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samedi, avril 20, 2024

L’armée, un modèle économique en Algérie ? Pourquoi les propos de Tebboune sont des purs mensonges

A peine installé, le Président Abdelmadjid Tebboune s’est distingué par une sortie médiatique entièrement ratée et indigne d’un Chef d’Etat doté d’un minimum de bon sens. En effectuant ce dimanche 22 décembre sa première sortie sur le terrain, Tebboune a procédé à l’inauguration de la foire de la production nationale qui se tient à la Safex d’Alger jusqu’au 28 décembre.

Et à cette occasion, Abdelmadjid Tebboune a visité en premier lieu le stand réservé aux industries militaires, sur lesquelles il n’a pas tari d’éloges allant jusqu’à les qualifier de « seule industrie mécanique en Algérie « , de « locomotive de l’industrie nationale ». Tebboune a invité tous les opérateurs économiques privés et publics en Algérie  à « s’inspirer en matière de taux d’intégration » ainsi que « du sérieux du secteur militaire dans le processus de redressement industriel ». Malheureusement, il s’avère que ces déclarations ne correspondent à aucune réalité vérifiée et palpable. Au contraire, les projets soi-disant industriels menés par l’armée algérienne n’ont aucun impact concret sur l’économie nationale.

Preuve en est, l’industrie mécanique militaire dont parle Tebboune n’a quasiment aucune existence. L’usine de fabrication de véhicules militaires de Bouchakif (Tiaret) est le plus important projet économique et industriel de l’armée algérienne. Or, sa capacité de production théorique est de seulement 6.000 véhicules de type Mercedes Sprinter et 2.000 véhicules 4×4 (classe G). Et dans la réalité, aucune étude n’a été dévoilée pour démontrer qu’effectivement cette usine détenue à hauteur de 51% par l’Algérie, par le biais de l’entreprise de développement de l’industrie automobile (EDIV) du MDN (34%) et de la SNVI (17%) et à 49% par le fonds émirati ABAR, avec le groupe allemand Daimler comme partenaire technologique, produit 6000 véhicules.

En vérité, cette usine qui fait la fierté l’armée algérienne fournit à peine quelques dizaines de véhicules par an à de nombreux institutions de l’Etat algérien.En mai 2018, l’usine SPA-SAFAV de Tiaret « a procédé lundi à la livraison de 409 véhicules multifonctions et tout-terrain, dans différentes versions : transport de troupes, girafes lumineuses, véhicules pour la police scientifique et d’intervention, transport d’écoliers et ambulances médicalisées et sanitaires, de marque Mercedes-Benz Classe G et Sprinter au profit de la Direction Centrale du Matériel relevant du Ministère la Défense Nationale, le Ministère de la Justice, la Direction Générale de la Sûreté Nationale, et d’autres structures nationales publiques et privées », avait annoncé à l’époque le ministère de la Défense Nationale dans un communiqué public.

Auparavant, le 3 février 2016, cette usine avait procédé à la livraison de 245 véhicules multifonctions dans ses diverses versions (transport de personnel, ambulances, girafe lumineuse) de marque Mercedes-Benz (B A 6) et (B A 9) Class (G) au profit de la Direction centrale du matériel relevant du  ministère de la Défense nationale. Excepté ces deux évènements, l’usine qui fait soi-disant la grandeur de l’armée algérienne n’a jamais dévoilé ses véritables capacités de production.

Et lorsque Tebboune prétend qu’on « ne peut pas dire qu’on a une industrie si elle n’est pas intégrée au minimum à 60% », il a parfaitement raison. Sauf qu’il omet de parler du véritable taux d’intégration de cette industrie militaire qu’il veut imposer comme « modèle ». Ni le partenaire allemand de l’usine de Tiaret ni les associés émiratis n’ont affirmé que le taux d’intégration de leur production a atteint les 60 % dans leurs bilans financiers.

Si les performances de la plus importante usine de montage des véhicules militaires sont faibles, que peut-on dire des autres usines gérées ou lancées par l’armée algérienne ? Jamais le gouvernement algérien n’a diligenté une enquête pour étudier réellement la portée et bilans des investissements industriels financés par l’armée algérienne. Officiellement, l’armée algérienne prend chaque année un budget qui dépasse les 12 milliards de dollars. En contrepartie, quelles sont les richesses qu’elle a créé dans le pays ? A-t-elle exporté des équipements à l’étranger pour ramener des devises dans les caisses de notre pays ? Nada, absolument rien. En tout cas, les rapports de la Banque d’Algérie ne font aucune mention d’une quelconque rentrées de devises provenant de l’activité industrielle militaire. En quoi donc l’armée est-elle le bon modèle économique aux yeux de Tebboune ?

Lorsqu’une institution consomme chaque année plus de 11 milliards de dollars pour ne rien fabriquer ou exporter ou gagner des bénéficies, peut-on l’ériger en modèle économique ? Certainement pas. Et il ne faut pas être un économiste pour répondre à cette question ou pour comprendre que les déclarations de Tebboune ne sont qu’un pur mensonge.

L’Algérie n’est pas le Pakistan qui dispose de pas moins de 120 têtes nucléaires et dont l’armée déploie un véritable tissu industriel pour réduire ses importations depuis l’étranger. Au Pakistan, la Heavy Industries Taxila (HIT) est la principale entreprise du complexe militaro-industriel pakistanais. Elle compte six principaux sites de productions, appuyés par leurs sous-traitants, et emploie plus de 6 500 personnes, dont environ 30 % appartiennent directement aux Forces armées pakistanaises. HIT dispose d’installations pour réviser, reconstruire et améliorer les chars d’assaut, les véhicules d’assistance blindés, les véhicules de transport de troupes et les autres véhicules blindés, qu’ils soient d’origine occidentale, russe ou chinoise. HIT a développé et fabrique depuis 2001 le char Al-Khalid.

L’Algérie n’est pas l’Ukraine qui s’est imposé récemment parmi les 10 pays industriels exportateurs d’armes dans le monde. L’Ukraine a multiplié par 3 ses exportations entre 2011 et 2012. En tant que Président de la République, Abdelmadjid Tebboune devra réviser son vocabulaire et arrêter de prendre ses fantasmes pour des vérités. Il est question de l’avenir de l’Algérie qu’il faut bâtir avec des modèles sérieux et efficaces.

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