Activistes, militants, simples manifestants et plusieurs fonctionnaires sont en ce moment sous mandat de dépôt pour des affaires qui ne nécessitent nullement de telles procédures de détention.
Depuis la chute du clan présidentiel, tous ceux qui franchissent la porte des chambres d’accusation ne sortent que pour atterrir au pénitencier d’El Harrach. Les juges d’instruction et les procureurs de la république adoptent à chaque fois la même décision à l’encontre de toutes les personnes qui ont eu le malheur de comparaître devant eux dans des affaires de corruption et de dilapidation des deniers publics.
Le petit fonctionnaire est placé sur le même pied d’égalité avec l’oligarque puissant et milliardaire ou l’ex-ministre et haut responsable du régime Bouteflika. Un amalgame dangereux qui suscite aujourd’hui la colère des juristes et avocats algériens. Dans les pays qui se respectent, les services de sécurité sont censés mener des enquêtes pour identifier les véritables acteurs des opérations douteuses et seulement les vrais acteurs de ces scandales de corruption.
Mais chez-nous en Algérie, les services de sécurité décident au préalable qui est coupable et qui ne l’est pas. Comment un simple gendarme peut-il auditionner aussi rapidement et hâtivement un cadre d’Etat spécialisé en finances ou dans les marchés publics alors qu’il lui faut des notions très sérieuses de ces domaines complexes qui exigent un niveau élevé d’expertise.
Des expertises sur lesquelles doivent se baser tous les procureurs et tous ces juges qui établissent des constats d’inculpation dans les différents dossiers qui transitent par leurs bureaux sans même prendre le soin de recourir aux experts des secteurs sur lesquels les autorités judiciaires mènent en ce moment des enquêtes pour des faits de corruption.
Malgré ce manque flagrant d’expertise et de maîtrise des paramètres techniques des dossiers économiques, les magistrats se permettent sans aucune conscience d’incarcérer injustement de nombreuses personnes sans respecter le sacro-saint principe de la présomption d’innocence.
Force est, par ailleurs, de constater que les magistrats algériens manquent cruellement de charisme pour pouvoir contredire les directives qui leur parviennent d’en haut pour traiter les dossiers de corruption qui font l’actualité.
Des directives politiques en relation avec une volonté de satisfaire très rapidement le Hirak sans tenir compte de l’impératif de mener des investigations approfondies avant d’inculper les uns et de condamner à la prison les autres.
Encadrés par les services de sécurité dans le sillage d’un grand rassemblement organisé près du tribunal de Sidi M’hamed à Alger, quelques avocats n’ont pas raté l’occasion de laisser un petit mot sur le pare-brise de la voiture de l’un des juges d’instruction de ce tribunal par lequel passe tous les dossiers les plus lourds de la corruption et malversations financières du pays : « Si vous ne voulez pas vous libérez, libérez au moins les innocents et soyez digne de vos serments ».