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vendredi, mars 29, 2024

Enquête. Importations de l’Algérie à l’étranger : autopsie d’un fiasco annoncé depuis des années

Depuis de longues années, les dirigeants algériens jurent qu’ils vont réduire la facture des importations pour réduire l’impact des crises économiques extérieures sur la stabilité financière et économique de l’Algérie. Un voeu qui reste totalement pieux parce que l’Algérie importe essentiellement des produits indispensables à sa survie et son fonctionnement quotidien. Loin du populisme qui entoure régulièrement ce dossier stratégique pour l’avenir du pays, faisons ensemble l’autopsie des importations algériennes. Enquête. 

Pour comprendre les enjeux et les dessous des importations algériennes à l’étranger, intéressons-nous à la période du premier trimestre de cette année 2020, à savoir la période qui a précédé le début de la pandémie du coronavirus COVID-19 en Algérie et dans presque tous les pays du monde excepté la Chine.

Un document élaboré par la direction des études et de la prospective des douanes algériennes montre ainsi que les importations globales de l’Algérie ont marqué un repli de 19,52 % durant le premier trimestre de l’année 2020 par rapport à la même période de l’année 2019, en passant de 11,33 milliards USD à 9,12 milliards USD. Ainsi, bien avant le début de la pandémie de la COVID-19, l’Algérie a pu réduire un tant soit peu sa facture des importations. Cependant, si les baisses des importations à l’étranger ont été de l’ordre de 49,58 %, 34,72 %, 33,24 et de 8,30 % respectivement pour les biens d’équipements agricoles, les biens d’équipements industriels, les demiproduits et les biens de consommation non alimentaires, l’Algérie a dépensé encore beaucoup d’argent à l’étranger pour acquérir des biens alimentaires.

En effet, le document des douanes algériennes en notre possession démontre que des hausses de l’ordre de 181,14 %, 12,38 % et de 0,59 %, concernent respectivement les énergies et lubrifiants, les produits bruts et les biens alimentaires.

Par ailleurs, la facture énergétique, à savoir les importations des carburants comme l’essence et gasoil, s’ est alourdie à nouveau et a atteint 465,46 millions USD au cours
du premier trimestre  de l’année 2020, soit une augmentation exceptionnelle de 181 % par rapport au premier trimestre de l’année 2019. Cela signifie que l’Algérie paie cher, très cher l’absence d’une industrie pétrochimique sur son territoire pour répondre aux besoins en carburants de son marché intérieur.

D’autre part, l’Algérie souffre énormément de sa dépendance vis-à-vis de l’étranger en ce qui concerne la nourriture et les produits alimentaires de base. Pourquoi l’Algérie n’arrive pas à baisser ses importations dans cette catégorie ? Parce qu’il s’agit de produits alimentaires que l’Algérie n’est pas encore outillée pour les produire localement. En effet, le groupe des « Biens alimentaires » vient en troisième position dans la structure des
importations réalisées durant le premier trimestre de l’année 2020 avec une part de
21,23 % de la valeur globale.

Les importations de ce groupe ont atteint 1,94 milliard USD au cours du premier trimestre de l’année 2020, soit une légère hausse de l’ordre de 0,59 % par rapport à la même période de l’année 2019, nous apprend le document élaboré par les douanes algériennes.

Les biens alimentaires importés par l’Algérie à l’étranger sont composés par  les produits de céréales, laits et produits de la laiterie, sucres et sucreries et résidus et déchets des industries alimentaires. Ces produits affichent des parts respectives de 32,51 %, 18,80 %,
9,33 % et de 5,68 %. On le voit bien, les produits alimentaires importés par l’Algérie sont essentiellement les céréales, le lait et le sucre. Trois produits de base que l’Algérie n’arrive toujours à produire alors que sa population est en nette croissance et ses besoins évoluent sans cesse.

Il faut savoir à ce sujet que l’Algérie fait ainsi partie des principaux importateurs mondiaux. Durant la campagne 2018/19, le pays a été le quatrième plus grand importateur de blé (7,52 Mt), derrière l’Égypte (12,3 Mt), l’Indonésie (10,9 Mt) et les Philippines (7,54 Mt).

Concernant le lait, l’Algérie s’est classée en 2018 3e importateur mondial de lait avec 1 milliard USD. Notre pays est également le 1er consommateur maghrébin à cause d’une production déficitaire de près de milliards de litres.  En Algérie,  le nombre de vaches laitières au niveau national est largement en deçà du cheptel nécessaire pour répondre aux besoins en lait. Constitué actuellement de 200 000 vaches uniquement, ce cheptel doit être de l’ordre de 1 million de vaches laitières pour satisfaire la demande exprimée. Les besoins actuels sont de 4,5 à 5 milliards de litres/an alors que la production locale tourne autour de 600 à 800 millions de litres/an, soit un déficit de près de 4 milliards de litres/an qui est comblé par les importations.

Ces dysfonctionnements structurels expliquent la faiblesse de notre pays et sa forte dépendance vis-à-vis des importations. Or, le gouvernement algérien actuel ne pourrait pas se débarrasser de cette dépendance s’il ne se dote pas d’une véritable stratégie économique capable d’insuffler du dynamisme dans la production nationale.

Regardons maintenant une autre catégorie qui représente une part importante des importations algériennes : les importations des  » demi-produits  » qui représentent une part de 21,27 %, occupant ainsi la deuxième position dans la structure des importations globales de l’Algérie au cours du premier trimestre de l’année 2020.

De quoi s’agit-il réellement ?  Le groupe en question est constitué essentiellement par les tubes, tuyaux et profilés creux, sans soudure, en fer ou en acier, les demi-produits en fer ou en aciers non alliés, les polymères de l’éthylène, sous formes primaires, les polyacétals et autres polyéthers et résines époxydes et les produits laminés plats à chaud, en fer ou en aciers non alliés, avec les parts respectives de 8 %, 5,18 %, 4,57 % et de 3,64 %.

Il s’agit de produits industriels sur lesquels l’Algérie a dépensé durant les 3 premiers mois de l’année 2020 plus de 1,9 milliard de dollars parce que sa propre industrie est encore très faible et médiocre. Pour réduire ses importations, il suffit ainsi de développer une véritable industrie nationale.

La faiblesse chronique de l’industrie algérienne explique également la forte dépendance de l’Algérie vis-à-vis de l’étranger concernant les importations des « biens d’équipements
industriels ». Preuve en est, au titre du premier trimestre de l’année 2020 s’élèvent à 2,69 milliards USD, occupant ainsi le premier rang dans la structure des importations globales du pays avec une part de 29,48 %.

En termes de structure, ces importations sont constituées essentiellement de postes
téléphoniques d’usagers, de véhicules automobiles pour le transport de
marchandises, de turboréacteurs, turbopropulseurs et autres turbines à gaz et
des articles de robinetterie pour tuyauteries avec les parts respectives de 6,30 %, de
6,16 %, de 6,02 % et de 3,95 %.

Le document des douanes algériennes en notre possession montre qu’au cours du premier trimestre de l’année 2020, les importations algériennes de ces équipements industrielles ont beaucoup augmenté.  Les turboréacteurs, turbopropulseurs et autres turbines à gaz enregistrent une hausse exceptionnelle de l’ordre de 313,79 %. L’importation des articles de robinetterie pour tuyauteries augmente d’un taux de 13,18 %. Seuls les postes téléphoniques d’usagers et les véhicules automobiles pour le transport de marchandises ont enregistré des baisses respectives de l’ordre de 35,88 % et de 33,68 %.

En guise de conclusion, on peut confirmer aisément que l’Algérie importe surtout des équipements et produits fondamentaux pour ses besoins intérieurs. La baisse des importations peut atteindre les 20 ou 25 %, mais elle ne pourra jamais aller au-delà de ce seuil car l’Algérie est encore et toujours dépendante de l’étranger pour s’équiper, se nourrir et fonctionner comme il se doit. La véritable problématique ne concerne donc pas les importations, mais l’incapacité de l’Algérie à fabriquer et concevoir des produits manufacturiers ou alimentaires. C’est à ce niveau-là qu’il faut agir au lieu de faire croire aux Algéries que la baisse des importations est la solution à tous les maux du pays…

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