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vendredi, mars 29, 2024

Fake News. De grandes réserves de diamants et d’or en Algérie selon Tebboune ? Non, c’est faux !

Vendredi soir, lors de son interview diffusée sur l’ENTV et plusieurs autres chaînes de télévision algériennes privées, Abdelmadjid Tebboune a fait croire aux Algériens et Algériennes que notre pays regorge de réserves d’or et de diamants importantes. Il s’avère que cette affirmation est totalement infondée et relève d’une Fake News. Explications. 

 

D’abord, l’or. Le seul chiffre officiel date du 11 avril 2012. A l’époque, c’est le ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, qui avait fait une déclaration au Quotidien d’Oran affirmant que les réserves aurifères prouvées du pays s’élèvent à 100 tonnes. Lors de la même interview, l’ancien ministre de l’Energie avait promis que ce chiffre devrait être revu à la hausse, car l’Algérie a l’intention d’intensifier l’exploration par ses propres moyens et en partenariat avec des groupes étrangers.

Malheureusement, cette promesse n’a jamais été concrétisée parce que l’or algérien est produit dans une seule mine située dans l’extrême sud du pays, à Tirek-Amesmessa (wilaya de Tamanrasset), dans le Hoggar. Ce site était présenté au début des années 2000 comme l’un des plus importants du continent africain. La production y avait atteint une tonne en 2009, mais a reculé depuis le retrait, pour des contraintes d’ordre financier, du partenaire australien GMA Ressources en octobre 2011. Et depuis cette date-là, l’Algérie n’a jamais vu la moindre trace de ces grosses quantités d’or. Le fantasme n’est jamais devenu une réalité. Pourquoi ?

Il faut savoir si l’Algérie recèle une importante quantité d’or dans son sous-sol, le climat joue un rôle majeur dans l’exploitation des gisements d’or. La faille monumentale qui a découpé le Hoggar occidental est certes riche en métal jaune, mais le climat de ce désert rend l’extraction difficile, ce à quoi s’ajoutent les problèmes de sécurité liés à des installations éloignées de tout. C’est pour cette raison qu’en 2011, l’Australien GMA-ressources s’est d’ailleurs retiré en laissant la place à la société nationale Sonatrach, mais aussi à des investisseurs chinois. Les australiens ont investi 33 M€ dans la mine d’Amesmessa jusqu’à 2011 et ce depuis 2003. Et cet investissement n’a rien donné de grandiose ni réussi à dévoiler les richesses de l’or du sous-sol algérien.

En novembre 2018, les autorités algériennes ont voulu relancer l’exploration et l’exploitation de l’or dans le Hoggar.  L’Algérie avait lancé la recherche des partenaires fiables pour accomplir ce projet, dans ce sens. « Des pourparlers avec plusieurs partenaires étrangers et entre autres une entreprise canadienne présente à cette rencontre », avait indiqué à l’époque le directeur des mines au niveau du ministère de l’industrie et des mines, Hanifi Mourad, en marge de la rencontre de la Mission économique « Mines et développement durable » organisée pour une délégation d’entreprises québécoise.

Mais depuis ces annonces, sur le terrain rien, absolument rien n’a été réalisé car les informations fournies par les autorités algériennes n’ont jamais été confirmées par des organismes indépendants et fiables. Dans ces conditions, la production réelle de l’or en Algérie est restée dérisoire et selon plusieurs experts contactés par Algérie Part, elle est d’à peine 100 KG d’or par an. En 2018, le ministère de l’Energie avait fait croire aux Algériens que la production aurifère devrait passer de 137 kg en 2016 à 286 KG. Encore une annonce qui n’a jamais été démontrée ni vérifiée. L’Entreprise d’exploitation des mines d’or « ENOR », filiale du groupe Sonatrach, n’a jamais été une entreprise bénéficiaire ! Son déficit était de -1,4 milliards Da en 2016 et -600 millions Da en 2017,  -400 millions Da fin 2018. Où est donc cet or caché dans notre sous-sol ? Il ne s’agit, malheureusement, que d’un fantasme entretenu par les médias algériens à la suite d’annonce fantasmagorique des autorités algériennes.

D’ailleurs, ces annonces ont nourri l’imaginaire collectif. Preuve en est, l’annonce de traces aurifères en surface de la société canadienne Mines Cancor inc. a donné le départ d’une véritable invasion du Hoggar de la part de chercheurs clandestins majoritairement venus du Niger. Équipés de détecteurs de métaux « Made in China », ces chercheurs se déplacent en 4X4 et creusent des tranchées dès que des traces d’or sont repérées.

Cette ruée vers l’or n’est pas uniquement l’œuvre de personnes désœuvrées en attirant les mafias précédemment spécialisées dans les armes et la cocaïne. Cet attrait soudain pour le métal jaune de la part de ces organisations criminelles trouve son origine dans la rumeur faisant état de la faillite des mines d’Amessemessa-Tirek. De quelques chercheurs isolés, le désert du Hoggar est à présent un lieu de concurrence entre bandes mafieuses rivales. Celles-ci débarquent avec du matériel de détection professionnel financé par les activités historiques. Plusieurs meurtres ont été constatés et chaque mois, la police algérienne procède à des arrestations et à des expulsions des chercheurs clandestins vers leur pays d’origine.

Et maintenant, le Diamant. Ce matériau le plus prestigieux et le plus prisé dans le monde a nourri tous les fantasmes en Algérie. Et ces fantasmes datent depuis l’époque du colonialisme français notamment à partir de 1833 où Paolo Francesco Peloso, consul de Piémont-Sardaigne à Alger, négocia la vente de trois diamants trouvés dans l’Oued Ghoumel, près de Constantine. La découverte fut présentée à l’Académie des Sciences de Paris et à la Société géologique de France, et l’un des diamants furent acheté en 1834 par le Muséum national d’Histoire Naturelle (MNHN) de Paris. Les géologues qui ont travaillé en Algérie au cours du 19ème siècle étaient embarrassés par cette découverte, qu’ils ont considérée comme peu fiable et ont vite oubliée. Le manque de nouvelles découvertes ainsi que la géologie de cette région du Sahara algérien, faite de sédiments marins mésozoïques, rendaient peu crédible la présence de diamant dans la région. Ainsi, Henri Fournel (1849) imaginait que ces diamants aient appartenu à l’une des femmes adultères qui, selon une légende, étaient jetées dans les gorges du Ghoumel à Constantine au temps des Romains.

Mais depuis la légende est restée vivace et même le Président Abdelmadjid Tebboune croit savoir que l’Algérie détient réellement de grandes réserves de diamant. Ce qui est encore une fois totalement faux.

En 2013, l’Agence nationale du patrimoine minier (ANPM) avait révélé que des recherches ont été menées à Reggane, dans la wilaya d’Adrar, pour identifier deux sites, dont l’un, Dar El Mass, porte un nom très évocateur. “Nous avons trouvé 1 400 grains de diamant dans un emplacement secondaire”,  avait affirmé l’ANPM qui pensait que cette découverte laisse penser qu’il y a une source principale encore inexplorée.

Or, à la suite de quelques vérifications, nous avons découvert que ces informations sur des réserves supposées de diamants sont disponibles en Algérie depuis au moins 2007 ! Il s’agit de recherches qui ont été menées dans une zone appelée « Bled El Mass », littéralement « le pays du diamant », qui est en réalité une zone d’alluvions sableuses située au sud-ouest de Reggane, au nord de l’Assedjrad, autour des champs gaziers du Djebel Aberraz. Depuis 2006/2007, des chercheurs ont trouvé des grains de diamants, ne dépassant pas les quatre millimètres de diamètre, enfouis dans des sables récents du quaternaire.

En 2007, les autorités algériennes ont tenté de trouver des investisseurs étranger pour exploiter cette concession à Reggane présentée comme une  concessions minières diamantifères. Or, aucune société internationale spécialisée dans l’exploitation des diamants n’a manifesté son intérêt car les 1500 grains de diamants étudiés recelant une faible valeur en joaillerie. Ce qui a découragé les investisseurs et même la Sonatrach n’a pas voulu investir dans cette mine de diamants car elle ne croyait pas à la fiabilité des informations communiquées par l’Office national de géologie minière (ORGM). D’autres recherches ont été menées également dans la partie  algérienne du massif de l’Eglab. Mais ces recherches n’ont rencontré aucun succès. Et  nouvelles campagnes de prospection n’ont pas abouti depuis des années à des découvertes majeures. Entre 2005 et 2007, la société sud-africaine De Beers, numéro un mondial de l’exploration et de l’exploitation des mines de diamant, a été bel bet bien contactée par l’Office national de géologie minière. Une délégation de spécialistes sud-africains s’est déplacée à l’extrême-sud algérien pour une campagne de prospection. Et elle n’a pas trouvée de grandes réserves de diamants en Algérie. Les informations de Tebboune sont une nouvelle fois infondées.

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