la mauvaise gestion et les bilans déficitaires.
En effet, la plupart de ces nouveaux administrateurs judiciaires sont issus du groupe étatique Imetal. Kamel Kaïd Kasbah qui a été désigné pour manager Global Groupe de la famille Larbaoui, propriétaire de l’usine de montage et assemblage des véhicules neufs KIA Algérie à Batna, a fait sa carrière au sein du Groupe IMETAL Spa, une entreprise étatique spécialisée dans le secteur de la production sidérurgique et de sa transformation, qui n’est pas du tout réputée pour sa bonne gestion et ses performances remarquables. C’est, d’ailleurs, ce groupe étatique qui gère le fameux complexe sidérurgique d’El Hadjar. En 2019, ce complexe qui était naguère la fierté de l’industrie lourde algérienne a présenté en 2019 un bilan négatif et déficitaire de… 1 400 milliards de centimes.
Lamine Sedrati qui a été désigné pour présider aux destinées du groupe GM Trade appartenant au milliardaire déchu Ahmed Mazouz, condamné à 4 ans de prison ferme par la Cour d’Alger le 28 janvier 2021, est lui aussi un ancien cadre dirigeant du groupe IMETAL. Moncef Feraguena, le manager qui a été proposé pour chapeauter le groupe KouGC des frères Kouninef est un ancien cadre SIDER EL HADJAR, Complexe Sidérurgique d’El-Hadjar, filiale du groupe IMETAL.
Le groupe SOVAC des frères Oulmi, propriétaires de l’usine de montage des véhicules Volkswagen à Relizane, a été confié à un ancien cadre dirigeant du groupe Divindus, Nacer Chareb. Divindus est spécialisé dans la Production, BTP et Hydraulique, la Distribution Et les Services. Aucune des 14 filiales de ce groupe étatique n’a pu se distinguer par des performances financières louables.
Le groupe privé Amenhyd appartenant aux frères Chelghoum incarcérés depuis fin août 2019 pour leur implication dans plusieurs affaires de corruption, a été confié à Karim Hasni, l’ex-directeur général de l’Office national de l’assainissement et ancien cadre dirigeant de l’Agence nationale de l’eau potable et industrielle de l’assainissement (AGAP). Un pur administrateur qui n’est guère spécialisé dans le management des marchés et projets industriels du développement du secteur hydraulique dans lequel active le groupe Amenhyd.
Force est de constater que depuis leur arrivée à la tête des groupes privés naguère prospères sous l’ère Bouteflika, ces nouveaux administrateurs judiciaires n’ont résolu aucun problème et plusieurs fournisseurs ou prestataires privés n’ont pas été payés. Les créances s’accumulent et les marchés ou opportunités de business se raréfient.
Des employés sont régulièrement privés de salaires et leur avenir est incertain. Il faut savoir que l’ensemble des groupes privés dont les patrons ont été déchus, emprisonnés et poursuivis en justice sont à l’origine de plus de 100 mille emplois directs et indirects. Les anciens administrateurs judiciaires nommés en 2019 ont aggravé les problèmes de gestion de ces entreprises privées au lieu de les solutionner et de convaincre les autorités de lever les blocages empêchant leurs activités.
Ces nouveaux administrateurs nommés depuis la fin de décembre 2020 n’ont pas le profil des managers compétents et capables d’insuffler une dynamique qui peut préserver ces entreprises dans un contexte de crise financière inédite. Au lieu d’identifier de véritables solutions pour préserver les emplois et relancer l’activité industrielle, l’Etat algérien abandonne ses groupes privés à des « liquidateurs » déguisés qui vont laisser derrière eux désolation et faillite. Un véritable gâchis.