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samedi, avril 20, 2024

Les dessous de la plainte de MSC contre l’Algérie, qui menace l’avenir de centaines d’employés !

Créé par la convention de Washington du 18 mars 1965 et institué en 1966, le Centre International pour le Règlement des Différends relatif aux Investissements (CIRDI) est la principale institution au monde, faisant partie du Groupe de la Banque mondiale, dédiée au règlement des différends relatifs aux investissements internationaux, opposant un investisseur à un État dans la plupart des traités internationaux d’investissement ainsi que dans de nombreuses lois sur l’investissement et de nombreux contrats d’investissements.

Comme déjà annoncé, la première affaire enregistrée par le CIRDI en cette nouvelle année 2020 concerne l’Algérie !

En effet le 09 Janvier 2020, la compagnie maritime Mediterranean Shipping Company (MSC) avait officiellement déposé plainte contre l’Etat algérien, par le biais de United Agencies, holding suisse de la compagnie maritime, au motif que le Ministère des finances algériens avait bloqué le transfert des dividendes de sa filiale MSC Algeria, qui détient la Sarl Maghrébine Transport Auxiliaire (MTA).

Jamel Rida Ladjabi, qui avait été le Directeur Général de MSC Algérie, est l’associé Gérant de MTA, société touchée par la décision du Président Tebboune ordonnant en juin dernier, la fermeture immédiate des ports secs non autorisés, et de faire obligation à ceux autorisés à se doter de scanners, pour faciliter le contrôle par les douanes et renforcer les mesures de sécurité.

Une décision qui est tombée au moment ou des centaines de travailleurs de la filiale MTA établie à Oran, Alger, Bejaia et Annaba, déploraient la mauvaise gestion des responsables et leurs droits non acquis depuis de nombreuses années.

En effet, l’ex Société Nationale de Transit et de Magasinage (SONATMAG), cédée au géant suisse MSC en 2006, n’a, selon les salariés mêmes de la compagnie, pas pu améliorer la situation des travailleurs contrairement, aux promesses données par les différents responsables de MSC Algérie ou MTA  qui s’y sont succédés et qui auraient eu manifestement d’autres intérêts, à l’image de l’actuel Ministre des Transports Lazhar Hani qui est représentant de plusieurs entreprises étrangères de transport maritimes et qui a été un temps à la tête de MSC Algérie, ou comme Jamel Rida Ladjabi également qui avait été l’ex-Directeur Général de MSC Algérie et qui représentait la filiale de la société émirati Sharaf Shipping Agency, en Algérie…

Les choses ne pouvaient alors que se dégrader, et se sont même accéléré avec la récente décision du Président Tebboune, ayant aidé les responsables de MTA à décider d’une opération de départ volontaire pour… plus de 300 employés !

Ces derniers se sont opposés à cette décision, et ont appelé les hauts responsables du secteur à opter pour le retour de la SONATMAG, pour pouvoir ainsi sauvegarder les postes d’emploi et gérer les conteneurs par les compétences locales comme l’avait suggéré le chef de l’Etat.

En parallèle, un mouvement de grève avait été entamé au niveau des différents sites de la société MTA, les employés avaient alors scandé haut et fort : « On veut la nationalisation de la MTA, et on réfute la gestion étrangère de la MSC via sa filiale MTA » ; « On demande la nationalisation de la société MTA » !

Un représentant des travailleurs grévistes dira en ce mois de Novembre 2020, « Comment se fait-il qu’une société qui enregistre encore des bénéfices annuels estimé à 800 milliards de centiles en moyenne, propose aux employés un départ volontaire ou un chômage ? »

Lire notre enquête très fouillée sur la compagnie MSC.

Pour avoir une idée des enjeux, Il est important de savoir que le coût du fret maritime en Algérie s’élevait à près de 12 milliards de dollars en 2011, pour environ 50 Milliards de dollars d’importations, dans un marché est dominé à 95% par les armateurs étrangers notamment CMA-CGM qui y détient 35%.

Une circulaire émise le 5 janvier 2010, avait restreint les conditions posées aux filiales des armateurs étrangers qui desservent les ports algériens et donnait à la douane le droit de s’opposer au transfert de fonds vers le pays d’origine de l’armateur.

Cette circulaire venait d’ailleurs compléter un arrêté interministériel du 15 février 1987 relatif au trafic maritime qui prévoyait que tout revenu provenant du fret et des frais d’immobilisation des équipements dû aux compagnies maritimes par les importateurs et reçu par l’agent de l’armateur au-delà de 90 jours après l’arrivée du navire, ne peut être transféré.

Cette décision a pris de court tous les armateurs étrangers (CMA CGM (France), MSC (Italie), Mediterranean Shipping Co (Hong Kong) et Arkas (Turquie), est a eu pour conséquence un contentieux portant sur le transfert de leurs recettes, évalué à un montant cumulé qui avoisine la somme de 500 millions de dollars américains !

Rappelons enfin que le 30 septembre 2019, l’Association Professionnelle des Banques et des Etablissements Financiers (ABEF) avait essayé de stopper l’hémorragie découlant de ces transferts de devises liée au transport maritime, et avait annoncé par courrier de nouvelles barrières aux importations prises par le Ministre algérien des finances, avant un surprenant rétropédalage le 25 Décembre dernier.

Une nouvelle instruction est venue baliser les conditions d’application des mesures relatives aux importations, recommandant un recours, en priorité, à l’armement national et l’utilisation de l’incoterm FOB : ”les opérateurs algériens doivent privilégier le recours au pavillon national et donner la priorité à l’armement national.”, ”Les opérateurs sont invités à adopter en priorité l’incoterm FOB chaque fois qu’un tel choix est possible. Dans le cas où la facture présente à la domiciliation est en C.F (coût et fret), elle doit alors être détaillée et décomposée en trois parties : la marchandise, le fret et l’assurance”.

Par ailleurs, la Banque d’Algérie avait en son temps contesté le paiement de la somme de 23 millions de dollars, équivalant au montant de la transaction de vente de MTA/Spa pour le compte de MSC GENÈVE.

Sur le PV de l’Assemblée Générale Extraordinaire ayant statué sur la vente de cette entreprise publique spécialisée dans les services Maritimes, il était clairement mentionné sur résolution que MSC devait, entre autres :

1 : débourser 23 millions de dollars au profit du trésor public.

2 : MSC se devait, dans les 5 ans qui suivent la vente (après 2006), d’investir 28 millions de dollars.

Or, selon nos informations, MSC n’a pas investi un dollar depuis qu’elle a acquis MTA. Le gros de ses investissements a été fait à partir de 2012 càd avec l’argent gagnée en Algérie.

Il nous parait clair que les cadres désignés par le Ministère des Finances pour défendre ce dossier devant le CIRDI avec le cabinet d’avocat choisi, vont mettre en avant cette 2ème résolution d’investissement (28 millions de dollars), ce qui, pour sûr, donnera raison à l’état Algérien qui finira par nationaliser cette entreprise vendue sous la table sans avoir déboursé un seul dollar…

Mais avions-nous réellement besoin de tant de mauvaise publicité, amplifiée par des dirigeants voraces ou incompétents, quand ils ne cumulent pas les deux ?

Les autorités du Pays devraient-ils raisonnablement garder ces hommes au sein de l’Etat alors que certains d’entre eux sont actuellement poursuivis en justice ? Assurément non ! Mais chez nous tout est possible tant qu’un véritable Etat de droit n’est pas instauré et qu’une véritable justice impartiale et indépendante n’est pas établie !

Pauvre Algérie…

Amir Youness

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