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jeudi, avril 18, 2024

« L’offense au Chef de l’Etat », une disposition désuète qui mène à la prison de nombreux Algériens

Depuis le début de cette année 2020, plusieurs manifestants, militants ou simples internautes ont été arrêtés et jetés en prison parce qu’ils ont été jugés coupables d' »atteinte et d’offense au Chef de l’Etat ». Or, force est de constater que cette disposition juridique est dépassée dans le monde moderne et la plupart des pays développés ont tout bonnement abandonné ce délit désuet. 

En France, le délit d’offense au chef de l’État a disparu du Code pénal il y a six ans. En 2008, le délit d’offense au Président de la République avait alors été retenu contre un homme qui avait brandi face au Président français Nicolas Sarkozy une affiche avec l’inscription « Casse toi pov’con » et le condamnait à une amende de 45 000 Euros.

Mais, la Cour Européenne des droits de l’Homme est revenue sur cette décision estimant que l’affiche en cause relevait plutôt de l’« impertinence satirique », constituait « une critique de nature politique » et que la condamnation relevait donc de « l’atteinte à la liberté d’expression ». Après cette affaire,  dés le 19 Novembre 2008, en France, une proposition de loi pour l’abrogation du délit d’offense au Président de la République « transposition dans le droit républicain du crime de lèse-majesté de l’ancien régime » a été déposée par un certain sénateur Jean Luc Mélenchon. Finalement le 15 mai 2013, les députés français adoptent à l’unanimité des membres de la commission des lois un amendement abrogeant « le délit d’offense au Président de la République ».

En 2001, la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris avait déjà déclaré ce délit contraire à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme défendant le droit à la liberté d’expression, constatant par conséquent sa désuétude, et déboutant les chefs d’État Idriss Déby, Denis Sassou-Nguesso et Omar Bongo, à l’occasion de la sortie du livre Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique. Les trois dictateurs africains avaient intenté procès contre l’auteur de cet ouvrage pour « offense à chef d’Etat ». Le procès s’était conclu le 25 avril 2001 par une relaxe.

 

Dans la tradition judiciaire anglo-saxonne,  la liberté d’expression est « sacralisée » et il n’y a jamais eu place dans les législations pour une quelconque « offense au chef de l’Etat ».

Si la Common Law britannique inclut des dispositions dites « libel laws », « lois contre la diffamation », elles visent « l’offense » à autrui et n’accorde aucun traitement particulier au Chef de l’Etat.  Et pour que la Common Law reconnaisse le délit d’offense ou de diffamation, il faut non seulement que la fausseté de ce qui a été dit (ou écrit) soit vérifiée mais qu’en plus l’intention malfaisante (malice, en anglais) soit établie. C’est dans cet esprit que les Lois sur l’Information (Freedom of Information Act) des Etats Unis et des autres pays anglo-saxons opèrent dans les tribunaux.

En Algérie, pour parler du président de la République, il faut réfléchir à deux fois, tourner sept fois ses doigts au-dessus de son clavier, bien choisir ses mots et faire une autocensure. Sinon, c’est la prison qui vous attend ! Cette incrimination est une atteinte au droit des citoyens de s’exprimer clairement et librement.

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