Enquête. Homologation d’usines de production de matériel des puits de pétrole : les très dangereuses combines de la direction générale de Sonatrach

Sonatrach encore et toujours. Les scandales se succèdent à la direction générale de la compagnie nationale des hydrocarbures où plusieurs directions continuent d’orchestrer de dangereuses machinations pour s’octroyer des privilèges illicites et des budgets colossaux gérés en toute opacité au détriment de l’intérêt commercial de la compagnie qui a énormément souffert financièrement pendant l’année 2020. Cette fois-ci, Algérie Part a découvert des combines mafieuses qui concernent un secteur névralgique de l’exploitation de nos hydrocarbures : l’audit d’homologation d’usines de production de matériel tubulaire, à savoir les tuyaux de puits de pétrole ainsi que l’ensemble du matériel d’exploitation, de forage et d’extraction indispensable au quotidien pour l’industrie pétrolière ou gazière. 

Lorsque nous avons entamé notre enquête, nous avons découvert que le 5 novembre 2020, la division exploration-production de Sonatrach a annulé, à la surprise générale, un important appel d’offres. Il s’agit de l’appel d’offres N° SH-EP-DP-AT/028/19/T. Cet appel d’offres porte sur le marché de l’AUDIT D’HOMOLOGATION D’USINES DE PRODUCTION DE MATERIEL TUBULAIRE ET TETES DE PUITS. Il s’agit d’une procédure à travers laquelle Sonatrach doit sélectionner un cabinet d’audit international chargé de visiter les usines de production de matériel d’exploration et d’extraction du pétrole appartenant aux fournisseurs qualifiés et attitrés de la division exploration-production à travers l’ensemble de ses directions régionales au sud du pays.

Les usines des fournisseurs avec lesquels Sonatrach est lié contractuellement à la suite d’une procédure commerciale très complexe sont réparties sur tous les continents. Nous avons pu confirmer, effectivement, au de nos investigations que Sonatrach compte 3 fournisseurs en Inde, 18 en Chine, 2 aux Etats-Unis, 3 en Corée du Sud, un fournisseur en Autriche, Italie, Argentine, Mexique, la Russie, Brésil ou la Grèce. La compagnie nationale des hydrocarbures travaille également avec 3 fournisseurs au Japon. Ces fournisseurs sont des sociétés internationales spécialisées dans la conception du matériel tubulaire nécessaire à l’exploitation et l’extraction du pétrole depuis les puits situés dans le champ pétrolifère. Ces sociétés internationales fabriquent des articles de tuyauterie pour l’industrie du pétrole sans lesquels les équipements de forage ne peuvent pas réussir correctement l’extraction du pétrole.

Sonatrach, comme toutes les sociétés productrices de pétrole, doit sélectionner chaque deux ou trois ans des fabricants internationaux de ce matériel de forage et d’exploration afin de les soumettre à une pré-qualification qui passe par plusieurs évaluations techniques et financières. A la suite de cette pré-qualificaiton, ces sociétés étrangères participent à un appel d’offres au cours duquel Sonatrach sélection un nombre précis de fournisseurs avec lesquels elle doit signer des contrats pour acquérir le matériel tubulaire dont elle a régulièrement besoin pour le forage des puits et l’extraction du pétrole.

Cependant, pour la sélection des fournisseurs de ce précieux matériel tubulaire comme des tubes de conduite ainsi que des tubes pour le traitement des hydrocarbures, un cabinet d’audit doit intervenir pour réaliser une expertise au cours de laquelle il vérifie la conformité des usines de production de ce matériel spécifique avec les standards techniques internationaux de l’industrie des hydrocarbures.

C’est, justement, l’objet de l’appel d’offres N° SH-EP-DP-AT/028/19/T qui a été lancé par la direction production de Sonatrach au sein de l’activité Exploration-Production du groupe le 22 septembre 2019. Plus d’une année plus tard, cet d’appel d’offres a été annulé par Sonatrach sans qu’aucune explication ne soit fournie aux soumissionnaires issus des quatre coins de la planète et représentants les plus importants cabinets internationaux d’Audit.

Que s’est-il alors passé ? Selon nos investigations, deux hauts responsables de Sonatrach ont convaincu le PDG de la compagnie Toufik Hakkar d’annuler tout bonnement ce marché afin de confier la mission de l’audit des fournisseurs de la compagnie nationale des hydrocarbures à… ses propres cadres et services ! C’est du jamais vu. Oui, Taleb Messaoud, le directeur de la production (DPR) de Sonatrach, et Messikar Réda, le plus influent conseiller de la division production du groupe.

Ces deux hauts responsables de Sonatrach ont convaincu Toufik Hakkar d’annuler tous les marchés et contrats avec les cabinets internationaux d’audit pour faire des économies en devises. Mais qui va auditer les usines de production du matériel tubulaire que Sonatrach doit acquérir chaque deux à trois ans ? Taleb Messaoud et Messikar Réda ainsi que Toufik Hakkar ont jugé bon de confier cet audit aux… ingénieurs et cadres de Sonatrach qui seront ainsi dépêchés à travers le monde entier pour inspecter les usines des fournisseurs et fabricants mondiaux de ce matériel particulièrement délicat dans l’industrie des hydrocarbures. C’est un choix inédit dans l’histoire de Sonatrach.

Et pour cause, un audit de prequalification d’usine est une procédure complexe et pointue réservée au spécialistes.  Ce travail est mené essentiellement par des compagnies d’inspections spécialisées dans les produits OCTG et Line Pipe dont les inspecteurs sont certifies par l’American Petroleum Association Niveau 1 a 3. Ce sont des spécialistes dans les procédures de fabrication et/ou de contrôle qualité de ces équipements spécifiques.

Leur travail exige les tâches suivantes :

– Tests de composition chimique de l’acier
– Tests de dureté et tests mécaniques
– Inspection Ultrason des défauts et imperfections des tubes, a l’externes, a l’internes, pour défauts horizontaux et transversaux, corps du tube et extrémités du tubes
– Inspection Electromagnétique des défauts et imperfections des tubes, a l’externes, a l’internes, pour défauts horizontaux et transversaux, corps du tube et extrémités du tubes
– Inspection dimensionnelle, épaisseur, longueur, ovalite
– Tests hydrostatiques, graphshydrostatiques
– Analyse de graphs de vissage
– Analyse de la traçabilite totale du produit
– Analyse du système qualité de l’usine

Il s’agit donc de procédures pointues qui déterminent la qualité et la sureté du produit fabriqué par une usine. Les calibrations des outils et des machines de mesures et d’inspection, chimiques, mécaniques, ultrason, électromagnétiques, hydrostatique, doivent être vérifiés par les inspecteurs eux-mêmes grâce à l’utilisation d’étalons.

Toutes ces différentes étapes de la fabrication et de l’inspection du produit doivent en suite être réalisées devant les inspecteurs. Seuls des spécialistes certifiés par l’API sont capables de juger si toutes ces étapes vitales a la fabrication d’un produit sure, sont réalisées correctement par le fabricant.

Il serait très dangereux d’accepter une usine sans la vérification par des spécialistes certifies et indépendants de chacune de ces étapes cruciales de la fabrication et de l’inspection du produit. Cela exposerait l’utilisateur a des produits tubulaires défectueux qui pourraient facilement provoquer des accidents qui pourraient être fatals pour le personnel, et extrêmement couteux pour l’utilisateur. Aucun utilisateur majeur n’accepte de prendre une telle responsabilité.

Toutes les campagnes de qualification de fabricants Line Pipe et OCTG pour le Oils Majors, à savoir les compagnies pétrolières les plus puissantes au monde, sont faites par des compagnies d’inspection spécialisées dans l’audit des usines, dont les inspecteurs sont des spécialistes certifies par L’API. C’est aussi clairement la procédure jusqu’a présent utilisée par la SONATRACH et qui a permis d’éviter jusqu’à présent des accidents majeurs dans les puits et les pipelines.

Il est à souligner également que la SONATRACH, comme toute les grandes compagnies pétrolières, avait jusque-là une procédure bien établie pour sélectionner les compagnies d’inspection spécialisées dans l’audit des usines de casing, tubing, et pipeline.

Elles sont sélectionnés de manière très strictes de par leurs qualifications, certifications, leur expérience, et le niveau de qualification et de certification de leurs inspecteurs. Cette méthode a toujours permis de garantir la qualité des fournisseurs pré-qualifiés et surtout du matériel qu’ils fournissent. Et de protéger la société contre les très gros risques de matériel défectueux avec des conséquences extrêmement graves sur l’outil de production de Sonatrch.

Or, dans l’appel d’offre de pré-qualification en cours, cette procédure de sélection de compagnie d’inspection spécialisée a été purement et simplement annulée, et par une simple lettre de la direction générale de Sonatrach ! Désormais, une délégation de personnel technique interne à SONATRACH a été désignée pour réaliser ces audits.

Aucun personnel de la SONATRACH n’a la compétence acquise ou la certification nécessaire pour évaluer les importantes étapes de fabrication et de contrôle qualité qui garantissent le niveau de qualité du fournisseur. Par une simple lettre, la direction générale de SONATRACH a outrepassé les procédures indispensables à la garantie de la sécurité dans les puits. L’actuelle direction générale a renoncé tout simplement à l’exigence de qualité et de sécurité qui régit le travail de Sonatrach depuis de longues années.

Ces combines dangereuses peuvent compromettre la production nationale du pétrole. Messikar Réda, Taleb Messaoud et Toufik Hakkar ne vont faire aucune économie pour Sonatrach puisque les dépenses onéreuses de tous les déplacements des techniciens de la compagnie à l’étranger coûteront beaucoup plus cher que les milliers de dollars versés à un cabinet d’audit international qui dispose de ses propres succursales dans les pays les plus industrialisés de la planète. Le choix de cette nouvelle politique n’aucune justification sur le plan économique ou financier. Le trio dirigeant de la production de Sonatrach a une seule ambition : sélectionner les fournisseurs étrangers sur des critères purement mercantiles, claniques et selon les agendas affairistes personnels des dirigeants de Sonatrach sans se soumettre au moindre contrôle d’une autorité experte et avertie dans le secteur des hydrocarbures. Attention, il y a vraiment péril en la demeure.