Le PDG de Sonatrach et Forbes : les mensonges d’une opération de communication ratée

Depuis plus de 48 heures, la direction générale de Sonatrach a orchestré un grand plan de communication destiné à manipuler l’opinion publique algérienne en lui faisant croire que le PDG Toufik Hakkar est réellement considéré parmi les meilleurs décideurs du secteur de l’énergie en Afrique du Nord et Moyen-Orient (MENA). Ce plan de communication s’appuie sur un classement rendu public par l’édition MENA du célèbre magazine américain Forbes.

Forbes est effectivement un magazine économique américain fondé en 1917 qui dispose de plusieurs éditions internationales en Asie, Europe, MENA ou Afrique. Forbes est considéré comme une référence mondiale dans les classements des fortunes mondiales et des entreprises ou des personnalités les plus influentes dans le monde des affaires et des arcanes de l’économie mondiale.

Toufik Hakkar a été effectivement retenu dans un classement répertoriant les meilleurs dirigeants d’entreprises de la zone Afrique du Nord-Moyen-Orient. L’actuel PDG de Sonatrach s’est retrouvé au 5e rang du TOP CEOS de Forbes de 2021. Cependant, force est de constater que ce classement s’est appuyé sur des informations totalement erronées qui témoignent, malheureusement, de la méconnaissance de la situation économique algérienne dont fait preuve cette publication américaine.

Comme le montre cette image extraite de la présentation faite de ce classement sur le site internet de l’édition MENA de Forbes, il est affirmé que Toufik Hakkar est PDG de Sonatrach depuis septembre 2020. Une information totalement fausse et infondée puisque Toufik Hakkar dirige la Sonatrach depuis le 6 février 2020.

Plusieurs autres erreurs discréditent cette publication de Forbes. Il est dit, par exemple, que l’entreprise pétrolière publique algérienne a réalisé un chiffre d’affaires de 35 milliards de dollars et un bénéfice net de 2,5 milliards de dollars en 2019. Toufik Hakkar n’est aucunement responsable de ce bilan positif puisqu’il n’était pas aux commandes de la Sonatrach 2019. 3 PDG différents se sont succédés à la tête de la compagnie nationale des hydrocarbures au cours de 2019. D’abord, Abdelmoumen Ould Kaddour jusqu’au 23 avril 2019. Ensuite, c’est Rachid Hachichi qui a dirigé la Sonatrach jusqu’au 15 novembre 2019. C’est Kamel Eddine Chikhi qui lui succédera pour occuper ce poste jusqu’au 6 février 2020. Toufik Hakkar n’a donc aucun lien de près ou de loin avec le bilan plus au moins positif de Sonatrach en 2019 par rapport aux résultats catastrophiques de la compagnie nationale en 2020.

En revanche, Toufik Hakkar est responsable du bilan de 2020 où les revenus de Sonatrach ont reculé de plus de 10… milliards de dollars ! Si les rédacteurs de Forbes avaient pris les soins de bien se documenter sur la situation de Sonatrach, ils n’auraient jamais commis autant d’erreurs dignes d’un amateurisme de débutant dans le journalisme. Et s’il fallait récompenser un PDG de Sonatrach pour l’année 2019, Toufik Hakkar ne pourrait jamais être concerné puisqu’il n’était pas le premier dirigeant de l’entreprise.

Ces erreurs d’appréciation reflètent la méconnaissance de certains médias internationaux de la complexité de la situation en Algérie. Mais aux erreurs de Forbes, la direction générale de Sonatrach est venue rajouter une immense campagne de manipulation destinée à tromper l’opinion publique et le Palais Présidentiel d’El-Mouradia. Dans une publication interne à Sonatrach et diffusée auprès de tous les travailleurs du groupe, la direction de communication de Sonatrach affirme que Sonatrach a connu en 2020 une nette amélioration des exportations en termes de volume d’hydrocarbures. Une affirmation totalement mensongère qui vise à masquer l’effondrement des revenus de Sonatrach en 2020. Un effondrement de plus de… 10 milliards de dollars.

Il faut savoir que le volume global des exportations d’hydrocarbures de la Sonatrach a atteint 82,2 millions en tonnes équivalent pétrole (TEP) en 2020 pour une valeur de 20 milliards de dollars, soit des baisses respectives de 11% et de 40% par rapport à 2019, a confirmé une synthèse portant sur le bilan annuel des réalisations provisoires du secteur pour l’année 2020.

En comptabilisant les exportations hors hydrocarbures du secteur de l’énergie (pétrochimie et autres), la valeur des exportations du secteur atteindra au total 22 milliards de dollars en 2020, selon le même bilan. Mais si on comptabilise uniquement les exportations des hydrocarbures, la Sonatrach a exporté pour moins de 20 milliards de dollars en 2020. La plupart des indicateurs du secteur ont connu « une tendance baissière durant l’année 2020, en raison de l’impact de la pandémie du Covid-19 et des très mauvaises décisions ou management de Sonatrach ainsi que de ses diverses filiales. Arrêts de production, incidents à cause des défaillances de la maintenance, conflits avec des partenaires étrangers, désinvestissement  dans la production nationale, etc., Algérie Part avait expliqué au cours de ses nombreuses investigations toutes les raisons ayant mené à d’immenses pertes financières pour Sonatrach.

En dépit de cela, la direction générale de Sonatrach continue de mentir et de manipuler l’opinion publique. Elle continue d’utiliser les contre-vérités d’une publication internationale pour redorer son blason auprès des décideurs du pays en arrosant tous les médias algériens avec de la publicité directe et indirecte. Pourquoi un tel affolement médiatique ? Toufik Hakkar est sur un siège éjectable et son maintien aux commandes de la Sonatrach divise l’entourage du Président Abdelmadjid Tebboune qui pourrait le remplacer pour remédier au désastre financier dans le secteur des hydrocarbures.