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dimanche, mai 28, 2023

Exclusif. Jean-Barthélémy Bokassa :  « Mon grand-père aimait beaucoup l’Algérie et la France l’a trahi »

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Artiste et romancier à succès, Jean-Barthélémy Bokassa a accordé une Interview Exclusive à Algerie Part. Il reviens sur son parcours et sur son grand père, l’empereur Jean-Bedel Bokassa, dernier empereur d’Afrique. Il nous raconte le sacre puis le coup d’Etat orchestré par la France à l’encontre de son grand-père.  Il revient également sur les relations qu’entretenait Jean-Bedel Bokassa, président de la République centrafricaine de 1966 à 1976 et empereur sous le nom de Bokassa Iᵉʳ de 1976 à 1979, avec l’Algérie. Entretien : 

Bonjour Jean-Barthélémy Bokassa, vous êtes le petit-fils et l’héritier du dernier empereur d’Afrique, Jean-Bedel Bokassa, quel souvenir gardez-vous de lui ?

 

Mon grand-pére est le dernier Empereur du continent africain et moi, son premier petit-fils. Il a épousé ma grand-mère, sa première épouse, Hué Nguyen Thi Bà a Saïgon en 1953. De cette union est née ma mère, la princesse Martine Bokassa.

De mon grand-père, je ne conserve que de bons souvenirs. Il m’a transmis son héritage intellectuel, son amour de la langue française et sa passion pour l’Histoire des peuples. Il a ainsi développé chez moi une curiosité pour la culture et pour l’art. Petit, j’avais un précepteur jusqu’a mon entrée à l’école élémentaire. Je voyais mes parents le soir après leurs obligations professionnelles. Mon grand-père, je le voyais 2 à 3 fois par mois environ. J’ai grandi ainsi dans le protocole, dans le vouvoiement familial et dans les rudiments de la langue vietnamienne.

Plus tard, à l’âge de 14 ans, mon grand-père fait appel à un professeur de peinture pour m’enseigner l’art de la peinture. Ce florilège de couleur posé sur une toile a été une révélation pour moi. Peindre est une passion, un besoin vital équivalent à celui de respirer. Mon grand-père a de ce fait contribué à l’artiste peintre que je suis devenu. Quant à sa passion pour l’Histoire, elle a contribué à faire de moi l’écrivain que je suis. Au fil de ma jeune vie d’écrivain, j’ai publié quatre ouvrages. Avoir un tel grand-père qui a été empereur et capitaine de l’armée française aide à avoir de bons souvenirs et de réaliser que dans la vie, rien n’est impossible.

 

Il est de notoriété publique qu’en 1979, la France par l’intermédiaire de V. Giscard d’Estaing, a orchestré un Coup d’Etat pour renverser votre grand-père, vivez-vous cet événement comme une souffrance personnelle ?

 

Je n’ai pas vécu le coup d’Etat orchestré par Valéry Giscard d’Esteing le 21 septembre 1979 comme une souffrance mais surtout comme une trahison. Mon grand-père a connu Valéry Giscard d’Esteing lorsque ce dernier était ministre des finances. Le premier voyage d’Etat de VGE après sa victoire aux présidentielles de 1974 était non pas aux USA ou en Allemagne comme la coutume le veut, mais en Centrafrique. Très vite Valéry Giscard d’Esteing vient pratiquer la chasse dans mon pays et devient peu à peu le meilleur ami de mon grand-père.

Dans la presse française, il parle de mon grand-père en ces termes : « Bokassa, mon cher Parent ». Le choix du mot « parent » est un terme fort ! En 1977, il soutient le sacre de mon grand-père et en facilite la mise en oeuvre. Mais hélas, tout cela n’est point de l’amitié, la politique n’est qu’une question d’intérêt, le sous-sol de la Centrafrique étant très riche en diamant et en uranium, on peut aisément deviner pour quelle raison VGE aimait venir chasser au Centrafrique… En politique, dès que votre allié obtient ce qu’il veut de vous, vous devenez son adversaire, il vous trahit et vous calomnie au passage, cela se passe systématiquement ainsi et c’est ce qu’il s’est passé dans le cas de l’allié Giscard envers Jean Bedel Bokassa.

Ce qui est épatant, c’est qu’avant la fameuse date du 21 septembre 1979, mon grand-père était le cher Ami et cher Parent de Giscard d’Estaing et juste après cette date, il est devenu l’ennemie « numéro un » à abattre et à dénigrer. Cette façon de retourner sa veste, c’est la magie de la politique ! Mais aujourd’hui, les gens sont de moins en moins dupes de cette hypocrisie politique peu glorieuse ! Fort heureusement, l’Afrique est entrain de renaître des blessures que l’Occident lui a infligé depuis la colonisation. L’Histoire de la Centrafrique a permis de démontrer que Jean-Bedel Bokassa est considéré à présent par le peuple Centrafricain comme l’unique Père Bâtisseur de la Nation.

Il été totalement réhabilité en 2010 par le Président Bozizé et son fils, mon oncle Jean-Serge Bokassa, est l’actuel Ministre de l’Intérieur. Avec du recul, au vu de l’état économique chaotique actuel de la Centrafrique, les historiens réalisent que V. Giscard d’Estaing a commis ce coup d’Etat pour des raisons purement personnelles et non dans l’intérêt des centrafricains. Moralité, cette trahison de Giscard, de celui qui venait dîner dans nos châteaux de famille et qui venait chasser sur nos terres, n’a point détruit le respect que porte les centrafricains pour la famille Bokassa.

 

Quel rapport entretenais l’empereur Bokassa avec l’Algérie ?

 

Mon grand-père a toujours cultivé une grande affection pour la culture algérienne et pour la culture orientale de manière générale. Il aimait le charme de l’Algérie qui constituait à ses yeux d’un point de vue démographique le plus grand pays du Maghreb.

Jean-Bedel Bokassa a régné de 1966 à 1977. Durant cette période de 11 ans, il a été Président de la République. De 1977 à 1979, il a été Empereur de la Centrafrique. Il a donc connu le Président Houari Boumédiène qui fut chef d’Etat durant la même période que lui de juin 1965 à décembre 1978. L’entente entre les deux hommes était très cordiale.

Je tiens à profiter de cette interview pour saluer la mémoire du tout premier Président de la République algérienne, Ferhat Abbas qui fut un grand Monsieur qui a beaucoup œuvré pour l’union des peuples et des cultures pour l’entente entre les français et les musulmans. C’est un homme qui s’est battu avec dignité contre le racisme et la colonisation. Il symbolisait à la fois le courage et la conviction, en cela il me rappelle mon arrière grand-oncle, Barthélémy Boganda, qui fut le tout premier Président de la Centrafrique après la colonisation en 1958 et qui s’est battu pour les mêmes valeurs et les mêmes convictions.

 

Que pensez-vous de l’Algérie ?

 

Je pense que l’Algérie est un pays d’avenir. L’Algérie peut être fière de sa jeunesse qui est présente dans toutes les sphères de la société, particulièrement dans le football de haut niveau, que ce soit dans de grands clubs français ou internationaux. Zidane, Benzema, ou Mahrez en sont des exemples prégnant, mais aussi mon ami et homme d’affaire, Badis Diab, leader en France dans le foot-business.

L’écrivain que je suis est un amoureux de la musique. Par conséquent, j’apprécie beaucoup ces jeunes groupes émergeants comme Babylone que propose la culture pop algérienne actuelle, au delà de l’aspect musicale, ces sonorités au mélange oriental et occidental sont une véritable invitation à la joie de vivre. L’Algérie est un pays aussi beau que vaste qui possède un potentiel illimité et qui, j’en suis certain, ne cessera de nous surprendre sur le plan culturel et artistique.

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