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mardi, juin 6, 2023

Enquête exclusive. Maisons en France et commissions à l’étranger : voila où part l’argent détourné du blé algérien

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Du fait de la forte poussée démographique, de l’évolution des régimes alimentaires et des besoins de l’alimentation animale, les besoins de l’Algérie pour nourrir sa population demeurent très importants. Le blé ainsi que ses produits dérivés sont le principal aliment de la population, ce qui attribue à ce produit un rôle stratégique afin d’assurer la sécurité alimentaire de la population d’une part et celle du maintien de la paix sociale d’autre part.

Aujourd’hui l’Algérie ne couvre que 30% de ses besoins alimentaires et même si la production agricole devait se développer, le pays ne sera pas autosuffisant avant plusieurs décennies. En effet, notre pays affiche une production céréalière nationale en moyenne s’établissant autour de 4 millions de tonnes, et une consommation céréalière moyenne élevée de 8 millions de tonnes par an, dont plus de 5,5 millions tonnes de consommation de blé.

L’importation des céréales, qui peut atteindre 10 Millions de tonnes par an, est confiée à l’Office Algérien Interprofessionnel des Céréales (OAIC), acteur majeur de la filière qui réalise 80% des importations de céréales. Cet organisme public assure la régulation de la filière et l’approvisionnement en céréales de tout le territoire national à travers sa propre organisation logistique.

 

Tous les contrats d’achats de céréales de l’OAIC sont acheminés par voie maritime. La marchandise, transportée le plus souvent par bateau céréalier de 25.000 ou 40.000 Tonnes, est négociée par la commission des achats de l’OAIC en amont et contrôlée à l’arrivée au niveau des ports algériens par les services de l’OAIC, relativement au cahier des charges agréé par le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural et à la conformité des résultats constatés sur certificats établis par les sociétés de contrôle et de surveillance à l’embarquement.

Alors que le trésor algérien effectue à travers la BADR, un paiement en devises pour ces impressionnantes quantités importées, ce sont étrangement un poids inférieur de plusieurs centaines de Tonnes que sont réceptionnés.

A titre d’exemple, c’est à peine 39.800 tonnes de marchandises qui sont réceptionnés au port lors du débarquement d’un navire de 40.000 tonnes !

Nous avons contacté un des anciens transitaires de l’OAIC qui nous a confirmé que, parmi les litiges les plus fréquents auxquels il a été confronté, le problème du poids à la fin de déchargement est le plus récurrent.

‘’Une différence est constatée entre le poids de la cargaison réellement déchargé et le poids mentionné sur la facture domiciliée‘’

La freinte de route est une expression utilisée en logistique qui se définit comme « Une tolérance de perte due à la nature spéciale de la marchandise transportée ». La freinte de route concernant l’OAIC et ses fournisseurs s’établit à 0,5% du poids total pour le manquant.

Si le poids constaté après le déchargement est inférieur au poids déclaré dans la facture domiciliée et que ce manquant dépasse le seuil de 0,5% du poids total, la banque est en droit de demander un remboursement auprès du fournisseur.

Ainsi, tout en respectant les conditions contractuelles et la freinte arrêtée par l’OAIC, quelques fournisseurs avec la complicité de différents acteurs liés aux services de contrôle à l’étranger comme en Algérie, s’arrangent pour ne jamais livrer pas moins de 200 Tonnes de marchandise payées, et ce sur chaque navire-vraquier de 40.000 Tonnes de notre exemple précédent.

Avec la mise en place de ce stratagème que le code pénal qualifierait de «fraude fiscale, de non-rapatriement de recettes en devises et de transfert illégal de capitaux à l’étranger », ce seraient la contrevaleur annuelle de 40 à 50.000 Tonnes de céréales (représentant 0,5% des 8 à 10 Millions de tonnes importées) qui seraient reversées sur des comptes off-shore à toutes les parties prenantes de ce vaste réseau de corruption.

A un prix moyen de 200 euros la tonne, se sont plus de 10 Millions d’Euros par an qui disparaissent ainsi des caisses du trésor algérien. Et si on doit encore multiplier ce chiffre par 20 années du règne de le régime de Bouteflika, ce ne seraient pas moins de 100 Millions de dollars qui manqueraient à l’appel ! Ou comment se faire du blé sur le dos des algériens…

A l’époque où il était Ministre de l’Agriculture, Abdessalam Chelghoum, qui avait été un temps Directeur Général de l’OAIC et qui trainait déjà des casseroles avec l’ex secrétaire général du FLN Amar Saidani, craignait que l’affaire ne s’ébruite suscitant un scandale international et débouchant sur des poursuites judiciaires.

 

 

Il fait alors appel à un de ses riches amis et président de la commission transport au FCE : Mr Abdallah Seriai.

Ce natif de la ville d’El-Taref, né le 7 mars 1938, se présente comme expert en économie portuaire. Il est Président de l’association professionnelle inter wilayas des agents maritimes algériens (APAMA) qui a obtenu son agrément en date du 20 mars 2013.

 

En Juillet 2018, alors que le gouvernement avait décidé d’ouvrir l’activité maritime à l’investissement privé, une journée d’information avait vite été organisée par le très discret mais néanmoins actif Seriai, avec la participation de son ami et Directeur des Transports Maritimes et des Ports au niveau du Ministère des Travaux publics et des Transports (MTPT), Mr Abdelkrim Rezal.

Abdallah Seriai, qui fait du lobbying en ce sens depuis plusieurs années, a fini par réussir son coup et influencer l’Etat à imposer le pavillon national dans les transports maritimes, un marché estimé entre 4 à 5 milliards (mds) de dollars annuellement.

Le 27 Aout 2019, une convention a même été signée entre le Groupe Algérien de Transport Maritime (GATMA) et l’OAIC, pour promouvoir l’utilisation de la flotte maritime nationale et limiter ainsi le recours aux moyens de transport étrangers en vue de réduire les dépenses en devises pour l’importation de blé.

Ce qui n’est pas fait pour déranger le Président de la filiale algérienne du grand Groupe International du secteur maritime portuaire et logistique espagnol : MARMEDSA-BEMARINE… un certain Abdallah Seriai… Mission Accomplie !

Revenons à l’explosif dossier des manquements dans les importations de céréales en Algérie. Afin de répondre aux préoccupations de son ami et protégé de Said Bouteflika, Seriai suggère à Abdesslam Chelghoum de mettre en place une proposition de loi afin d’interdire aux douanes de poursuivre l’OAIC contre les manques de marchandise au-delà des 0,5% du poids chargé !

Pour cela, il va s’appuyer directement sur son ami le Sénateur Ouraghi, beau-frère de Tayeb Louh et indirectement entamer un lobbying entreprenant sur la commission juridique du conseil de la nation (sénat) et faire jouer ses relations avec les responsables du Ministère des Finances. Ou l’art de s’acheter une impunité en Algérie…

Comme nous l’annoncions dans une de nos précédentes publications, en Juillet 2019, l’ancien DG de l’OAIC avait été limogé par les nouveaux hommes fort du pays. 45 minoteries et semouleries avaient été fermées et leurs propriétaires poursuivis en justice pour violation de la réglementation en vigueur à savoir surfacturation et fausses déclarations. La plupart des entreprises incriminées sont situées à l’Ouest de l’Algérie. Hormis celles de Béjaia, aucune ne se situe à l’est du pays.

 

Comme à l’époque de Hadj Mokhtar Louhibi, l’ex DG de l’OAIC nommé à ce poste du fait qu’il était le beau-frère d’un certain Général Larbi Belkhir, la nomination récente à la tête de l’OAIC d’Abderrahmane Bouchahda, neveu de l’épouse du Général Gaid Salah, ne laisse rien présager de nouveau, si ce n’est la perpétuation de l’accaparement d’un des secteurs névralgiques par les puissants du moment. Entre-temps et depuis 2012, Abdellah Seriai est devenu propriétaire, avec son épouse et ses enfants, d’une maison individuelle de plus de 1000 M2 à ELANCOURT dans le département des Yvelines, dans la partie chic de la banlieue parisienne.  Comme vous, nous nous sommes demandés comment Abdellah Seriai avait-il pu acquérir cette magnifique demeure alors qu’il réside en Algérie ?

 

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