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vendredi, mars 29, 2024

Enquête. Pourquoi la viande est encore un luxe que seuls les riches en Algérie peuvent se le permettre ?

Depuis le début de l’année 2021, les prix des viandes rouges ont atteint des prix totalement hallucinants en Algérie. Il faut compter, effectivement, entre  1800 jusqu’à 2200 Da pour acheter un kilo de viande rouge. Les prix varient selon les viandes bovines ou ovines. Mais en général, les prix tournent autour de cette fourchette et ne cessent d’augmenter depuis 2019 année à laquelle l’Algérie a sombré dans une véritable panne économique. La viande est devenue ainsi un luxe que seuls les plus riches des Algériens peuvent se le permettre. Et pour cause, un simple kilo de viande équivaut plus de 10 % du salaire minimum garanti en Algérie. C’est un cas inédit et intrigant pour un vaste pays qui aurait être le paradis de l’élevage et de la production des viandes. Enquête. 

Oui, un kilo de viandes peut valoir jusqu’à 10 % du salaire minimum d’un travailleur algérien.Pour acquérir un rôti de bœuf de 1 kg (ou viande rouge équivalente) à Alger le coût est de l’équivalent de 10.58 €. Il s’agit d’un prix moyen qui peut baisser jusqu’à 7.45 € et croître jusqu’à 14.89 € selon la période et la ville. Il faut savoir que le salaire minimum en Algérie est d’à peine 125 euros par mois. Face à cette cherté excessive qui alimente une véritable frustration collective, les autorités algériennes viennent de décider « à titre exceptionnel » l’importation des viandes congelées durant le mois sacré du Ramadhan, a indiqué lundi à ce propos un communiqué de la Présidence de la République qui a résumé les travaux du Conseil des Ministres présidé hier dimanche par Abdelmadjid Tebboune.

La question des prix inabordables des viandes rouges a été abordée au cours de ce conseil des ministres. Abdemadjid Tebboune a également chargé le gouvernement de « poursuivre les préparatifs nécessaires à l’entame du mois sacré du Ramadhan », insistant particulièrement sur « l’autorisation, à titre exceptionnel, durant le mois sacré du Ramadhan, de l’importation des viandes congelées par les importateurs actifs dans chaque wilaya.  Dans ce contexte, le Président Tebboune a mis l’accent sur la nécessité de « faire la distinction entre les viandes locales et les viandes importées lors de la présentation commerciale à travers tous les espaces ».

Le citoyen algérien consomme une moyenne de 14 kg/ an de viande rouge 

Ainsi, pour juguler les prix excessivement chers, le gouvernement algérien recourt à l’importation des viandes congelées pour répondre aux besoins des consommateurs algériens. Or, pourquoi un pays aussi vaste que l’Algérie ne peut pas produire ses propres viandes ? L’Algérie souffre effectivement d’une gestion archaïque dans ce domaine et dépend toujours des importations pour espérer manger de la viande. Le citoyen algérien consomme une moyenne de 14 kg/ an de viande rouge. Le taux de croissance de la production des viandes rouges a atteint 1,4% en cinq ans (2015-2019). Les importations des viandes importées, quant à elles, ont atteint 381 526 quintaux contre 348 265 quintaux durant la même période de comparaison. La valeur de ces importations a atteint 141 millions de dollars contre 131 millions de dollars durant les huit premiers mois de l’année 2018, avec une augmentation de 7,63%.

Cette dépendance des importations traduit les faiblesses et carences de la branche des viandes rouges (producteurs, agriculteurs et éleveurs) en Algérie. Cette filière a connu une baisse en termes de nombre d’éleveurs (-30%) entre 2018 et 2019 par rapport aux années précédentes, en sus de la baisse du nombre d’écuries, notamment aux wilayas de Sétif, Sidi Bel-Abbès et Oum El Bouaghi.

C’est pour cette raison que la production nationale des viandes demeure ainsi très faible par rapport aux besoins réels du pays. Si on approfondit encore ce sujet, nous découvrons des réalités encore plus amères. A titre d’exemple, la consommation de viande bovine est très faible en Algérie, soit 6 kg par habitant et chaque année, mais en progression continue avec +36% en 12 ans, selon les statistiques officielles de l’institut technique des élevages.

Elle est neuf fois inférieure à la quantité consommée en Argentine, trois fois moindre que la moyenne européenne, mais proche de celle du Maroc, pays voisin, où elle est de l’ordre de 8 kg/hab/an et légèrement inférieure à celle de la Tunisie avec 4 kg/hab/an.  La filière algérienne est confrontée depuis des années à l’ouverture progressive des frontières aux produits d’origine animale et à leurs dérivés. Ceux-ci proviennent de pays où les évolutions techniques et organisationnelles ont permis la mise à niveau de la filière viande et l’amélioration de la qualité des produits. La filière bovine algérienne a échoué à  s’accommoder de la transition vers une économie concurrentielle et du désengagement de l’Etat, ce dernier étant conduit à concevoir et à mettre en œuvre des réformes de libéralisation dans un contexte marqué par l’accord conclu avec l’Union européenne et par les négociations en vue de l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce. Les diverses mesures initiées vont aboutir dans des délais relativement courts à la moindre protection du marché national.

Force est également de constater que la filière viande bovine demeure en Algérie très soumise aux fluctuations des prix des aliments du bétail sur le marché en fonction de l’année climatique. Les prix peuvent être multipliés par deux ou trois fois d’une saison à l’autre. Si les structures de regroupement, en l’occurrence les marchés aux bestiaux, ne souffrent pas de contraintes spécifiques, les abattoirs disposent, quant à eux, de conditions d’hygiène peu favorables, et fonctionnent en dessous de leurs capacités d’abattage avec des coûts de production qui demeurent élevés.

C’est ce qui explique pourquoi la quantité globale des viandes rouges produites localement  avait atteint seulement 5,219 millions de quintaux durant les huit premiers mois de l’année 2019, contre 5,29 millions de quintaux durant la même période de l’année 2018, enregistrant ainsi une légère baisse -1%.

 

En Algérie, de multiples organismes et institutions sont impliqués dans la filière bovine. Le ministère de l’Agriculture gère les fonds de soutien appuyés par les services de développement agricole des wilayas. C’est ainsi, par exemple, qu’en 1995, une instruction ministérielle a été promulguée en vue de la réhabilitation de la production laitière. Ce programme (1995-1999) visait l’augmentation de la productivité de la production laitière et ce par l’importation d’un matériel animal à fort potentiel génétique et l’acquisition sur cinq ans de 50 000 vaches laitières (Bovin Laitier Moderne) en accordant des primes aux éleveurs bovins et en incitant un investissement à la ferme. Quelques 22 000 têtes bovines ont été destinées à l’engraissement en 2013. Ainsi en 2012, l’Algérie a importé 8 000 animaux destinés à l’abattage d’un poids moyen de 570 kg vif, dont 60% de mâles. Cette importation de bovins de boucherie et d’engraissement pourrait être le début d’une nouvelle politique face au marché.

Une politique de soutien bâclée, des subventions mal-encadrées 

Mais, les fortes turbulences socio-économiques du moment, la lourdeur du mécanisme de l’octroi du soutien, l’implantation insuffisante et inefficace des structures de suivi et la pratique de la culture à forte plus-value au détriment des cultures fourragères ont achevé de rendre le programme de développement agricole (PNDA, 2001-2007) (programme de financement du secteur agricole) sans résultats probants. Les derniers bilans en 2010 font ressortir que le budget global alloué à l’agriculture durant toute la période du PNDA est évalué à 400 milliard de dinars, cela donne une estimation de 49 euros par hectare et par an. A titre d’exemple, le soutien moyen direct aux agriculteurs de l’Union Européenne est de 288 euros par hectare et par an, soit 6 fois plus, cela sans compter toutes les autres formes d’interventions. Il faut préciser que si, dans l’UE, les subventions agissent sur les revenus des exploitants agricoles, en Algérie les soutiens sont essentiellement destinés à des investissements dans la ferme, c’est le cas de la filière bovine.

Le budget de la Politique Agricole Commune représente 40% du budget global de l’UE et chaque vache de l’UE est subventionnée à 2,2 euros par jour. En 2010, en France, les plus subventionnés sont les éleveurs de bovins viande (avec 36 600 euros par an) (Institut de l’élevage, 2012) alors qu’en Algérie le montant annuel moyen des subventions durant la période du PNDA atteint à peine 750 euros par exploitation soutenue. Plus de 60% de ces subventions sont des investissements destinés à la mobilisation des ressources hydriques. Malgré leur augmentation suite aux efforts déployés depuis l’année 2000, les réalisations restent très faibles mais les réalisations ont certes augmenté. Peu d’efforts ont été consacrés à l’analyse des contraintes limitant la productivité des troupeaux et à l’évaluation des capacités d’adaptation de l’animal à produire, se reproduire et se maintenir dans les conditions d’élevage locales. Certaines activités ont connu une amélioration significative comme le déploiement des activités d’insémination artificielle suite à leur prise en charge totale par le plan. Parmi les contraintes qui sont à l’origine de ces faibles résultats, il y a la faiblesse de technicité chez les éleveurs notamment dans la maîtrise et la rigueur de la conduite du troupeau, la rationalisation de l’alimentation et l’exploitation des techniques de reproduction.

Voici donc les principaux problèmes qui expliquent la faiblesse criante de la production nationale et l’incapacité de l’Algérie de produire elle-même les viandes qu’elle veut consommer. Malheureusement, au lieu de s’attaquer directement et rapidement à ces problèmes, le gouvernement algérien recourt à des solutions conjoncturelles basées uniquement sur… les importations. Un aveu d’impuissance.

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11 تعليقات

  1. Tous les système exploitant, le piège (el fakha) Arabo-islamique, s’arrangent à ne laisser ruisseler les robinets des richesses qu’au compte-gouttes pour asservir leurs peuples. Ils sont adeptes convaincus des richissimes occidentaux qui s’hibernent à leur mort, espérant la découverte de l’immortalité, pour vivre toute l’éternité !
    Allez croire ces gens là qui amassent de quoi vivre 3000 ans quand ils te disent :
    « Pour être un vrai musulman, il faut aimer pour les autres, ce qu’on aime pour soi » !
    Alors que secrètement, ils donnent dans « faites ce que je vous ordonne, mais ne faites pas ce que je fais » !
    Il n’y a que les écervelés qui choisissent de vivre à leurs crochets.

  2. « Pour acquérir un rôti de bœuf de 1 kg (ou viande rouge équivalente) à Alger le coût est de l’équivalent de 10.58 €. Il s’agit d’un prix moyen qui peut baisser jusqu’à 7.45 € et croître jusqu’à 14.89 € selon la période et la ville. Il faut savoir que le salaire minimum en Algérie est d’à peine 125 euros par mois. »

    Tu parles de l’Algérie ou de la France
    Si c’est l’algerie, sa monnaie est le dinar algérien (DZD pour les initiés ) et non l’euro
    Ceci dit, un article noyé de chiffres et de références pour masquer l’inconsistance de l’article
    Manger de la viande n’est pas une fin (faim) en soi
    L’essentiel est que le peuple ne meure pas de faim et n’en soit pas réduit à la mendicité
    Contrairement à de nombreux pays y compris ceux dans lequel tu vis
    Merci les minima sociaux, allocations et autres