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jeudi, décembre 5, 2024

Enquête. Pourquoi l’Algérie a perdu d’ores et déjà son statut de pays pétrolier important sur la scène mondiale

Pris de panique par les révélations de l’agence de presse internationale Bloomberg sur les exportations pétrolières très faibles de l’Algérie qui n’ont pas dépassé la moyenne de 290 mille barils de pétrole par jour en janvier 2021, le ministre algérien de l’Energie Abdelmadjid Attar est sorti de sa réserve ce jeudi 11 octobre pour apporter des réponses censées rassurer les Algériennes et les Algériens sur l’avenir des hydrocarbures dans leur pays. Le ministre algérien est allé jusqu’à prétendre que l’Algérie exporte 677.000 barils de pétrole par jour de pétrole brut afin de démentir les informations révélées par Bloomberg, une agence internationale américaine spécialisée dans l’économie et la finance qui exerce une forte influence sur les salles de marchés. 

Or, le chiffre annoncé par Abdelmadhid Attar n’a absolument aucun fondement. Algérie Part a consulté de nombreuses sources fiables et bien introduites au sein de Sonatrach pour confirmer la chute des capacités des exportations pétrolières du pays. Bien avant même la dépêche de Bloomberg, Algérie Part avait publié plusieurs décryptages dans lesquels nous avions publié des chiffres vérifiables sur les exportations pétrolières algériennes en chute libre depuis 2016 et donc bien avant le début de la pandémie de la COVID-19 et ses bouleversements ayant ébranlé le marché mondial des hydrocarbures.

Tout a commencé depuis 2016 

Chiffres à l’appui, Algérie Part avait indiqué que depuis le mois de septembre 2019, l’Algérie exporte à peine 506 mille barils de pétrole par jour !

Un chiffre bas qui lui a permis de gagner à peine 950 millions de dollars de recettes. Des gains très faibles par rapport aux immenses besoins budgétaires de l’Etat algérien qui doit veiller sur la sécurité et santé d’une population approchant les 45 millions d’habitants.

Cette chute des exportations pétrolières algériennes en termes de volume et de recettes en devises est un signal d’alerte qui a été déclenché depuis 2016. Pendant toute l’année 2016, l’Algérie exportait en moyenne 542 mille barils de pétrole par jour, a constaté Algérie Part en accédant à des documents confidentiels de Sonatrach dont les chiffres ont été confirmés et vérifiés par les contrôleurs et inspecteurs de la Banque d’Algérie.

Et en 2017, les exportations pétrolières algériennes tournaient autour d’une moyenne de 529 mille barils par jour. Et en 2018, les exportations pétrolières ont baissé jusqu’à une moyenne de 466 mille barils par jour. A partir de 2019, cette baisse des exportations du pétrole brut a commencé à prendre une dimension totalement négative. Au mois de juillet 2019, les exportations algériennes de pétrole sont tombées jusqu’à une moyenne de 343 mille barils par jour. Et si durant le deuxième trimestre de l’année 2019, l’Algérie exportait en moyenne 689 mille barils de pétrole par jour, lors du troisième trimestre de la même année, les exportations pétrolières algériennes sont retombées à 615 mille barils par jour.

Tout au long de l’année 2020, les exportations algériennes du pétrole brut n’ont pas cessé de chuter en raison des baisses de production imposées par les quotas de l’OPEP et de la chute sensible de la capacité de production nationale qui ne dépassait pas en moyenne les 800 mille barils de pétrole par jour.  Quant aux exportations, elles tournaient autour de 400 mille barils par jour jusqu’à descendre sous la barre des 300 mille barils par jour depuis le mois de janvier 2021.  Ces baisses sensibles des exportations pétrolières ont provoqué des conséquences financières désastreuses pour l’économie algérienne car moins de barils exportés signifient moins de dollars dans les caisses de Sonatrach, et par ricochet, de l’Etat algérien.

Une manipulation politique 

Mais le ministre Abdelmadjid Attar est allé encore plus loin dans ses mensonges en faisant croire que les informations annonçant la fin prochaine de l’ère du pétrole en Algérie ne sont pas fondées et relève de la pure manipulation. Malheureusement, c’est le ministre algérien qui verse dans une grossière manipulation car toutes les études les plus fiables démontrent la baisse sensible des réserves algériennes en hydrocarbures et leur incapacité prochaine à satisfaire… les besoins nationaux d’une Algérie dont la démographie est galopante avec une consommation nationale qui augmente chaque année en moyenne de 10 % que ce soit pour le gaz naturel ou les produits pétroliers.

Attar veut tromper les Algériens pour masquer une réalité amère : l’Algérie a d’ores et déjà perdu son statut de pays pétrolier important sur la scène mondiale. Pourquoi ? Il faut  savoir que les réserves actuelles du pétrole en Algérie constituent à peine 1 % de toutes les réserves prouvées du pétrole des 14 pays pétroliers de l’OPEP. Les pays abritant les réserves pétrolières les plus importantes du cartel de l’OPEP sont le Vénézuela avec 25,5 % de ces réserves, l’Arabie Saoudite avec 22,4 %, l’Iran avec 13,1 % et l’Iraq avec plus de 12 %. Les réserves pétrolières de l’Algérie d’aujourd’hui dépassent à peine celles du Gabon, Angola ou la Guinée Equatoriale.

D’après le bulletin 2020 des statistiques officielles de l’OPEP, depuis 2015, les réserves algériennes en pétrole brut sont de l’ordre de l’équivalent de 12,20 milliards de barils. Si l’Algérie poursuit sa production actuelle de 800 mille barils par jour, cela signifie que pendant un mois, elle va consommer 24 millions de barils de ses réserves de pétrole. Cela signifie que l’Algérie va produire plus de 288 millions de barils de pétrole par an. Cela signifie qu’en se basant sur un rythme de 800 mille barils de pétrole par jour, les réserves prouvées et restantes en Algérie lui permettront de produire du pétrole pendant encore 20 ans, c’est-à-dire jusqu’à 2040.

L’équation de la forte demande nationale 

Cependant, la consommation nationale de l’Algérie ne cesse d’augmenter car l’Algérie est un pays qui va franchir bientôt la barre des 45 millions d’habitants et d’ici 2030, il abritera plus de 51 millions d’habitants. La consommation énergétique nationale a augmenté de 59% entre 2010 et 2019, selon une évaluation réalisée par le Commissariat aux énergies renouvelables et à l’Efficacité énergétique (CEREFE). La consommation finale d’énergie est passée de 31,6 millions tonnes équivalent pétrole (TEP) en 2010 à 50,4 millions TEP en 2019, soit une augmentation de 18,7 millions TEP par rapport à 2010.

1 million TEP = 7,33 millions de barils de pétrole. Ainsi, la consommation intérieure de l’Algérie en 2019 a englouti presque 370 millions de baril de pétrole ! A ce rythme, l’Algérie pour ses propres besoins intérieurs aura besoin d’une production pétrolière qui dépassera le 1 million de barils par jour. Si l’Algérie continue de produire à peine 800 mille barils de pétrole par jour, elle sera contrainte dans les prochaines années d’importer … des barils de pétrole ! Et ce scénario risque bel et bien de se produire d’ici 2030.

Il faut savoir que la consommation nationale augmente essentiellement dans le secteur résidentiel et tertiaire dont la consommation a presque doublé en enregistrant une augmentation de 11,1 millions TEP entre 2010 et 2019 (soit +89,5%), suivi par le secteur des transports dont la consommation a augmenté de 4,2 millions TEP (soit +37,4%) et le secteur de l’industrie et BTP avec une augmentation de 3,2 millions TEP (soit +40,2%).

Quant à la structure de la consommation nationale d’énergie par produit durant la dernière décennie (2010-2019), le rapport d’évaluation du CEREFE nous apprend qu’elle comprend 148 millions TEP en produits liquides (essentiellement des produits pétroliers), soit 36%, 144 millions TEP en produits gazeux, sous forme de gaz naturel et GPL, soit 35% et enfin 116 millions TEP consommés pour produire de l’électricité, soit 29%. L’exploration de ces chiffres sur la consommation énergétique nationale nous apprend finalement que de 2010 jusqu’à 2019, la consommation nationale intérieure en Algérie concernant les produits pétroliers est équivalent à plus de 330 mille barils de pétrole par jour !

Depuis 2019, l’Algérie produit à peine 1,02 million de barils de pétrole par jour. En réalité, ce chiffre communiqué par les autorités algériennes à l’OPEP retrace les pics de production enregistrés en Algérie durant cette année car la moyenne quotidienne était inférieure à 900 mille barils par jour comme elle est inférieure à 800 mille barils par jour en…2020.

Partant du principe que l’augmentation de la consommation nationale de pétrole tourne autour de 8 jusqu’à 10 % par an, cela signifiera que d’ici 4 ans, voire 5 ans, l’Algérie devra consacrer plus de 700 mille barils par jour à ses besoins intérieurs. L’Algérie ne pourra plus se permettre le luxe d’importer et au-delà de 2030, elle risque de devenir un pays importateur… de pétrole.

Pour éviter ce scénario cauchemardesque, l’Algérie a besoin de disposer d’importantes réserves prouvées, des réserves beaucoup plus importantes que celles dont elle dispose actuellement. Il faut savoir, par exemple, que la Libye a des réserves en pétrole brut 4 fois supérieures à l’Algérie et les réserves du Nigeria sont 3 fois supérieures à nos réserves. Si l’Algérie avait ce niveau de réserves, elle aurait pu conserver jusqu’à 2040 son statut de pays pétrolier important. Or, elle a perdu ses atouts stratégiques à cause d’une surconsommation permanente de ses réserves.

Le 29 octobre 2019, le prédécesseur d’Abdelmadjid Attar au ministère de l’Energie, Mohamed Arkab avait reconnu devant la Commission des affaires économiques à l’Assemblée populaire nationale (APN) que « 60% des réserves initiales d’hydrocarbures du pays étaient épuisées ». Il n’avait pas tort…

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5 تعليقات

  1. Mr Semmar vous oubliez de préciser que le manque d’exportation de pétrole par notre pays et compenser par l’exportation de crotte de dromadaire, oui en effet chers compatriotes iln’ya aucune crainte à avoir quand à l’avenir de l’Algérie, nos dirigeants préparent une offensive pour devenir d’ici quelques jours le premier exportateur d’excréments de chameaux au monde , alors à tout ceux qui critique nos dirigeants ça vous en bouche un coin hein? Pauvre de nous et pauvre Algérie.

  2. Le problème n’est pas dans le volume, ni au prix du baril qui dépend du marché mondial et des quotas de L’OPEP,,,, mais dans le coût de revient de production et d’acheminement… SH est en sureffectif, des investissements obsolètes, des filiales trop budgetivores….et l’instabilité du top management….et encore.. ??? SH doit s’ouvrir au capital privé national et étranger au moins au tiers…