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mercredi, avril 24, 2024

Persécutions Religieuses en Algérie, Faut-il Séparer La Religion du Politique ?

L’US Commission on International Religious Freedom (USCIRF) est une commission indépendante et bipartite du gouvernement fédéral américain, dédiée à la défense du droit universel à la liberté de religion ou de conviction à l’étranger. Cet organisme examine les faits et les circonstances des violations de la liberté de religion et fait des recommandations politiques au président, au secrétaire d’État et au Congrès.

Principale voix de la liberté religieuse internationale, le rapport annuel de l’USCIRF est utilisé par les États-Unis et par de nombreux gouvernements pour comprendre, pays par pays, le statut de la liberté de religion dans le monde.

Récemment, l’USCIRF a introduit l’Algérie dans son rapport annuel 2020 et a demandé à l’inscrire sur la liste de surveillance spéciale des pays qui violent la liberté religieuse dans le monde.

C’est la première fois, en 20 ans d’histoire de l’USCIRF, que l’Algérie est incluse dans le rapport annuel. Une évolution importante qui survient à un moment où des chrétiens algériens sont confrontés à une vive vague de persécution.

« Le gouvernement [algérien], rapporte l’USCIRF, « a systématiquement réprimé la communauté évangélique protestante ».

Matias Perttula, directeur du plaidoyer de l’organisation International Christian Concern, a déclaré :

« Je félicite l’USCIRF pour sa position ferme au nom des persécutés en Algérie. Il envoie un message fort au gouvernement algérien que son mépris systématique de la liberté religieuse est inacceptable. J’exhorte le nouveau président algérien, M. Abdelmadjid Tebboune, à écouter ce message et à mettre en place de solides protections pour les minorités religieuses de son pays. Il doit rouvrir les églises qui ont été fermées et veiller à ce que les personnes de toutes confessions aient une voie viable à suivre pour une pleine reconnaissance juridique. »

Les autorités algériennes avaient procédé à la mise sous scellés de plusieurs églises, principalement les églises protestantes de Kabylie depuis le mois d’octobre 2019.

Une réaction surprenante du gouvernement algérien qui avait pourtant ratifié la déclaration universelle des droits de l’homme qui dans son article 18 dispose que : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. »

Alors le pouvoir ne respecterait-il pas la « liberté de conscience », reconnue également par la Constitution algérienne ?

Il faut savoir que l’ordonnance algérienne de 2006 reconnaît le droit de se convertir à une autre religion, mais elle pénalise le prosélytisme, de nombreux membres de l’Église protestante d’Algérie également été traduits en justice pour prosélytisme…

La question de la régularité – ou de la régularisation – de ces églises évangéliques issues d’une branche du protestantisme, est régie par cette ordonnance qui fixe les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulmans.

Elle stipule par exemple que les associations religieuses non musulmanes doivent bénéficier de l’agrément de la commission nationale des cultes – rattachée au ministère des Affaires religieuses. Or selon nos informations, cette commission, qui aurait dû être mise en place en 2007, ne s’est pas réunie plus de trois fois…

Les autorités algériennes, de leur côté, se défendent de toute tracasseries administratives ou persécution contre les chrétiens, et rappellent l’exemple de musulmans jugés pour quête illégale de fonds alors qu’ils ne disposaient d’aucune autorisation pour le faire. Pour eux il ne s’agit que d’un problème lié à l’absence d’agréments.

En revanche, le « délit de chrétienté » a tout de même été à un moment instrumentalisé par le pouvoir politique, faisant dire à Bouabdellah Gholamallah, le ministre des Affaires religieuses de l’époque, qu’il suspectait les évangélistes de chercher à « constituer une minorité (de chrétiens) en vue d’immixtions étrangères » dans les affaires intérieures de l’Algérie ! Cette vieille rengaine de la main étrangère…

Le 16 octobre 2019, le Pasteur Salah CHALLA, Président de l’Eglise protestante d’Algérie s’était exprimé dans un communiqué dénonçant la fermeture d’une douzaine d’églises sans décision de justice, déplore l’attitude négative des autorités à l’égard des chrétiens, qui ne demandent rien d’autre que le droit de vivre paisiblement leur foi, dans la dignité.

Certes adhérer à une religion, c’est traditionnellement s’inscrire dans une lignée croyante et en transmettre l’enseignement tout en en assurant la continuité. Celle-ci ne peut pourtant échapper à l’évolution des peuples qui aujourd’hui aspirent à la modernité et à plus de démocratie.

C’est cette crise de transmission entre traditions et rationalisme, véritable point de crispation confessionnelle de l’ensemble du monde musulman, qui est à l’origine des convulsions obscurantiste et d’une tentative de normaliser la libre expression d’une foi religieuse, qui faut-il le rapporter, est d’abord une démarche spirituelle et donc personnelle.

Rappelons que le monde arabo-musulman, actuellement à la traîne du monde moderne, avait connu sa gloire à partir du VIIIe siècle, quand des hommes éclairés avaient montré le bien-fondé de la tolérance, de l’ouverture d’esprit, d’un effort d’interprétation des textes coraniques et de la pensée musulmane, élevant la rationalité au rang d’exigence à la fois philosophique mais aussi culturelle, éthique et politique…

En Algérie, l’islam, religion d’État au titre de l’article 2 de la Constitution, est mobilisé comme source essentielle de légitimité politique. Dans ce contexte, le phénomène des conversions croissantes au protestantisme évangélique se heurte à de sérieuses crispations de la part des autorités.

Cette crispation cultuelle des algériens trouverait-elle son essence dans un enseignement religieux alimenté, essentiellement dans la mémoire collective, par des mythes symbolico-religieux liés à l’histoire et aux croisades du moyen-âge ?

Ou cette violente intolérance religieuse serait-elle plutôt le fruit d’une manipulation erronée de la religion, à l’image du concept  »badissia novembariya » entre tradition et nationalisme rattachés à la révolution de Novembre 1954 et aux préceptes d’Ibn Badis, et dont a usé le régime depuis son essence, au point susciter des tragédies dont les groupes armés de la décennie noire, se réclamant de l’islamisme politique, a constitué le point paroxystique ?

A tous ces questionnements, Le Saint Coran avait apporté de précieuses réponses, parmi elles : nulle contrainte en religion !

Voilà là un véritable débat, assurément complexe mais fondamental, et dans lequel l’Algérie n’a pas voulu se lancer, à l’heure de la révision de la constitution et du choix d’un projet de société et de la question de la place du religieux dans la République. C’était là un des chemins de la sagesse…

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