Exclusif. Comment un gros acteurs de la corruption en Algérie est devenu le « chef » de tous les projets de Sonatrach

C’est une histoire qui démontre encore une fois que cette « Nouvelle Algérie » est pire que l’ancienne qui a été combattue et rejetée par des millions de manifestants lors des marches populaires du Hirak. A Sonatrach, la compagnie nationale des hydrocarbures, le poumon économique du pays, le « chef » de tous les projets de la compagnie désigné par le PDG Toufik Hakkar, est l’un des acteurs du plus gros scandale de corruption en Algérie. Révélations. 

Le 11 juin dernier, le PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar, a nommé Aoudjhane Fredj, à la tête de la direction centrale de l’Engineering & Project Management (EPM). Il s’agit de la direction qui est chargée de superviser l’ensemble des projets de Sonatrach gérant ainsi des budgets colossaux qui varient d’une année à une autre à plus de 5 milliards, voire 7 milliards de dollars. La direction EPM a pour mission d’assurer le pilotage et l’exécution des grands projets industriels du Groupe Sonatrach.

Il s’agit donc d’une direction hyper-stratégique. Et Toufik Hakkar place à la tête de cette direction, Aoudjhane Fredj. Depuis le 11 juin dernier, Aoudjhane Fredj était uniquement un directeur par intérim de la direction centrale de l’EPM. Aujourd’hui, le PDG de Sonatrach a décidé cette semaine de  régulariser, à savoir le « permaniser » dans son poste pour lui confier directement l’immense responsabilité de diriger et de veiller sur les plus importants budgets d’investissements de la premier compagnie en Afrique, le coeur battant de l’économie algérienne.

Or, Aoudjhane Fredj est l’un des acteurs du gros scandale de corruption appelé l’affaire SNC-Lavalin. Il s’agit effectivement d’un cadre dirigeant de Sonatrach qui est mis en examen par le tribunal de Sidi M’hamed dans l’affaire du scandale de corruption lié à SNC-Lavalin, le géant canadien qui avait obtenu des contrats d’une valeur de près d’un milliard de dollars avec Sonatrach. Le géant canadien pour obtenir ces contrats est soupçonné d’avoir procédé au versement de pots-de-vin «à plusieurs dirigeants et hauts responsables algériens». 6 contrats ont été attribués à la société canadienne par l’intermédiaire de Cadber Investments, un cabinet panaméen à l’initiative de l’Algéro-Canadien Farid Bedjaoui, notamment celui de l’usine de traitement des eaux de Taksebt. Doté d’une enveloppe de 750 millions de dollars, un trou de deux millions de dollars en fausses factures a été découvert, selon des médias canadiens.

Dans la réalité, ce scandale est beaucoup plus grave. Et le personnage central de l’affaire SNC-Lavalin en Algérie est Aoudjhane Fredj.  Effectivement, ce collaborateur très proche de Toufik Hakkar, l’un des piliers de son clan à la direction générale de Sonatrach, est officiellement placé sous contrôle judiciaire par le parquet du tribunal de Sidi M’hamed. Le nouveau directeur choisi par Toufik Hakkar pour diriger l’EPM du groupe doit se rendre régulièrement au tribunal de Sidi M’hamed pour signer le registre des personnes placées sous contrôle judiciaire.

Pourquoi ? Parce qu’est Aoudjhane Fredj qui a dirigé le fameux projet de projet Usine de traitement de gaz CPF-LTS Rhourde Nouss QH en Algérie. Situé dans la wilaya de Ourgla, à 200km au sud de Hassi Messaoud, Rhourde Nouss est un gisement de gaz naturel et condensats est considéré comme est l’un des principaux champs de gaz du pays avec des réserves prouvées d’environ 370 milliards de mètres cubes. Découvert en 1980, Rhourde Nouss produit environ 1,69 milliards de pieds cubes/jours.

Le13 juin 2009, la société SNC LAVALIN Inc a remporté en Algérie le Contrat relatif à la réalisation des Installations de Traitement de Gaz des Champs de Rhourde Nouss – Quartzites de Hamra. Le fameux projet appelé par les pétrolers algériens (QH).  Ce contrat consiste principalement en la réalisation des installations nécessaires  à la collecte du Gaz des Champs de Rhourde Nouss Central, Rhourde Nouss Sud/Est , Rhourde Adra et Rhourde Adra Sud, au traitement du Gaz Brut des Quartzites de Hamra à partir d’un (01) Train de Capacité Nominale de 10 millions Sm3/j  et  à l’extraction et la réinjection de CO2 ainsi que l’expédition du Gaz produit vers le Réseau de Transport. Le Montant du Contrat s’élève à 79,30 Milliards de Dinars, soit plus de 510 millions d’euros, équivalent pour un délai global de réalisation de 39 mois.

Au départ, le chef de projet du côté de Sonatrach chargé de superviser les travaux de chantier confié aux canadiens SNC-Lavalin était un certain Mohamed Abdelaziz. Or, ce dernier ne va pas beaucoup tarder à Sonatrach parce qu’il avait tout essayé pour séduire et convaincre les partenaires canadiens de le débaucher pour le recruter au sein de leurs équipes. Mohamed Abdelaziz est le cadre de Sonatrach qui avait préparé le cahier de charges ayant servi de base pour lancer ce marché important à Rhourde Nouss remporté par les canadiens SNC-Lavalin. Le passage de Mohamed Abdelaziz chez le partenaire canadien de Sonatrach est totalement illicite et immoral, malgré cela, la direction générale de Sonatrach à l’époque n’avait pas bougé le petit doigt pour empêcher ce recrutement qui met en péril les intérêts de la compagnie nationale algérienne étant donné que le « déserteur » Mohamed Abdelaziz était le principal architecte du marché et projet remporté… par ses nouveaux employeurs les canadiens de SNC-LAVALIN.

Avant son départ chez le partenaire canadien, Mohamed Abdelaziz a pris le soin de « choisir » et de « préparer » son successeur. Il a jeté son dévolu sur le fameux Aoudjhene Fredj, un ancien ingénieur process de 2004 jusqu’à 2006. A partir de 2009, grâce à Mohamed Abdelaziz, Aoudjhene Fredj a été promu chef de projet QH à Rhourde Nouss. Et pour renvoyer l’ascenseur à son mentor, le fameux Aoudjhene va réaliser le moindre petit désir de SNC-Lavalin. Les anomalies et les irrégularités vont s’accumuler jusqu’au point de provoquer un énorme préjudice financier à Sonatrach et l’Algérie.

A titre d’exemple, tout le matériel et les équipements nécessaires au projet « QH » entrait en Algérie depuis… la Tunisie ! Plus de 3600 rotations ont été effectuées entre 2009 et 2013. Des rotations entre la Tunisie et l’Algérie, à savoir des camions qui transportaient les équipements du projet « QH » depuis le territoire tunisien alors qu’il était totalement possible et envisageable de débarquer ce matériel sensible directement sur des ports algériens pour les acheminer ensuite vers Rhourde Nouss. Toutes les factures de ces rotations ont été approuvées par Aoudjhene Fredj qui n’a jamais réclamé des explications aux canadiens de SNC-LAVALIN. Ces derniers se permettaient toutes les dérives qui causaient des pertes financières considérables pour l’Algérie. Et le chef de projet côté Sonatrach, Aoudjhene les couvrait à chaque fois pour ne pas éveiller les soupçons de Sonatrach.

Du côté de SNC-Lavalin, le directeur de construction, un tuniso-canadien appelé Riadh Benaissa, pouvait demander tout ce qu’il voulait à Aoudjhene Fredj. Ce dernier se mettait à quatre pattes pour prendre en charge les doléances de la compagnie canadienne. A la fin du projet, le haut cadre de Sonatrach va se retrouver, par enchantement, propriétaire d’une belle villa dans la wilaya de Tipaza. Son train de vie a radicalement changé et le fonctionnaire de Sonatrach vit comme un « prince » bien choyé par le destin. Ou plutôt par la générosité de SNC-Lavalin.

Cependant, le scandale a vite éclaté à la suite des révélations internationales sur les pratiques immorales et illicites de la compagnie canadienne lors de sa conquête de certains marchés internationaux dans des pays comme l’Algérie. La Société nationale des hydrocarbures (Sonatrach) a été chargée en juin 2019  par la Cour suprême de porter plainte contre l’entreprise canadienne SNC-Lavalin sur les conditions d’attribution de plusieurs contrats douteux en Algérie qui remontent à… 2009 comme le fameux projet « QH ».

Les révélations du fameux scandale des «Panama Papers» ont rapporté des informations attestant que la société canadienne avait réussi à obtenir des marchés en Algérie grâce à une société écran, Cadber Investments, créée via un cabinet panaméen à l’initiative de l’Algéro-Canadien Farid Bedjaoui. La presse canadienne a souligné qu’en dix ans, SNC-Lavalin a remporté 90% des contrats octroyés en Algérie pour un montant total de quatre milliards de dollars. Derrière ce privilège, la justice canadienne a pointé le rôle de Farid Bedjaoui. En mars 2020, la Cour Suprême à Alger a exhumé des dossiers liés à la société canadienne SNC-Lavalin. Et le nom d’Aoudjhene Fredj figure noir sur blanc sur la liste des personnalités soumises aux investigations judiciaires pour déterminer les complices ayant permis ces scandaleuses pratiques de corruption. D’un côté, il est placé sous enquête, et de l’autre il gère les milliards de dollars de la Sonatrach. Cherchez l’erreur ! Une situation totalement immorale et compromettante pour la direction générale de Sonatrach placée sous l’emprise d’un certain… Toufik Hakkar.