Alarmant et inquiétant, l’Algérie a des capacités très faibles pour mobiliser ses ressources humaines pour la production de biens et de services. Et c’est le précieux indicateurs du taux de l’emploi dans la population qui le démontrent clairement. Cela signifie que le potentiel productif de l’Algérie est de plus en plus faible alors que le pays est dangereusement dépendant de ses importations à l’étranger pour se nourrir, s’habiller et fonctionner. Avec la fin proche des réserves de change et la chute brutale des recettes des exportations du pétrole et du gaz, l’Algérie risque de se retrouver dans une situation très compromettante à cause de cette faiblesse chronique. Explications.
En Algérie, on utilise un indicateur principal pour calculer le chômage : il s’agit du taux de chômage au sens du Bureau international du travail calculé par l’Office National des Statistiques (ONS), un organisme officiel et étatique placé sous la tutelle du ministère des Finances. Cependant, il s’avère que cet indicateur est insuffisant pour cerner réellement les réalités de l’emploi ou du marché du travail dans un pays. Il existe un indicateur beaucoup plus pertinent qui est le taux d’emploi.
Selon André Zylberberg, économiste français, spécialiste du marché du travail et directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le plus grand organisme public français de recherche scientifique, le taux d’emploi dans la population « donne une bonne indication du potentiel productif d’un pays, puisqu’il mesure les capacités humaines mobilisées pour la production de biens et services » alors que « le taux de chômage est plus un indicateur du déséquilibre du marché du travail. Il faut le considérer comme complémentaire du taux d’emploi », explique cet expert international.
Le taux d’emploi exprime la capacité des structures productives à mobiliser les ressources en main d’oeuvre. De nombreux économistes sont unanimes à reconnaitre que « l’élévation du taux d’emploi accroît la production de richesse par habitant et favorise l’inclusion sociale des populations ». En termes plus clairs, le taux d’emploi est la proportion de personnes disposant d’un emploi parmi celles en âge de travailler. C’est pour cette raison qu’il reflète la capacité d’une économie à utiliser ses ressources en main-d’œuvre. ll peut être calculé sur l’ensemble de la population d’un pays, mais on se limite le plus souvent à la population en âge de travailler (personnes âgées de 15 à 64 ans). Le taux de chômage mesure le rapport entre le nombre de chômeurs et le nombre d’individus dans la population active.
En Algérie, le taux d’emploi dans la population algérienne est d’à peine 36,9 % depuis 2017, confirme le rapport de la Banque Afrique de Développement (BAD) dans son rapport spécial consacré aux perspectives économiques de l’année 2020 en s’appuyant sur les données récoltées et recueillies par le Bureau International de Travail (BIT).
Il faut savoir que l’Algérie se distingue dans toute la région de l’Afrique du Nord par le taux d’emploi le plus faible au sein de la population. L’Egypte dispose d’un taux d’emploi de 39,7 %, le Maroc a également un taux d’emploi supérieur à l’Algérie avec 43,9 % et la Tunisie malgré ses crises économiques et politiques internes successives a réalisé un taux d’emploi de 39,9 %. Même la Mauritanie, le pays le plus pauvre et sous-développé de l’Afrique du Nord, a un taux d’emploi dans de la population de 39,3 % et fait ainsi beaucoup mieux que l’Algérie. Notre pays a donc un déficit de taux d’emploi important par rapport aux autres pays de la région, un déficit qui peut atteindre environ 8 points avec le voisin marocain !
C’est anormal et inquiétant car cela démontre que l’Algérie est en train d’accumuler du retard économique notamment en matière de création d’emplois dans les secteurs productifs de biens et de services. Les scores de l’Algérie en matière de taux d’emploi démontrent également que le pays s’enferme dans sa culture rentière et sa main-d’oeuvre est de moins en moins productive privant ainsi le pays de ses capacités de satisfaire ses besoins les plus élémentaires dans tous les secteurs.
Le taux d’emploi démontre enfin qu’un énorme fossé sépare l’Algérie des pays développés où la part de leur population ayant un emploi est deux fois supérieure, voire trois fois, à la moyenne algérienne. En Suède, le taux d’emploi est de 83,3%, en Allemagne il dépasse les 80,2%. Dans les pays développés, selon les chiffres de l’OCDE publiés pour le second trimestre 2017, le taux d’emploi s’élevait à 67,5% en moyenne dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui est une organisation internationale d’études économiques, dont les 37 pays membres — des pays développés pour la plupart — ont en commun un système de gouvernement démocratique et une économie de marché. L’écart qui sépare l’Algérie de ces pays développés en matière d’emploi illustre parfaitement en dernier lieu son sous-développement maladif.