Comme il a été rapporté et révélé par Algérie Part dans le premier épisode, le général Toufik, l’homme qui était à la tête du puissant DRS de 1990 jusqu’à 2015, a fait de nombreuses révélations au cours du procès qui avait été organisé le 23 et 24 septembre derniers au tribunal militaire de Blida. Ces révélations ne sont jamais parvenues à l’opinion publique en raison du blackout médiatique imposé par le ministère de la Défense nationale à ce procès qualifié, pourtant, du « procès du siècle » par les autorités algériennes et les médias nationaux. Ces révélations nous fournissent des précieuses informations sur le fonctionnement du régime algérien et sa nature très complexe.
Ainsi, confronté aux juges du tribunal militaire de Blida qui l’interrogeaient sans ménagement, le général Toufik a révélé que le 5e mandat n’était pas à l’ordre du jour jusqu’au printemps 2018 ! « A un an de la date des élections prévues pour Avril 2019, Said Bouteflika m’avait informé que le Président n’envisageait pas de se présenter pour un cinquième mandat », a expliqué ainsi le général Toufik dans son témoignage. « Je suis catégorique, il n’y’aura pas de cinquième mandat », lui glisse à l’époque à l’oreille Said Bouteflika.
Mais il s’avère que vers la fin de l’année 2018, la situation va totalement changer les évènements prendront une autre tournure et la situation décrite par les révélations du général Toufik fait froid dans le dos. « Vers la fin 2018, mes contacts avec la présidence ont cessé et j’ai appris l’annonce de la candidature du Président Bouteflika au cinquième mandat par la presse. J’ai compris à ce moment-là, la raison pour laquelle la Présidence a interrompu tout contact avec moi », raconte encore l’ex-patron du DRS qui signe et persiste : « Je n’avais plus contact avec la présidence de fin de l’année 2018 jusqu’au 26 Mars 2019″.
Ecarté du centre du pouvoir et marginalisé, le général Toufik ne sera rappelé que lorsque le pays s’embrase grâce aux flammes du Hirak. Le 26 Mars 2019, Said Bouteflika appelle le général Toufik et lance le fameux processus de concertation pour tenter de trouver une solution à cette crise que personne n’avait vu venir au sommet du pouvoir. « Le contact avec M. Said Bouteflika est rétabli via un appel téléphonique et nous avons convenu de nous rencontrer le lendemain à Dar El Affia, une résidence située à Hydra, qui n’a rien de secret, se trouvant sur une voie publique, et dépendante au DSS/Présidence de la République, dirigée par General Bachir Tartatg », confie sur ce chapitre le général Toufik aux juges du tribunal militaire de Blida.
« Said Bouteflika m’a proposé que le Général Tartag se joigne à nous mais j’ai refusé », certifie encore l’ex-patron du DRS qui a fourni moult détails sur cette inédite réunion tenue avec Said Bouteflika. Des détails qui méritent certainement une enquête approfondie alors que la justice militaire a préféré juger le frère et conseiller d’Abdelaziz Bouteflika, Said Bouteflika, le général Toufik et le coordinateur des services secrets auprès de la Présidence, Bachir Tartag, dans un procès expéditif et entièrement verrouillé.
« Je précise que la rencontre du 27 Mars 2019 était dans l’esprit de renoncement du cinquième mandat, car le Président en exercice Abdelaziz Bouteflika avait déjà annoncé publiquement qu’il quittera la présidence au terme du quatrième mandat fin Avril et qu’il ne se présente pas pour un cinquième mandat ». C’est avec ces mots que le général Toufik entamera son récit devant les juges du tribunal militaire de Blida. « J’ai rencontré Said Bouteflika, conseiller du Président de la République encore en exercice, le 27 Mars 2019 à Dar El Afia. Je dis bien rencontrer pour apporter ma contribution à la résolution de la crise et non « réunion ». Au cours des discussions, J’avais suggéré Mr. Ali Benflis, Monsieur Ahmed Benbitour et Monsieur Liamine Zeroual pour diriger la transition », a poursuivi encore le général Toufik avant de jeter un véritable pavé dans la mare, une information capitale que la justice militaire a longtemps caché aux algériens.
En effet, le général Toufik certifie dans son témoignage qu’il avait demandé expressément à Said Bouteflika d’informer le chef d’Etat-Major de l’ANP, Ahmed Gaid Salah, du contenu de leur réunion. La thèse du complot ne reposerait donc sur aucun élément tangible et concret. « Au cours de cette rencontre, j’ai insisté auprès de Said Bouteflika pour qu’il prenne contact avec le Vice-Ministre de la Défense pour l’informer du contenu de notre rencontre car il va de soi que toute solution de sortie de crise du pays devait se faire avec le commandement de l’armée », a indiqué ainsi le général Toufik.
L’ex-patron du DRS a dévoilé, ensuite, tout le contenu de sa discussion avec Liamine Zeroual, l’ex-Président de la République. « Le 28 mars, j’ai contacté Monsieur Zeroual pour discuter de la situation du pays. Il était disposé à apporter sa contribution pour le pays et il m’a donné rendez-vous. Il m’a même dit « Je viens à Alger le 29 Mars et on se fixe rdv dès maintenant chez moi à Moretti le 30 Mars à 10h00 ». Le jour de la rencontre, il déclina la proposition en invoquant son état de santé et le Hirak », révèle le général Toufik qui récuse toute accusation de « complot contre l’Etat ».
« Je n’ai nullement comploté contre l’autorité de l’armée ou pour changer le régime. J’ai passé toute ma vie dans l’armée œuvrant à son unité et pour que son commandement reste uni. Et pour moi cette mission est cruciale, importante et personne ne peut déstabiliser cette armée et son unité quelques soient les circonstances », répond le général Toufik lorsque les magistrats militaires insisteront sur son implication dans « un complot » visant à décapiter le haut commandement militaire de l’ANP.
« Ma mission était de veiller à la préservation des institutions de l’état et à la stabilité du pays. Et comme tout le monde le sait, la stabilité qui a été imposée durant ces dernières années était superficielle et fragile car la vraie stabilité ne consiste pas espionner les citoyens », lâche le général Toufik pour remettre en cause tout le travail qui avait été accompli par les institutions militaires depuis son départ du DRS en 2015.
« Il est clair que lorsque je vois les faits qui me sont reprochés, je n’en crois pas mes yeux. Et en ce qui concerne l’initiative prise consistant à organiser des rencontres, c’était juste pour soumettre un avis et essayer de trouver une solution à la crise reconnue de tous », se défend également le général Toufik qui va surprendre tous les juges du tribunal militaire de Blida en rendant un vibrant homme au Hirak algérien.
« Il faut dire aussi que les manifestations du peuple nous ont réhabilités et rendus notre fierté. Et ce peuple mérite qu’on lui fasse un cadeau, qui consiste à lui transmettre le flambeau pour l’avènement de la Deuxième République », a conclu enfin le général Toufik, le seul homme qui avait voulu affronter le tribunal militaire de Blida alors que Said Bouteflika et Bachir Tartag ont préféré se murer dans leur silence qui nous empêchera de connaître leur vision et les secrets qu’ils cachent.