5.9 C
Alger
samedi, avril 20, 2024

Gaz naturel : pourquoi l’Algérie est en train de perdre dangereusement sa puissance

Contrairement à ce qui est propagé par de nombreux dirigeants algériens lors de leurs diverses et maladroites sorties médiatiques, l’Algérie est en train de perdre de sa superbe sur le plan de la puissance gazière. Problèmes de production, renouvellement des réserves, mais aussi dépendance accrue vis-à-vis des contrats à long terme négociés à des prix peu lucratifs, l’Algérie est confrontée effectivement à de nombreux problèmes structurels qui réduisent dangereusement son leadership sur le marché mondial du gaz naturel. 

Il y a dix ans, l’Algérie exportait plus de 64 milliards de mètres cubes de gaz naturel. En 2014, seulement 45 milliards. Les capacités d’exportation de production nationale du gaz naturel sont loin des objectifs que se fixait le ministère de l’Énergie en 1999 : 85 milliards en 2010 et 100 milliards en 2015. Depuis 2020/201, les exportations algériennes du gaz naturel tournaient autour de 40 milliards de mètres cubes.

Par ailleurs, Alger a perdu ces dernières années sa deuxième place d’exportateur de GNL pour être ravalée à la septième, loin derrière des nouveaux venus comme le Qatar, l’Australie, le Nigéria, l’Indonésie et la Malaisie. Sur le marché européen, qui est son marché « naturel » en raison de sa proximité, le recul est tout aussi spectaculaire. La Russie et la Norvège la devancent largement et, en France même, Sonatrach – dont une filiale, la CAMEL, assura en 1964 la première exportation mondiale de GNL – n’a plus qu’une part de marché d’à peine 10 % depuis 2017/2018.

La stagnation de la production du gaz naturel en Algérie est due à un sous-investissement chronique, mais elle est aussi est aggravée par l’explosion de la consommation intérieure qui réduit le surplus exportable, lequel a cependant beaucoup de mal à s’exporter faute d’être compétitif.

L’Algérie souffre aussi d’une baisse drastique et inquiétante de l’investissement étranger dans le secteur des hydrocarbures.  Depuis 2005, les appels d’offres algériens ne font pas recette et moins d’une dizaine d’investisseurs internationaux y ont répondu. Avec l’effondrement des cours du brut et du gaz en 2014-2016, cette « deuxième » crise pèse encore plus lourd sur les équilibres financiers du pays.

C’est dans ce contexte que Bruxelles prend une initiative pour profite de cette faiblesse de l’Algérie afin de promouvoir ses intérêts énergétiques. Le 4 mai 2015, le nouveau
commissaire européen à l’énergie, le très controversé Miguel Arias Canete, un espagnol
de 65 ans, ancien ministre conservateur à Madrid, longtemps député européen, se rend
à Alger dans le cadre du « Dialogue énergétique de haut niveau entre l’Algérie et l’Union
européenne » et propose concrètement d’augmenter les exportations de gaz algérien
vers l’Union européenne. En échange, l’industrie gazière algérienne doit entamer une
véritable révolution en acceptant d’abord de renoncer à la formule des contrats de vente à long terme (jusqu’à 12 ans) qui lie le fournisseur de gaz à son client et oblige ce dernier à enlever la marchandise ou à la payer (clause take or pay) au profit de contrats à court
terme ou de vente au coup par coup.

Ensuite, Bruxelles a pressé Alger de renoncer à indexer le prix du gaz sur celui du pétrole brut et privilégier les prix de marché établis quotidiennement par les « hubs » du nord de l’Europe.

Il faut savoir que depuis la fin des années 1990, s’est en effet mis en place dans le nord de l’Europe un marché déréglementé du gaz naturel ou liquéfié qui repose sur les cours établis quotidiennement dans près d’une dizaine de salles de marché installées au débouché des gazoducs venant de la mer du Nord ou de Hollande ou des terminaux de GNL.

La Commission européenne travaille activement à généraliser ce modèle à l’ensemble de l’Union. Bruxelles a réclamé enfin à l’Algérie d’abandonner l’interdiction faite aux associés étrangers de Sonatrach de détenir plus de 49 % des parts des groupements qui prospectent le sous-sol algérien ou exploitent des gisements.

Dix jours après la signature d’un « arrangement administratif » entre les deux parties qui prévoit la mise en place d’un groupe d’experts « Gaz » chargé d’étudier dans le détail cet aggiornamento, le signataire algérien, Youcef Yousfi, ministre de l’Énergie depuis 2010, est brutalement et sans explication remercié. Depuis ses successeurs se réfugient dans un silence pesant qui cache mal les hésitations du fragile gouvernement d’Abdelkader Sellal, comme de celui de son successeur Ahmed Ouyahia, à sauter le pas.

« L’Algérie n’a pas donné suite aux activités prévues au deuxième semestre 2017, et notamment le forum d’affaires Algérie-UE sur les énergies renouvelables. L’UE a sollicité à plusieurs reprises le partenaire algérien, et reste en attente de la proposition algérienne pour un nouveau calendrier de mise en œuvre des initiatives déjà discutées et agréées » note la Commission européenne dans son rapport annuel sur l’Accord d’association Algérie-UE en mai 2018.

Plusieurs considérables expliquent pourquoi l’Algérie a refusé en vérité d’entériner définitivement ce deal avec Bruxelles.  Abandonner les contrats gaziers à long terme mettrait le pouvoir algérien en porte-à- faux vis-à-vis de la Russie, les deux pays défendant de concert depuis des années cette formule contre les critiques de l’Union européenne. Surtout, le « geste » de Bruxelles en direction de l’Algérie entre dans le cadre d’une offensive contre le gaz russe que les eurocrates considèrent comme une menace pour l’Europe et dont ils veulent réduire la part sur le marché européen au profit, entre autres, du gaz algérien. Difficile pour le gouvernement algérien de risquer de mécontenter Moscou qui est, par ailleurs, son principal fournisseur d’armes. Les dirigeants algériens sont très sourcilleux quant au maintien de bonnes relations entre les deux pays et un « lâchage » de Gazprom, la grande société gazière russe, provoquerait sans doute des tensions au sein du régime algérien.

L’Algérie est confrontée à un autre défi de taille : pour augmenter le surplus exportable de gaz, il faudrait réduire son utilisation en Algérie même. Les européens ont proposé aux autorités algériennes de remplacer le gaz destiné aux centrales électriques par des « énergies renouvelables » ou une plus grande « efficacité énergétique ». Mais ce sont là des pistes à long terme et, dans l’im- médiat, seule une hausse des prix de l’électricité, quasi-gelés depuis 2005, permettrait de freiner sa consommation, qui a triplé en douze ans, et par contrecoup celle du gaz naturel qui alimente à 92 % les centrales algériennes.

Depuis 2019, Sonatrach a renégocié ses contrats pluriannuels en les ramenant de 20, 25 ans jusqu’à 8 ans + 2 années optionnelles. Il s’agit des contrats avec les clients de l’Europe du Sud qui sont arrivés à échéance. Face à la difficulté de rentabiliser les gazoducs liant l’Algérie aux pays européens, la Sonatrach s’était lancé dans le développement de l’exportation de GNL par bateaux évite le tête-à-tête de la canalisation qui emprisonne. Sonatrach l’a déjà empruntée vers des marchés lointains en Turquie et même vers l’Asie où les cours sont beaucoup plus élevés et plus rémunérateurs. Mais là, se pose un problème de disponibilités, l’Algérie manque de méthaniers et les construire l’obligerait à des investissements considérables (un demi-milliard d’euros pièce) qui dépassent ses ressources actuelles. La Sonatrach dispose d’une filiale qui gère une flotte de 9 navires de transport de GPL d’une capacité comprise entre 7000 et 35 000 M3 dédiés à l’exportation et au cabotage national. Ces navires ont été acquis, pour la plupart, dans les années 1970. C’est dire que des investissements importants doivent être consentis par la Sonatrach si elle veut compter encore sur l’échiquier gazier mondial.

dernières nouvelles
Actualités

6 تعليقات

  1. Longue vie à Bouteflika et son ami de combat Boumedienne (Bou lmakhrouba) , les pères du pays , qui ont instauré les solides bases de l’Algérie continent, créé par la maudite France coloniale en 1962 .
    TEBBOUNE et CHENGRIHA ont pris le flambeau des 2 pères fondateur de L’ALGERIE .

  2. Dans les temps qui courent etre grand producteur de gaz ou de petrole est synonyme de troubles et de problemes . C’est tant mieux qu’on n’en produit pas beaucoup a l’heure actuelle . La situation geopolitique mondiale change et tres vite . Vaux mieux rester invisible le temp que ca se calme et qu’on sache de quoi le conflit en Europe va accoucher . On as de quoi nous satisfaire et exporter un peu , c’est ca le plus important .

  3. l’Europe s’est piégé seule et est dépendante du Gaz russe à 40 %.
    Impossible de remplacer le gaz russe avec « tes » Qatar » « Nigéria », « USA » et « khouroutou »
    Le Qatar est au maximum et a aussi des contrats à respecter
    Les contrats à long termes sont certes moins rémunérateurs que les prix SPOT mais il s’est avéré depuis 2014 que le marché est très volatile et la concurrence rude.
    Avec des contrats long terme Sonatrach rentabilise ses investissements sur une longe période tout en assurant une rentabilité appréciable
    Maintenant la règle de 51/49 est trop restrictifs et la législation changeante décourage les investisseurs qui ont besoin d’un environnement législatif stable
    C’est maintenant ou jamais de sauter le pas et de penser à l’après pétrole et Gaz…
    L’Europe a besoin de notre Gaz, nous on a besoin d’investissements , de savoir faire et de transfert de technologie pour développer une énergie abondante que possède notre pays-continent : le soleil…les énergies renouvelables, l’Hydrogène par vaporeformage ( à partir du Gaz naturel) , et l’Hydrogene vert ( à partir de l’eau et de l’électricité solaire) et pourquoi des centrales nucléaires pour diminuer notre consommation de gaz et la réserver à créer de la valeur
    On pourrait exporter de l’électricité, de l’hydrogène et ne plus exporter des produits bruts mais les transformer ( Azote, Urée, ammoniaque, engrais, essences , gasoils ..créé de la valeur ajoutée…c’est 5 fois plus rentables ..
    Les stations consomment énormément d’énergie et elles sont vitales pour un pays comme le notre
    ce n’est pas normal que notre consommation intérieur augmente de 8% par an… les prix sont très bas
    Ce n’est pas utopique, car selon le département américain de l’énergie , l’Algérie possède la 3eme réserve mondiale de Gaz de schiste, et la 7eme de pétrole de Schiste…les USA, le Canada, l’Australie des pays devellopés ayant des législations plus restrictives que la notre l’ont fait…pourquoi pas nous
    L’eau? on a la plus grande réserve de nappe phréatique au monde, il faut bien sur la préserver , la protéger mais aussi l’intégrer pour le développement de l’agriculture au sahara…c’est vital pour une population qui croit de manière exponentielle…
    Un plein coute 5 euros en Algérie et actuellement entre 85/90 euros en France…
    Pour le KWH, ou le M3 d’eau c’est pareil …en économie il y’a un seuil de rentabilité et une marge bénéficiaire qui permet aux entreprises de se développer ( entretenir l’existant , investir et dégager des bénéfices en cas de choc)
    Nos entreprises étatiques sont toutes déficitaires ( à cause des prix bas) et sont enflouées à coup de milliards de subventions